LCZ696, nouvelle classe « révolutionnaire » dans l’IC : réponses aux questions

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

31 août 2014

Barcelone,  Espagne – Les excellents résultats du nouvel  agent LCZ696, association d’un inhibiteur de la néprilysine  et du valsartan, dans l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection  réduite devraient assurément aboutir à des modifications des recommandations  internationales actuelles dans les prochaines années.

           

Pr Milton Packer

           

En attendant, le Pr Milton Packer (Dallas, Etats-Unis), auteur principal de l’étude PARADIGM-HF [1], a répondu aux  questions pratiques d’une audience enthousiaste lors d’une session « Meet  the Expert » du congrès de l’ European Society of Cardiology modérée par le Pr Michel Komajda (hôpital Pitié-Salpêtière, Paris).

           

Les principaux résultats de PARADIGM-HF

           

Le LCZ696 s’est montré  plus efficace que l’énalapril sur :

           

- le risque  de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisation pour insuffisance  cardiaque : Il faut traiter 21 patients avec le LCZ696 pendant la période  de l’étude pour éviter un événement.

           

- le risque  de mortalité cardiovasculaire (-20%). Il faut traiter 32 patients avec le  LCZ696 pour éviter un décès d’origine cardiovasculaire.

           

- le risque  d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (-21 %).

           

- le risque  de mortalité toutes causes (-16%)

           

-  l’amélioration des symptômes et du handicap.

           

Le LCZ696 a été  mieux toléré que l’énalapril…

           

- moins de  toux, d’hyperkaliémie, d’insuffisance rénale.

           

- plus  d’hypotensions mais sans augmenter les sorties d’études

           

- pas plus  d’angio-oedèmes sévères.

           

Questions/réponses  au Pr Milton Packer

Comment  expliquer le succès du LCZ696 alors que l’essai OUVERTURE, réalisé plus de 10 ans auparavant n’a pas  montré de supériorité de l’omapatrilat, association d’un IEC et d’un inhibiteur  de la néprilysine, comparé à un IEC seul ? Une augmentation des angio-oedèmes  sévères avait même mené à l’arrêt du développement de la molécule…

« L’une des raisons est que l’omapatrilat  inhibe 3 enzymes : l’enzyme de conversion de l’angiotensine, la  néprilysine et l’aminopeptidase. Or, ces trois enzymes sont responsables de la  dégradation de la bradykinine qui, selon nous, est la principale cause des  angio-oedèmes. Le LCZ696 a été développé dans l’optique de n’inhiber que la  néprilysine pour contourner ce problème.

En outre, je pense que l’omapatrilat avait été  donné à un mauvais dosage. Nous avions choisi le dosage en fonction des  recommandations sur l’hypertension, soit 200 mg, une fois par jour. Or à ce  dosage, l’omapatrilat n’était pas efficace sur 24 heures dans l’insuffisance  cardiaque. Dans PARADIGM-HF, nous avons délibérément décidé de donner le LCZ696  à 200 mg deux fois par jour et je pense que cela a fait une énorme différence. »

Dans  PARADIGM-HF, il n’y a pas de différence significative sur la survenue des angio-oedèmes  sévères dans le groupe LCZ696 par rapport au groupe énalapril, mais il y a  néanmoins des angio-oedèmes sévères dans les deux groupes, que faut-il en  penser ?

« Il faut bien comprendre que, pendant la  période de pré-randomisation, si l’on tient compte de la durée de cette  période, l’incidence des angio-oedèmes était supérieure dans le groupe  énalapril par rapport à ce qui a été observé le groupe LCZ696.

Mais, le plus important est que les  angio-oedèmes observés dans l’étude n’étaient pas sévères. Les problèmes  étaient d’ordre cosmétique et disparaissaient d’eux même. A mon avis, la  surveillance du traitement LCZ696 sur ce point doit être similaire à celle d’un  IEC seul. »

Ne  devrions-nous pas comparer le risque d’angio-oedèmes associé au LCZ 696 avec  celui d’un ARA 2?

