Paris, France – La nouvelle valve Edwards Sapien 3® a obtenu son autorisation de remboursement en France le 3 septembre dernier et la première implantation a été réalisée le 16 septembre par le Pr Hélène Eltchaninoff au CHU de Rouen.
Le Pr Alain Cribier, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse organisée par Edwards Lifesciences, en marge du XVIème Congrès Francophone de Cardiologie Interventionnelle, n’a pas hésité à qualifier cette nouvelle valve de « révolution dans le domaine du TAVI » [1].
La technologie de la Sapien 3® et la courte expérience dont on dispose avec cette valve suggèrent que l’on pourrait franchir un nouveau palier en matière d’implantations par voie fémorale, de complications vasculaires, et de fuites paravalvulaires.
Associées à une meilleure sélection des patients et aux progrès de l’imagerie, les nouvelles valves pourraient donc accélérer l’élargissement progressif des indications du TAVI vers les patients à moindre risque opératoire.
Une architecture optimisée
La valve Sapien 3® reprend les critères définis dès le milieu des années 90, grâce à des études autopsiques, qui avaient permis de définir une hauteur maximale de 14-16 mm, pour préserver le faisceau de Hiss d’un côté, et les ostium coronaires de l’autre. La maille du stent a d’ailleurs été élargie par rapport aux générations précédentes, pour ne pas occlure l’ostium, même si la valve est montée un peu haut.
Le Pr Cribier a également insisté sur la très importante résistance du nouveau stent à la compression, pour maintenir une ouverture parfaitement circulaire, condition d’une bonne coaptation des valvules.
On note enfin la présence d’une jupe entourant le dispositif à sa base, qui permet à la fois de « ne plus faire d’ « oversizing », avec un risque de rupture de l’anneau aortique en conséquence », et de limiter les fuites paravalvulaires « qui restaient un problème pour environ 15% des patients ».
Rappelons que dans le registre FRANCE 2 , une fuite aortique de grade > 2 est le facteur pronostique le plus puissant de mortalité à un an.
Des introducteurs passés de 24 F à 14-16 French
L’autre avancée importante concerne la réduction du diamètre des introducteurs. Pour les valves Sapien 3® de 23 et 26 mm de diamètre, on utilise des introducteurs de 14 French (soit un diamètre minimum du vaisseau de 5,5 mm), et pour la valve de 29 mm, un introducteur de 16 French (soit un diamètre minimum du vaisseau de 6 mm).
Une valve de 20 mm de diamètre est également prévue pour le « valve in valve ».
Cette réduction du diamètre de l’introducteur a deux conséquences : l’augmentation de la proportion de TAVI réalisés par voie transfémorale, et la réduction des complications vasculaires de cette approche.
Avec la Sapien® de première génération (2005), implantée via un introducteur de 24 French, le taux d’implantation par voie fémorale était de l’ordre de 50%. Avec la Sapien XT® (2009), et son introducteur de 18-20 French, ce taux montait à 75%. Avec la réduction supplémentaire des introducteurs, « plus de 80% des patients devraient maintenant pouvoir être implantés par voie transcutanée », estime le Pr Cribier.
Le retour d’expérience de Rouen
A Rouen, où cette voie est empruntée pour 92% des implantations, « on a simplifié la procédure au maximum pour faire des interventions mini-invasives », explique le Pr Cribier.
Concrètement, ceci signifie que l’on passe de 25 à 6 personnes en salle, que l’intervention est réalisée sous anesthésie locale et non générale, sans échographie trans-oesophagienne (ETO).
L’ensemble de la procédure dure moins de 60 minutes, et la plupart des patients – 70% à Rouen – sortent de l’hôpital en moins de 3 jours, et pour regagner directement leur domicile.
Le Pr Cribier note enfin que les conversions à l’anesthésie générale et à la chirurgie cardiaque ou vasculaire représentent moins de 1% des cas.
