Madrid, Espagne – En Europe, 70% des jeunes oncologues présenteraient des signes de burnout ou «syndrome d’épuisement professionnel», selon la plus grande enquête jamais réalisée à ce jour sur la question.
Les résultats ont été présentés au congrès de l’ESMO 2014 [1].

Dr Susana Banerjee
« Les oncologues doivent prendre des décisions de prise en charge complexes, superviser l’utilisation de thérapies toxiques, travailler de nombreuses heures, et faire continuellement face à la souffrance et à la mort. En outre, les jeunes oncologues sont désormais confrontés à des taches administratives chronophages, à des plaintes ou à des aspects médico-légaux, à des attentes et à une charge de travail grandissantes avec moins de moyens », a commenté le Dr Susana Banerjee, auteur principal de l’étude (Royal Marsden NHS Trust, Londres, Royaume-Uni).
Pour évaluer le burnout, les chercheurs ont utilisé l’échelle Maslach Burnout Inventory (MBI) complété par des questions sur le mode de vie. En tout, 595 enquêtes collectées dans plus de 40 pays ont été analysées (81% d’oncologues médicaux, 52% d’internes, 62% de femmes).
Il en ressort que 71% des jeunes oncologues ont des signes de burnout (50% de dépersonnalisation, 35% d’épuisement émotionnel, et 35% de faible accomplissement personnel).
Or, seuls 22% demandent de l’aide et 74% rapportent n’avoir accès à aucun soutien sur leur lieu de travail.
Des disparités selon les régions
Les taux de burnout varient significativement à travers l’Europe. Parmi les 6 régions étudiées, les taux les plus élevés sont observés au Sud-Est (83%) et en Europe centrale (82%) et les plus faibles en Europe du Nord (52%).
Les taux de dépersonnalisation sont plus importants chez les hommes (60 % vs 45%, p=0,0001) et le faible accomplissement personnel est plus important chez les 26-30 ans (p<0,01).
En analyse univariée, le burnout est associé à la région d’Europe, au nombre d’oncologues dans le service, au nombre de patients vus par semaine, au temps de trajet pour aller au travail, et avec le fait d’être parents ou pas (p<0,05 pour tous ces paramètres).
En outre, le burnout est plus élevé chez les oncologues qui n’ont pas accès à de l’aide, qui ont moins de temps libre et de vacances et qui ont un déséquilibre entre la vie professionnel et la vie personnelle (p<0,05 pour l’ensemble de ces paramètres).
Les oncologues qui ont un déséquilibre entre la vie personnelle et professionnelle ont 3,5 fois plus de risque de souffrir d’un burnout.
En analyse multivariée, la région d’Europe, le déséquilibre entre la vie professionnel et la vie personnelle et le faible temps de congés restent des facteurs indépendants de burnout (p<0,01).
Quelles conséquences ?
Le Dr Banarjee a rappelé que le burnout pouvait mener à l’anxiété, la dépression, l’abus d’alcool ou de drogues et au suicide. En outre, elle a souligné que le burnout pouvait avoir des conséquences professionnelles, en particulier une perte d’empathie vis-à-vis des patients, et une baisse de la qualité des soins délivrés.
Pour l’intervenante, la première étape pour lutter contre le burnout est de reconnaître son ampleur et ses conséquences.
Plusieurs enquêtes ont déjà tiré le signal d’alarme. Elle a notamment cité une enquête présentée à l’ASCO 2014 qui montre que 35% des oncologues américains souhaitent quitter leur poste actuel dans les 2 ans.
En France, au cours d’une session consacrée au burnout en cancérologie lors du congrès Eurocancer 2013 , le Dr Roland Behar, psychiatre en oncologie (Hôpital Lariboisière, Paris) rapportait que 39% du personnel soignant en cancérologie était victime d’un burnout [2,3]. »
« Je crois que les médecins ont le devoir d’essayer de traiter cette question à tous les niveaux, de l’université, à l’hôpital, aux sociétés savantes comme l’ESMO. Le burnout ne devrait pas être stigmatisé comme une faiblesse. Nous avons besoin de soutenir nos collègues en concentrant nos efforts sur leur rétablissement et la prévention », a conclu l’oratrice.
Parmi les stratégies proposées : promouvoir un mode de vie équilibré entre vie professionnelle et vie personnelle, encourager les initiatives permettant de discuter des aspects stressants de la pratique et donner accès à des aides psychologiques.
REFERENCES:
1.Barnajee S, Califano R, Corral J et coll. Professionnal burnout in European young ocologists : a European survey conducted by the European Society for Medical Oncology (ESMO) Young Oncology Committee. Résumé 1081O_PR. Dimanche 28 septembre, ESMO.
2.Pierre Canouï, Alines Moranges, Anne Florentin. Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants, Masson ed.
3.Daloz, Bénomy, Frénisy, Chahraoui. Burn out dans la relation soignante, Annales Médico-psychologiques. 22 mars 2005.
Citer cet article: Aude Lecrubier. Burnout : 70% des jeunes oncologues européens épuisés - Medscape - 7 oct 2014.
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