Paris, France – Une femme de 36 ans vient de donner naissance à un petit garçon en bonne santé après avoir reçu, un an auparavant, l’utérus d’une femme ménopausée [1].
Elle est l'une des neuf Suédoises qui avaient eu une greffe d'utérus de donneuse vivante en 2013.
Jusqu’ici, sur les 11 transplantations d’utérus réalisées de par le monde, aucune n’avait permis de donner naissance à un enfant vivant.
Auparavant, une seule grossesse avait été obtenue chez une jeune femme turque à partir d’un utérus greffée d’une donneuse décédée mais la grossesse avait été interrompue au bout de deux mois, l’embryon ne présentant pas de rythme cardiaque.
L’histoire d’un succès
Ce premier succès est décrit par le Pr Mats Brännström (hôpital de Göteborg, Suède) dans le Lancet.
La patiente qui a bénéficié de la greffe était atteinte d’un syndrome de Rokitansky, une absence congénitale complète ou partielle d’utérus mais avec des trompes et des ovaires normaux. En France, ce syndrome touche une fille sur 4500. La patiente a reçu l’utérus d’une femme ménopausée de 61 ans qui avait préalablement mis au monde deux enfants.
La receveuse et son partenaire ont réalisé une FIV avant la transplantation et 11 embryons ont été cryoconservés. L’intervention n’a pas fait l’objet de complications et la femme a eu ses premières règles 43 jours après la transplantation. Elle a continué à avoir des cycles menstruels de 26 à 36 jours (moyenne 32 jours) et a débuté une grossesse un an après la transplantation dès le premier transfert d’un embryon unique. Elle a reçu une triple immunosuppression ( tracrolimus, azathioprine et corticoïdes) pendant toute la durée de la grossesse.
La patiente a vécu trois épisodes légers de rejets, dont un est survenu pendant la grossesse. Ils ont tous été résolus par corticoïdes.
Les flux sanguins au niveau des artères utérines et du cordon ombilical sont restés dans les normes tout au long de la grossesse ; tout comme les paramètres de croissance foetale.
A 31 semaines de grossesse et 5 jours, la patiente a été admise à l’hôpital pour une pré-éclampsie. Le rythme cardiaque du bébé étant anormal, l’équipe obstétricale a procédé à une césarienne. Le poids de naissance correspondait à l’âge gestationnel (1775 grammes) et le score Apgar était de 9,9 sur 10.
La mère a pu sortir de l’hôpital au troisième jour après l’accouchement et le bébé est sorti le 10ème jour. Les deux se portent bien.
« Notre succès est le fruit de plus de 10 ans de recherches intensives chez l’animal et de l’entrainement chirurgical de notre équipe. Il ouvre la possibilité de traiter de nombreuses femmes souffrant d’infertilité d’origine utérine. En outre, nous avons démontré la faisabilité de la transplantation fructueuse de l’utérus d’une donneuse vivante, alors même qu’elle était ménopausée », a commenté le Dr Brännström dans un communiqué de presse.
Une procédure qui n’est pas anodine
Selon un bilan à 6 mois après 9 greffes à partir d’utérus de donneuses vivantes publié dans Fertility and Sterility en mars dernier, il fallait entre 10 et 13 heures pour prélever l’organe et 4 à 6 heures pour le greffer. Aucune complication chirurgicale n’avait cependant été rapportée.
Interrogé par Medscape France sur ces premiers résultats, le Dr Tristan Gauthier (chirurgien gynécologue au CHU de Limoges (impliqué avec l’équipe du Dr Pascal River dans des travaux sur la greffe de l’utérus à partir de donneuses décédées) avait alors expliqué que ces procédures à partir de donneuses vivantes restaient « compliquées », compte tenu du temps élevé de chirurgie et que le prélèvement comportait « un risque non négligeable de complications pour la donneuse ».
Où en est-on en France ?
En France, le prélèvement sur donneuse décédée est privilégié, mais aucun essai n’est pour le moment en vue. Avant de lancer une étude clinique, l’équipe française attend le feu vert des commissions éthiques.
Selon le Dr Gauthier, la chirurgie à partir de donneuses décédées est plus simple « de 20 à 30 minutes et, contrairement au prélèvement sur donneuse vivante, permet la sélection de l’ensemble de la vascularisation de l’utérus. »
Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. |
Cet article a fait l’objet d’une publication sur medscape.com
REFERENCE:
1.Brännström M et coll. Livebirth after uterus transplantation. Lancet en ligne. 6 octobre 2014.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Naissance du premier bébé après transplantation utérine - Medscape - 8 oct 2014.
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