Barcelone, Espagne – L’essai CvLPRIT montre que les patients traités pour un infarctus du myocarde tirent un bénéfice beaucoup plus important de la revascularisation complète de toutes les artères sténosées que de celle de l’artère infarcie seule. Si ce résultat était confirmé dans de plus grands essais, il pourrait bien bouleverser les pratiques de revascularisation dans cette indication.
Les résultats de l’essai ont été présentés lors de l’European Society of Cardiology 2014 [1].
« Ces résultats sont impressionnants et pourraient mener à une modification des recommandations. Les recommandations actuelles de l’ESC et de l’AHA/ACC préconisent de ne traiter que l’artère impliquée dans l’infarctus aigu », a commenté le Pr Yves Cottin (Dijon, France) pour Medscape France.
Pour rappel, lors de la présentation des résultats à la presse, le Pr Anthony Gershlick (Leicester, Royaume-Uni) a indiqué que 30 à 40 % des patients qui bénéficient d’une angioplastie ont plusieurs vaisseaux atteints.
Jusqu’ici, les résultats des études sur l’intérêt d’une revascularisation complète ont été contradictoires même si l’essai PRAMI (Preventive Angioplasty in Myocardial Infarction), présenté lors de l’ESC l’année dernière, était, lui aussi, positif.
CvLPRIT : encore un petit essai…
CvLPRIT a enrôlé 296 patients traités pour un infarctus du myocarde dans 7 hôpitaux aux Royaume-Uni. Avant revascularisation, ils ont été randomisés pour recevoir soit une angioplastie complète des artères significativement sténosées (n=150), soit uniquement de l’artère impliquée directement dans l’infarctus (n=146).
L’atteinte de plusieurs vaisseaux a été définie par celle de l’artère impliquée dans l’infarctus et celle d’au moins une artère épicardique non impliquée dans l’infarctus (au moins une lésion sténosée à plus de 70% dans un plan ou sténosée à plus de 50% dans 2 plans).
Les artères sténosées non impliquées dans l’infarctus devaient être des artères coronaires épicardiques majeures (>2mm) ou une branche (>2 mm) et pouvoir recevoir un stent.
Les patients qui ont bénéficié de la revascularisation complète ont été traités d’abord pour l’artère infarcie puis pour les vaisseaux controlatéraux, préférentiellement au cours de la même intervention mais, en tout cas, au cours de la même hospitalisation.
Plus de deux fois moins de MACE à 1 an
Un an après la revascularisation, une baisse de 55% d’effets secondaires cardiaques graves (mortalité toutes causes, nouvel IDM, insuffisance cardiaque, revascularisation pour une ischémie) a été observée chez les patients qui avaient eu une angioplastie complète par rapport aux autres (10% vs 21,1%, p=0,009). En outre, la différence entre les deux groupes était significative dès 30 jours (p=0,055).
« La séparation rapide des deux courbes dans l’essai CvLPRIT suggère qu’il n’est peut-être pas aussi efficace de retarder la revascularisation complète », a commenté le Pr Gershlick.
Mais, il y a retarder et retarder… « Depuis les résultats de FAME II , l'option à la fois la plus efficace et la plus sûre consiste à reporter - ce qui ne signifie pas abandonner- le traitement des lésions significatives de quelques jours », soulignait le Pr François Schiele (CHU de Besançon) lors d’un commentaire sur les résultats de l’essai PRAMI publiés l’année dernière.
Résultats à 12 mois
Evénements | Revascularisation de l'artère infarcie seule (%) | Revascularisation complète (%) | p |
MACE | 21,2 | 10 | 0,0009 |
Mortalité toutes causes | 4,1 | 1,3 | 0,14 |
Récidive d'IDM | 2,7 | 1,3 | 0,39 |
Insuffisance cardiaque | 6,2 | 2,7 | 0,14 |
Nouvelle revascularisation | 8,2 | 4,7 | 0,2 |
Pas de signal de sécurité
Sans surprise, le temps de la procédure et le volume du produit de contraste étaient significativement plus élevés lors de la revascularisation complète par rapport à la revascularisation de l’artère infarcie seule (55 vs 41 minutes, p<0,0001 ; 250 vs 190 ml, p<0,0001, respectivement).
En revanche, les principales craintes associées à la revascularisation complète ne se sont pas vérifiées. Les patients qui ont bénéficié de la revascularisation totale n’avaient pas plus d’AVC, de saignements majeurs, ou de néphropathie induite par le produit de contraste que les autres.
CvLPRIT lève-t-il toute ambiguïté ?
Ces résultats corroborent ceux de l’essai PRAMI qui ont montré une réduction de 65% des décès cardiovasculaires et récidive d'infarctus (IDM) chez les patients admis pour IDM-ST+ lorsque toutes les artères coronaires sténosées (> 50%) étaient dilatées, en même temps que l'artère responsable de l'IDM, par rapport à des patients qui ne bénéficiaient d'une angioplastie qu'au niveau de l'artère infarcie.
La méthodologie et l’arrêt prématuré de l’étude avaient toutefois été critiqués par de nombreux experts qui avaient appelé à interpréter les résultats avec prudence. Les recommandations internationales n’ont d’ailleurs pas été modifiées suite à la publication de ces résultats.
Reste que la méthodologie de CvLPRIT partage certaines faiblesses avec celle de PRAMI, notamment la petite taille de l'effectif, le nombre modeste de centres impliqués et le simple aveugle, même s’il est difficilement évitable.
Le Pr Gershlick a d’ailleurs souligné que les données de CvLPRIT« devraient être confirmées par de plus grands essais ».
Il conclut toutefois en indiquant que « la stratégie de revascularisation complète d’emblée devrait être discutée par les comités des futures recommandations dans le STEMI ».
L'étude a été réalisée de façon indépendante. |
REFERENCES :
Gershlick A., Shamir Metha. Compete versus Lesion only PRImary-PCI Trial (CvLPRIT): Treat the infarct related artery only for all lesions.
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Citer cet article: STEMI : l’essai CvLPRIT met la revascularisation complète à l’honneur - Medscape - 4 sept 2014.
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