Complications vasculaires en baisse
Enfin, des introducteurs plus fins permettent de limiter les taux de complications vasculaires.
Dans le registre FRANCE 2, en 2012,on comptait 5,5% pour l’abord fémoral (1,9% pour l’abord transapical).
Dans la première série de 150 patients implantés avec la Sapien 3®, présentée par John Webb (Vancouver) lors du congrès EuroPCR 2014 (83 ans, 54% de femmes, 50 patients à haut risque, 100 patients à risque intermédiaire), les résultats pour les 96 patients implantés par voie fémorale étaient les suivants.
Mortalité toutes causes à 30 jours : 2,1%. AVC : 1%. Complications vasculaires majeures : 5,2%. Fuites paravalvulaires sévères et modérées : 0 et 2,6%. Implantation d’un stimulateur cardiaque : 12%.
Les indications : le risque intermédiaire en débat
« Plus le risque chirurgical est bas, meilleur est le résultat du TAVI », note le Pr Cribier. Dans ces conditions, il est probable que la Sapien 3®, et plus généralement, la nouvelle génération de valves – 18 nouvelles valves ont été présentées au congrès TCT 2014… – va accélérer l’ouverture des indications vers le risque intermédiaire.
La première implantation chez l’homme remonte à 2002. « A l’époque, le TAVI était réservé aux patients compassionnels », explique le Pr Cribier. On est ensuite passé aux patients de plus de 80 ans, à très haut risque chirurgical et récusés par la chirurgie, pour élargir progressivement le TAVI au haut risque, accepté par la FDA en 2012.
Cette évolution se reflète d’ailleurs parfaitement dans les études et les registres, qui concernent des patients dont les scores de risque, EuroScore ou STS, vont en diminuant.
Théoriquement, le seuil de risque retenu pour le TAVI est un EuroScore > 20% ou un score STS > 10%. Mais « beaucoup de critères du risque chirurgical ne sont pas inclus dans ces scores », souligne le Pr Cribier. Au demeurant, les recommandations européennes de 2012 reconnaissent la supériorité de l’évaluation clinique sur les scores.
Cette évolution du compassionnel vers le très haut, puis le haut risque, et peut-être demain vers le risque intermédiaire, n’est pas qu’une affaire de valve. Le Pr Cribier souligne notamment le rôle joué dans cette évolution par l’imagerie, et en particulier le scanner. L’évolution des valves s’inscrit simplement dans un mouvement d’ensemble.
« Va-t-on obtenir l’autorisation de glisser vers le risque intermédiaire », s’interroge le Pr Cribier
Pour se prononcer formellement, il faut attendre les résultats de l’essai PARTNER 2, mené aux Etats-Unis avec la valve Sapien XT® chez des sujets présentant un STS > 4, et de l’essai SURTAVI mené avec la CoreValve® en Europe chez des sujets dont le risque a été évalué comme intermédiaire par la heart team, à l’unanimité.
« Le but suprême, que je verrais bien dans 10 ans, serait une chirurgie réservée aux seuls patients présentant une contre-indication au TAVI », ajoute-t-il.
Le Pr Alain Cribier déclare des activités de consultant pour Edwards Lifesciences, mais précise qu’il n’a aucun intérêt spécifique dans la valve Sapien 3. |
REFERENCE :
1 - Conférence de presse organisée par Edwards Lifesciences, le 8 octobre 2014 à Paris.
TAVI chez les patients âgés à bas risque chirurgical : pour ou contre
Le TAVI toujours en suspens dans le risque opératoire intermédiaire
Un comité de la FDA en faveur de la valve Sapien chez les patients à haut risque chirurgical
Publication du registre FRANCE 2, registre français des TAVI dans le NEJM
Citer cet article: Vincent Bargoin. Nouvelle valve Sapien 3 : l’occasion de repenser les indications du TAVI - Medscape - 13 oct 2014.
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