« Je ne doute pas que l’incidence des  angio-oedèmes serait plus élevée avec le LCZ696 par rapport à un ARA 2.  Cependant, les angio-oedèmes sont des événements très rares et non sévères et  ce que vous gagnez en ajoutant un inhibiteur de la néprilysine est une  diminution de 20% de la mortalité cardiovasculaire, une meilleure qualité de  vie et un risque plus faible d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Je  pense que ça vaut quelques cas d’angio-oedèmes d’ordre cosmétiques. »

Concernant  le suivi, faut-il plutôt mesurer le NT-pro-BNP ou le BNP ?

« Dans notre étude, nous avons mesuré les  taux de NT-pro BNP et de BNP mais, étant donné le mécanisme d’action de cette  molécule nous nous attendions à des effets dissociés. C’est ce que nous avons  observé.

Le LCZ 696 inhibe la dégradation du BNP (et  non du NT-BNP), les taux de BNP étaient donc plus élevés dans le groupe LCZ 696  juste du fait de l’administration du médicament. En revanche, les taux de  NT-pro-BNP étaient plus bas dans le groupe LCZ696 du fait de l’amélioration de  l’insuffisance cardiaque et c’est ce que nous cherchons à mesurer.

Je pense qu’il ne sera plus utile de mesurer  le BNP chez les patients qui recevront le LCZ696. Le gold standard sera de  mesurer le NT-pro-BNP. »

Les  résultats sont-ils similaires pour les cardiomyopathies ischémiques et non ischémiques  et en fonction de la sévérité de la maladie?

« Oui, l’effet était similaire dans tous  les sous-groupes. »

En  pratique, faudra-t-il que les patients déjà sous ARA 2 ou IEC, cliniquement  stables et avec peu de symptômes les abandonnent pour le LCZ 696 ?

« La plupart des patients de cet essai  étaient cliniquement stables, avec peu de symptômes. Certains praticiens qui  traitent ces patients ne verront pas forcément l’intérêt de les changer pour le  LCZ696. Cependant, il faut qu’ils gardent à l’esprit que les patients qui  reçoivent le LCZ 696 sont moins hospitalisés pour leur insuffisance cardiaque  et qu’ils meurent moins… »

Dans la  vie réelle, les patients hypotendus avec une fraction d’éjection très basse  devraient-ils aussi bénéficier du LCZ696 ou est-ce une limite ?

« Précisons que plus de 90% des patients  enrôlés recevaient des bêtabloquants et près de 60% recevaient des antagonistes  du récepteur minéralocorticoïde à des doses correspondant aux recommandations  actuelles.

Le laboratoire a prévu de commercialiser la  molécule à plusieurs doses ce qui permettra de commencer à une dose assez  faible et de limiter ce problème. Mais il faut titrer à des doses qui sont  efficaces. »

Envisagez-vous  de tester cette molécule chez les patients insuffisants cardiaques avec  fraction d’éjection préservée ?

« Le laboratoire a lancé un nouvel essai  qui évalue le LCZ696 versus le valsartan dans l’insuffisance cardiaque à  fraction d’éjection préservée. »

Pourquoi  avoir associé un inhibiteur de la néprilysine au valsartan et ne pas l’avoir évalué  seul ?

« Le problème avec un inhibiteur de la  néprilysine seul est que certains médecins pourraient être tentés de le  prescrire en association avec un IEC. Or, comme nous l’avons vu, cela peut  augmenter l’incidence des angio-oedèmes sévères. Le plus sûr était donc de lier  un ARA 2 à un inhibiteur de la néprilysine. Il semble peu probable que, dans ce  cas, les praticiens ajoutent un IEC. »

« Concernant l’idée d’utiliser un  inhibiteur de la néprilysine seul, des petites études réalisées il y a quelques  années ont montré que, dans l’insuffisance cardiaque, le candoxatril ne donnait  pas de résultats encourageants  », renchérit le Pr Komajda.

