Marijuana et santé : bilan des connaissances dans le New England

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

12 septembre 2014

Rockville, Etats-Unis – Alors que les Etats-Unis s’engagent dans une libéralisation de la marijuana, à la fois de ses usages récréatifs dans certains états (Colorado, Californie, Washington), et de ses utilisations médicales, une équipe du National Institute on Drug Abuse (NIDA) fait le point sur des connaissances actuelles dans un article de revue, publié dans le New England Journal of Medicine [1].

Il s’agit d’abord d’informer les médecins, puisque, « dans un paysage qui évolue rapidement dans le sens d’une légalisation de la marijuana pour raisons médicales et récréatives, les patients vont vraisemblablement interroger davantage leurs médecins sur les effets potentiels défavorables et favorables sur la santé ».

Mais s’agit aussi de manifester une certaine inquiétude quant aux évolutions en cours.

« Des recherches sont nécessaires sur l’impact en santé publique de la politique gouvernementale sur la marijuana », écrivent ainsi ces experts, en remarquant que « notre compréhension des effets de cette politique sur les forces du marché est très limitée ».

Que vont induire, notamment, les « flux de taxes issus de la vente légale de marijuana », la « guerre des prix », le « ciblage de la publicité sur les jeunes », ou encore, « l’émergence de traitement à base de cannabis approuvés par la FDA » ?

Les effets à court terme

Le risque immédiat le plus évident de la marijuana est l’accident de voiture : il s’agit d’ailleurs de la drogue illicite la plus fréquemment impliquée dans des accidents de la route, y compris les accidents mortels.

Les auteurs mentionnent une méta-analyse indiquant que le risque d’être impliqué dans un accident augmente d’un facteur 2 peu après avoir fumé de la marijuana. Par ailleurs, selon une enquête médico-légale, les personnes impliquées dans des accidents, et présentant du THC dans le sang, sont de 3 à 7 fois plus fréquemment responsables de l’accident. A titre de comparaison, les auteurs rappellent que le risque d’accident est multiplié par 5 à partir de 0,08% d’alcool dans le sang. Enfin, les risques liés à l’alcool et à la marijuana paraissent cumulatifs.

S’agissant des effets à court terme, toujours, les auteurs pointent également une désorganisation de la mémoire, qui peut rendre l’apprentissage plus difficile, ainsi qu’une altération du jugement, qui augmente notamment les risques de comportement sexuel facilitant la transmission de MST.

A long terme, la consommation change de profil

A plus long terme, une addiction finit par apparaitre chez quelque 9% des consommateurs, selon le DSM IV. Mais ce chiffre pourrait grimper à 17% parmi les utilisateurs qui ont commencé à l’adolescence, et 25 à 50% des utilisateurs quotidiens.

Selon la National Survey on Drug Use and Health de 2012, environ 2,7 millions d’Américains de 12 ans et plus satisferaient les critères du DSM IV pour la dépendance à la marijuana (contre 8,6 millions pour la dépendance à l’alcool).

La marijuana pourrait par ailleurs être une porte d’entrée vers d’autres drogues. Les données obtenues chez l’animal suggèrent un rationnel biologique à cette fonction. Les auteurs notent toutefois que le tabac et l’alcool pourraient jouer le même rôle. Des données épidémiologiques suggèrent également un rôle facilitant de la marijuana dans l’accès à d’autres drogues. Mais il est très difficile de faire la part des choses entre des prédispositions individuelles qui mèneraient à la marijuana puis à d’autres drogues, et un effet facilitant intrinsèque de la marijuana. Les auteurs qualifient le rôle de porte d’entrée de la marijuana de « possible ».

Effets neurologiques

Sur le plan médical, l’impact est d’abord neurologique, et peut commencer dès la période prénatale, avec un effet du tétrahydrocannabinol (THC) sur les mouvements du cytosquelette, dont dépend l’établissement des connexions axonales.

Plus généralement, la vulnérabilité du SNC à l’action de THC est élevée durant toute l’enfance et l’adolescence, jusqu’à l’âge de 21 ans environ. Les adultes qui ont régulièrement fumé de la marijuana durant l’adolescence présentent ainsi une connectivité neuronale diminuée par rapport à des sujets contrôle, en particulier dans le précuneus (lobule quadrilatère de Foville), région impliquée dans la vigilance et la conscience de soi, et la fimbria de l’hippocampe, zone impliquée dans l’apprentissage et la mémorisation. Enfin, l’imagerie révèle une activité préfrontale réduite chez les utilisateurs de cannabis.

« Les effets négatifs de la marijuana sur la connectivité cérébrale sont particulièrement importants si l’utilisation a commencé à l’adolescence ou chez le jeune adulte, ce qui pourrait expliquer l’observation d’une association entre usage fréquent de la marijuana durant l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte, et un déclin significatif du QI », résument les auteurs.

Effets psychiatriques

L’utilisation de marijuana est associée à un risque accru d’anxiété et de dépression, « mais la causalité n’a pas été établie », soulignent les auteurs.

Une association existe également avec les psychoses (schizophrénie inclue), « en particulier parmi les sujets présentant une vulnérabilité génétique, et la marijuana exacerbe le cours de la maladie chez les patients schizophrènes ». Le premier épisode psychotique pourrait être avancé de 2 à 6 ans chez les consommateurs les plus assidus et les plus précoces.

Comme pour la dépression, la causalité reste toutefois difficile à établir, au-delà des associations. Il est donc « difficile d’attribuer un risque accru de maladie mentale à l’utilisation de marijuana ».

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