Barcelone, Espagne – Une nouvelle analyse du registre FAST-MI a comparé la mortalité à 5 ans de patients toujours sous bêtabloquant (BB) un an après leur évènement ischémique, à ceux qui ne prenaient plus de bêtabloquant. Dans cette population sans dysfonction ventriculaire gauche (VG), les résultats présentés en hot line au congrès de l’ ESC2014 [1] par Etienne Puymirat (HEGP, Paris) montrent l’inutilité de cette classe de médicaments en termes de pronostic et remettent en question les habitudes de prescription.
Bêta-bloquants : utiles jusqu’à 1 an, inutiles après

Dr Etienne Puymirat
« La plupart des études contrôlées sur les bêta-bloquants en post-infarctus ont été menées avant l’ère de la reperfusion et des nouvelles thérapeutiques de prévention secondaire. De fait, leur utilité chez les patients après infarctus, mais avec une fonction ventriculaire gauche préservée, est discutée, conduisant à des divergences entre les recommandations européennes et américaines. Celles de l’ACC et de l’AHA préconisent une thérapie par bêta-bloquant post-infarctus prolongée, chez les patients STEMI et NSTEMI, sans insuffisance cardiaque ou hypertension, avec un niveau de recommandation de classe I, alors que les récentes recommandations européennes ont dégradé les BB de I à IIa.
Dans cette étude, Etienne Puymirat et ses collègues se sont intéressés aux patients STEMI et NSTEMI du registre FAST-MI sortis de l’hôpital après un évènement ischémique avec une prescription de bêta-bloquant, mais sans contexte d’insuffisance cardiaque, ni FEVG inférieure à 40%. Sur ces 2 168 patients, ils en ont gardé 1 630, parmi ceux qui étaient en vie un an après et dont les prescriptions médicamenteuses étaient connues.
Du point de vue de leur caractéristiques physiologiques, les patients sans BB étaient un peu plus âgés que ceux qui continuaient leur médication (65,9 ± 13,7 vs 63 ± 13,7 ans), plus susceptibles d’être diabétiques (39,7% vs 31,7%, p = 0,03) et d’avoir une maladie artérielle périphérique (11,4% vs 6,2%, p = 0,008).
La survie à un an était de 95,3% parmi les patients toujours sous BB et de 87,8% chez ceux qui n’en prenaient plus (RR = 0,76, 95% ; IC 95% = 0,53-1,10). Bien que l’avantage en termes de survie ne soit pas statistiquement significatif, le Dr Puymirat a conclu que « les BB pourraient être utiles pendant la première année post-infarctus, chez ces patients à fonction ventriculaire gauche préservée ». L’orateur a ajouté que ces médicaments avaient probablement un réel intérêt dans les jours qui suivent l’événement ischémique.
A cinq ans, la tendance s’inverse, les patients qui ont arrêté les BB ont un meilleur taux de survie que ceux qui les prennent encore (RR = 1,18 ; IC 95% = 0,67-2,08). L’orateur a précisé lors de la discussion que l’éventuel manque d’adhérence au traitement par BB après la première année ne constituait pas une réelle limite : à 3 ans, seul 10 % des patients du groupe qui continuaient les BB les avait arrêtés (données non présentées). C’est un registre assez fiable sur le long terme, a-t-il commenté ensuite pour Medscape France.
« Un traitement étendu à 1 an peut apporter des bénéfices chez ce type de patients, en revanche, continuer les BB n’apporte aucun bénéfice sur la mortalité à 5 ans, un résultat en accord avec les changements apportés aux dernières recommandations européennes » a conclu le Dr Puymirat.
Une remise en question des pratiques
Pour Medscape France, le cardiologue de l’HEGP a précisé que : « le message n’est pas de dire s’il faut ou non arrêter les BB, mais de considérer qu’il n’est peut-être pas nécessaire de les imposer chez des patients qui n’en ont pas besoin ou ne les supportent pas. Donnés à visée pronostique, les BB n’ont pas d’intérêt chez ces patients là, mais ils peuvent en avoir dans d’autres indications. Pour prévenir la mort subite, nous n’avons, par exemple, aucune donnée qui dise de les arrêter. »
« Deux essais européens portant sur la prescription de BB donnés de façon précoce permettront probablement d’affiner encore la connaissance des populations chez lesquelles ils sont le plus utiles. De façon plus générale, nous sommes entrés dans une nouvelle ère où certaines procédures sont remises en question. Pour les BB, comme pour d’autres pratiques, il importe de se demander si ce que l’on fait est bien ou pas. »
L’étude a bénéficié de financements de la part de Pfizer et Servier, de même que de la CNAM-TS. |
REFERENCE :
Puymirat E. Can beta-blockers be stopped in patients with preserved left ventricular function after acute myocardial infarction? Five-year follow-up of FAST-MI 2005. ESC2014, 31 août 2014.
Citer cet article: Bêta-bloquant en post-infarctus : sans impact sur le pronostic à 5 ans - Medscape - 31 août 2014.
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