POINT DE VUE

Vaccin anti-HPV aux garçons : encore des obstacles

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

3 septembre 2014

Paris, France – Alors, qu’en France, la couverture vaccinale contre les papillomavirus est particulièrement faible, le vaccin Gardasil® voit ses indications s’élargir en Europe et dans d’autres grands pays industrialisés.

Depuis le mois de juin, les autorités européennes ont élargi l’autorisation de mise sur le marché européenne du vaccin contre les papillomavirus Gardasil® à la prévention du cancer anal et des lésions anales pré-cancéreuses [1]. En outre, le vaccin est désormais recommandé chez les garçons dans différentes régions du monde comme en Australie et aux Etats-Unis. Par ailleurs, il est désormais clair qu’une proportion croissante des cancers oropharyngés est liée aux infections à HPV…

Où en est le France dans ses réflexions sur ces possibles extensions d’indication de la vaccination anti-HPV ? Medscape France a posé la question au Pr Daniel Floret, pédiatre et président du Comité Technique des vaccinations du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) .

Medscape France : La France s’apprête-t-elle comme d’autres pays à recommander la vaccination anti-HPV aux garçons ?

Daniel Floret : Le Haut Conseil de Santé Publique a un groupe de travail permanent sur le papillomavirus qui s’intéresse notamment à la question de la vaccination chez les garçons. Il devrait publier un avis prochainement sur ce sujet.

Jusqu’à présent la situation était relativement bloquée en France car l’AMM du Gardasil® ne retenait comme indication que la prévention des cancers génitaux féminins et des verrues génitales. Si on avait recommandé le vaccin anti-HPV chez les garçons, nous n’aurions pu le faire que pour la prévention des condylomes.

Ce facteur bloquant vient d’être levé car l’Europe a validé l’indication de prévention des lésions pré-cancéreuses et cancéreuses du canal anal.

En théorie, il y a une vraie logique à vacciner les garçons car l’infection à HPV touche aussi bien les garçons que les filles. En vaccinant les garçons, on peut penser que l’on va diminuer la circulation du papillomavirus.

Cependant, un des freins majeurs est le surcoût lié la vaccination chez les garçons alors que le bénéfice qu’ils peuvent en tirer est limité. Les cancers dont peuvent souffrir les garçons (anaux et oropharyngés) sont beaucoup plus rares que les cancers du col de l’utérus.

Aussi, on ne voit pas bien comment on arriverait à vacciner correctement les garçons alors que chez nous, on n’arrive déjà pas à vacciner les filles.

Par ailleurs, les données Australiennes, où le taux de vaccination des jeunes filles est élevé (80%), montrent qu’en vaccinant correctement les filles, on a un impact sur la protection des garçons. En témoignent leurs résultats sur l’incidence des condylomes qui a beaucoup chuté en quelques années.

Et chez hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes ?

La question des hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes est la vraie question. Autant, pour les hommes en population générale l’intérêt est relativement limité, autant, les cancers anaux dans cette population sont un vrai problème. Il est évident, que dans cette population il y a un réel intérêt à vacciner.

Le problème est que la vaccination doit, si possible, avoir lieu avant le début de l’activité sexuelle. Or, repérer un garçon qui aura des rapports avec d’autres hommes avant le début de sa sexualité et avant qu’il ne soit infecté, est un vrai challenge.

Pourquoi la vaccination anti-HPV n’est-elle pas encore recommandée en prévention des cancers oropharyngés ?

Les cancers oropharyngés ne sont pas dans l’AMM, ni en Europe, ni aux Etats-Unis. Il y des cancers de la sphère oropharyngée qui sont liés à l’HPV, ce n’est pas discutable. On note d’ailleurs que les cancers oropharyngés liés au tabac et à l’alcool sont plutôt en diminution alors que les cancers oropharyngés liés aux HPV sont plutôt en augmentation. Cependant, le problème est que nous n’avons pas le droit d’extrapoler l’efficacité du vaccin anti-HPV sur le cancer du col à ce type de cancers. L’histoire naturelle des cancers oropharyngés est complètement différente de celle des cancers génito-féminins qui passent, eux, par des infections persistantes de la cellule puis des lésions pré-cancéreuses, puis cancéreuses.

Le Pr  Daniel Floret a déclaré des interventions ponctuelles avec les sociétés : Biomérieux/ Fondation Mérieux, Wyeth SA.

 

REFERENCE :

  1. Communiqué Sanofi pasteur MSD. Gardasil® nouvellement indiqué en Europe pour la prévention du cancer anal lié aux HPV 16 et 18 .18 juin 2014.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....