Ticagrelor dans l’ambulance : ATLANTIC est neutre avec un signal positif sur les thromboses de stent

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

1er septembre 2014

Barcelone, Espagne – L’essai ATLANTIC comparant le bénéfice d’une administration pré-hospitalière de ticagrelor à une administration en salle de cathétérisme est neutre.

Pr Gilles Montalescot

Les résultats, présentés par le Pr Gilles Montalescot (centre cardiologique, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) en Hot Line du congrès de l’ESC 2014 , ne parviennent pas à montrer une différence significative des deux critères de reperfusion avant angioplastie : normalisation du segment ST > 70 % et taux d’artères cibles en flux TIMI3. Mais le taux de thromboses de stent à 30 jours diffère, lui, significativement, même s’il s’agit de très petits chiffres : 2/906 (0,2% en préhospitalier) versus 11/952 (1,2%, hospitalier).

« Le rationnel de l’étude était de montrer que le ticagrelor pouvait améliorer la reperfusion coronaire, comme les anti Gp 2b/3a ou les fibrinolytiques, administré en amont de la salle de cathétérisme. Dans PLATO versus clopidogrel, le ticagrelor avait déjà montré sa supériorité en termes de réduction des événements ischémiques du fait d’une meilleure inhibition plaquettaire et ceci sans majoration des saignements. Nous avons voulu testé l’efficacité et la sécurité d’une prise dans l’ambulance » a expliqué le Pr Montalescot.

Protocole de l’essai ATLANTIC
L’essai ATLANTIC (Administration of Ticagrelor in the cath lab or in the ambulance for new ST Elevation myocardial infarction to open the coronary artery) compare une administration pré-hospitalière de ticagrelor à la dose de 180 mg versus une administration en salle de cathétérisme, à la même dose.
Tous les patients ont ensuite reçu une dose de 90 x 2/j de ticagrelor durant 30 jours avec la recommandation de poursuivre le traitement 12 mois au total. Le recours aux anti GP 2b/3a n’était pas recommandé mais néanmoins laissé à la discrétion des médecins. L’administration de 2b/3a après angioplastie devait être signalée comme procédure de sauvetage.
Les critères de jugement primaire portent sur les signes de reperfusion avant angioplastie : taux de résolution du segment ST >70%, artère cible en flux TIMI 3.
Les critères secondaires inclus les événements cardiovasculaires majeurs : décès, infarctus, thromboses de stent, AVC, revascularisations urgentes,  thromboses de stent confirmées dans un délai de 30 jours.

 

L’essai a randomisé en double aveugle  1862 patients victimes d’un infarctus STEMI pris en charge dans les 6 heures suivant le début des symptômes. Au total, 67% des patients angioplastiés ont eu un abord radial et 87,5% ont été revascularisés par angioplastie.

Dans le groupe préhospitalier, le ticagrelor a été administré en moyenne 31 minutes plus tôt que dans le groupe salle de cathétérisme, le délai médian entre le début des symptômes et la dilatation est de 159 minutes.

A l’arrivée en salle de coronarographie, le taux d’absence de résolution du segment ST est de 86,8% (ticagrelor ambulance) vs 87,6% (ticagrelor hôpital) et les flux non TIMI3 sont respectivement de 82,6% et de 83,1%.

Peut-on mettre en évidence un bénéfice du ticagrelor avec une administration préhospiralière si proche de celle de la salle de cathétérisme ?

« La différence de 31 min est effectivement peu marquée mais on peut se féliciter de cette rapidité de prise en charge des infarctus en pré-hospitalier dans 13 pays différents, c’est possible ! » répond le Pr Montalescot à Medscape France. « On voit aussi que le groupe qui a reçu le ticagrelor en pré-hospitalier a une meilleure inhibition plaquettaire après angiostenting qui se traduit par une réduction significative des thromboses de stent immédiates (24h) et à 30 jours. »

« Si l’on exclut les patients qui ont reçu de la morphine en pré-hospitalier (800/1014 sans résolution du ST), la reperfusion est significativement améliorée par le ticagrelor en pré-hospitalier » précise le Pr Montalescot.

Concernant la sécurité du ticagrelor en pré-hospitalier dans l’infarctus, le message est clair : il n’y a aucune différence significative en termes d’hémorragies mineures ou majeures entre les deux groupes de l’étude.

Au final, quelle(s) conclusion(s) tirer de ces résultats ?

Pr François Schiele

« L’étude est neutre, ce qui n’est pas étonnant avec seulement 30 minutes de différence entre les deux temps d’administration du ticagrelor par rapport à la revascularisation percutanée » répond le Pr François Schiele à Medscape France. « Les résultats sont négatifs pour le scientifique mais la différence de thrombose de stents compte pour le clinicien. C’est un signal fort. On l’a vu, a contrario, avec la bivaluridine dont l’efficacité antiplaquettaire n’était pas suffisante dans des situations à haut risque.  Mais je ne changerai pas, pour autant, les protocoles d’antithrombotiques des urgentistes. Personnellement, le message que je passe aux smuristes est de ne pas donner de puissants antiplaquettaires comme le ticagrelor ou le prasugrel en cas de doute diagnostique. Dans ATLANTIC presque tous les diagnostics de STEMI ont été confirmés mais la question de l’erreur diagnostique peut se poser et, dans le cas, la prise en charge du malade pourra être retardée en raison du risque hémorragique. »

Pour le Pr Yves Cottin, ATLANTIC apporte un élément nouveau à la question de la précharge en antiplaquettaire dans l’infarctus.  « Avec ATLANTIC, on voit qu’on peut la réaliser, que cela ne fait pas plus saigner les patients et que l’effet sur la revascularisation est neutre. Le résultat sur les thromboses de stents chez les patients qui ont bénéficié du ticagrelor en pré-hospitalier est très intéressant. Cette étude pourrait faire changer les pratiques. »

Le Pr Montalescot a déclaré des liens d'intérêt potentiels avec : AstraZeneca, Biotronik, Daiichi-Sanckyo, Eli Lilly,GSK,Novartis, Pfizer, Roche, Sanofi-Aventis, Th Medicine company, BMS, Menarini, Bayer, Boehringer-Ingelheim, Novartis.
L'essai a été sponsorisé par AstraZeneca.

 

REFERENCES :

  1. Montalescot G. Hot Line Myocardial infarction, 1 septembre 2014. ESC 2014

  2. Montalescot G,  vant’Hof A, Lapostolle F et al. Prehospital ticagrelor in ST segment elevation myocardial infarction. N Eng J Med.doi:10.1056/1407024

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