« Aussi, en dehors du problème dans  angio-oedèmes, il faut savoir que la néprilysine ne dégrade pas seulement les  peptides natriurétiques mais aussi des peptides de la vasoconstriction dont  l’angiotensine et l’endothéline 1. Donc, si vous utilisez un inhibiteur de la  néprilysine seul, vous risquez d’augmenter les concentrations des peptides de  vasoconstriction, ce qui est généralement considéré comme néfaste. C’est donc  une autre raison pour associer l’inhibition de la néprilysine (afin d’’augmenter  les peptides natriurétiques) avec une autre molécule qui inhibe le système  rénine-angiotansine », ajoute le Pr Komajda.

Concernant  la diminution de l’incidence de la mortalité avec le LCZ 696, y-a-t-il eu aussi  une diminution de l’incidence des morts subites ?

« Ces résultats n’ont pas été publiés  mais, la baisse de l’incidence des morts subites est aussi très  impressionnante. »

           

Questions pratiques au Pr Michel Komajda

           
                       

Pr Michel Komajda

                       
           

La question du coût devrait-elle intervenir dans la décision  de « switcher » des patients sous ARA2 ou IEC sous LCZ696 ?

           

Il est  certain qu’il faudra évaluer l’aspect économique. Pour répondre à cette  question, il faudra attendre qu’une étude de coût-efficacité soit réalisée  mais, d’un point de vue purement clinique, une réduction de risque de l’ordre  de 20% pour tous les critères de jugement est très importante.

           

Y a-t-il des sous-populations de patients insuffisants  cardiaques chroniques avec fraction d’éjection abaissée qui ne devraient pas  bénéficier du LCZ696 ?

           

La  population testée est une population très large de patients atteints d’insuffisance cardiaque modérée à moyenne donc, je pense que l’applicabilité à la population générale  d’insuffisants cardiaques chroniques à fraction d’éjection abaissée est  assurée.

           

Les risques d’hypotension et d’angio-oedèmes sont-ils une  limite à l’utilisation de ce nouvel agent ?

           

Il y a, en  effet, d’avantage d’hypotensions dans le groupe LCZ 696 même si cela n’a pas  entraîné d’arrêt de traitement. Je pense qu’il faudra qu’il y ait des  recommandations précises concernant la titration du médicament pour éviter  d’avoir des problèmes d’hypotension artérielle symptomatique.

           

Au sujet des  angio-oedèmes, il faudra, bien sûr, assurer un suivi post-marketing.

           

Confirmez-vous l’intérêt du suivi des patients par  l’évaluation des taux de NT-pro-BNP plutôt que celle des taux de BNP ?

           

Puisque le  LCZ 696 augmente le niveau de BNP en raison de l’inhibition de l’enzyme qui le  dégrade, il n’est probablement pas optimal de faire le suivi par la mesure du  taux de BNP car il est « artificiellement » augmenté. En revanche,  mesurer les taux de NT-pro-BNP qui sont eux abaissés en raison des  améliorations hémodynamiques résultant de l’action du LCZ696 est une bonne  option.

           

 

           

L’essai  PARADIGM-HF a été financé par les laboratoires Novartis. Le Pr Packer a des  liens d’intérêts avec AMAG, Amgen, BioControl, CardioKinetix, CardioMEMS,  Cardiorentis, Daiichi, Janssen, Novartis et Sanofi. Les liens d’intérêts des  autres auteurs sont disponibles dans la publication.

           

Le Pr Komajda déclaré des activités  d’orateur pour : Servier, Menarini, Sanofi, Boehringer Ingelheim, Astra Zeneca,  Glaxo Smithkline et de consultant/investigateur pour : Servier, Johnson &  Johnson, Nile Therapeutics, Sanofi, BMS, Menarini.

           

 

REFERENCE:

  1. McMurray JJV, Packer M et coll. Angiotensin–Neprilysin       Inhibition versus Enalapril in Heart Failure. NEJM. 30 août 2014.       Publication en ligne.

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