Barcelone, Espagne – Les excellents résultats du nouvel agent LCZ696, association d’un inhibiteur de la néprilysine et du valsartan, dans l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite devraient assurément aboutir à des modifications des recommandations internationales actuelles dans les prochaines années.

Pr Milton Packer
En attendant, le Pr Milton Packer (Dallas, Etats-Unis), auteur principal de l’étude PARADIGM-HF [1], a répondu aux questions pratiques d’une audience enthousiaste lors d’une session « Meet the Expert » du congrès de l’ European Society of Cardiology modérée par le Pr Michel Komajda (hôpital Pitié-Salpêtière, Paris).
Les principaux résultats de PARADIGM-HF Le LCZ696 s’est montré plus efficace que l’énalapril sur : - le risque de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque : Il faut traiter 21 patients avec le LCZ696 pendant la période de l’étude pour éviter un événement. - le risque de mortalité cardiovasculaire (-20%). Il faut traiter 32 patients avec le LCZ696 pour éviter un décès d’origine cardiovasculaire. - le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (-21 %). - le risque de mortalité toutes causes (-16%) - l’amélioration des symptômes et du handicap. Le LCZ696 a été mieux toléré que l’énalapril… - moins de toux, d’hyperkaliémie, d’insuffisance rénale. - plus d’hypotensions mais sans augmenter les sorties d’études - pas plus d’angio-oedèmes sévères. |
Questions/réponses au Pr Milton Packer
Comment expliquer le succès du LCZ696 alors que l’essai OUVERTURE, réalisé plus de 10 ans auparavant n’a pas montré de supériorité de l’omapatrilat, association d’un IEC et d’un inhibiteur de la néprilysine, comparé à un IEC seul ? Une augmentation des angio-oedèmes sévères avait même mené à l’arrêt du développement de la molécule…
« L’une des raisons est que l’omapatrilat inhibe 3 enzymes : l’enzyme de conversion de l’angiotensine, la néprilysine et l’aminopeptidase. Or, ces trois enzymes sont responsables de la dégradation de la bradykinine qui, selon nous, est la principale cause des angio-oedèmes. Le LCZ696 a été développé dans l’optique de n’inhiber que la néprilysine pour contourner ce problème.
En outre, je pense que l’omapatrilat avait été donné à un mauvais dosage. Nous avions choisi le dosage en fonction des recommandations sur l’hypertension, soit 200 mg, une fois par jour. Or à ce dosage, l’omapatrilat n’était pas efficace sur 24 heures dans l’insuffisance cardiaque. Dans PARADIGM-HF, nous avons délibérément décidé de donner le LCZ696 à 200 mg deux fois par jour et je pense que cela a fait une énorme différence. »
Dans PARADIGM-HF, il n’y a pas de différence significative sur la survenue des angio-oedèmes sévères dans le groupe LCZ696 par rapport au groupe énalapril, mais il y a néanmoins des angio-oedèmes sévères dans les deux groupes, que faut-il en penser ?
« Il faut bien comprendre que, pendant la période de pré-randomisation, si l’on tient compte de la durée de cette période, l’incidence des angio-oedèmes était supérieure dans le groupe énalapril par rapport à ce qui a été observé le groupe LCZ696.
Mais, le plus important est que les angio-oedèmes observés dans l’étude n’étaient pas sévères. Les problèmes étaient d’ordre cosmétique et disparaissaient d’eux même. A mon avis, la surveillance du traitement LCZ696 sur ce point doit être similaire à celle d’un IEC seul. »
Ne devrions-nous pas comparer le risque d’angio-oedèmes associé au LCZ 696 avec celui d’un ARA 2?
« Je ne doute pas que l’incidence des angio-oedèmes serait plus élevée avec le LCZ696 par rapport à un ARA 2. Cependant, les angio-oedèmes sont des événements très rares et non sévères et ce que vous gagnez en ajoutant un inhibiteur de la néprilysine est une diminution de 20% de la mortalité cardiovasculaire, une meilleure qualité de vie et un risque plus faible d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Je pense que ça vaut quelques cas d’angio-oedèmes d’ordre cosmétiques. »
Concernant le suivi, faut-il plutôt mesurer le NT-pro-BNP ou le BNP ?
« Dans notre étude, nous avons mesuré les taux de NT-pro BNP et de BNP mais, étant donné le mécanisme d’action de cette molécule nous nous attendions à des effets dissociés. C’est ce que nous avons observé.
Le LCZ 696 inhibe la dégradation du BNP (et non du NT-BNP), les taux de BNP étaient donc plus élevés dans le groupe LCZ 696 juste du fait de l’administration du médicament. En revanche, les taux de NT-pro-BNP étaient plus bas dans le groupe LCZ696 du fait de l’amélioration de l’insuffisance cardiaque et c’est ce que nous cherchons à mesurer.
Je pense qu’il ne sera plus utile de mesurer le BNP chez les patients qui recevront le LCZ696. Le gold standard sera de mesurer le NT-pro-BNP. »
Les résultats sont-ils similaires pour les cardiomyopathies ischémiques et non ischémiques et en fonction de la sévérité de la maladie?
« Oui, l’effet était similaire dans tous les sous-groupes. »
En pratique, faudra-t-il que les patients déjà sous ARA 2 ou IEC, cliniquement stables et avec peu de symptômes les abandonnent pour le LCZ 696 ?
« La plupart des patients de cet essai étaient cliniquement stables, avec peu de symptômes. Certains praticiens qui traitent ces patients ne verront pas forcément l’intérêt de les changer pour le LCZ696. Cependant, il faut qu’ils gardent à l’esprit que les patients qui reçoivent le LCZ 696 sont moins hospitalisés pour leur insuffisance cardiaque et qu’ils meurent moins… »
Dans la vie réelle, les patients hypotendus avec une fraction d’éjection très basse devraient-ils aussi bénéficier du LCZ696 ou est-ce une limite ?
« Précisons que plus de 90% des patients enrôlés recevaient des bêtabloquants et près de 60% recevaient des antagonistes du récepteur minéralocorticoïde à des doses correspondant aux recommandations actuelles.
Le laboratoire a prévu de commercialiser la molécule à plusieurs doses ce qui permettra de commencer à une dose assez faible et de limiter ce problème. Mais il faut titrer à des doses qui sont efficaces. »
Envisagez-vous de tester cette molécule chez les patients insuffisants cardiaques avec fraction d’éjection préservée ?
« Le laboratoire a lancé un nouvel essai qui évalue le LCZ696 versus le valsartan dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. »
Pourquoi avoir associé un inhibiteur de la néprilysine au valsartan et ne pas l’avoir évalué seul ?
« Le problème avec un inhibiteur de la néprilysine seul est que certains médecins pourraient être tentés de le prescrire en association avec un IEC. Or, comme nous l’avons vu, cela peut augmenter l’incidence des angio-oedèmes sévères. Le plus sûr était donc de lier un ARA 2 à un inhibiteur de la néprilysine. Il semble peu probable que, dans ce cas, les praticiens ajoutent un IEC. »
« Concernant l’idée d’utiliser un inhibiteur de la néprilysine seul, des petites études réalisées il y a quelques années ont montré que, dans l’insuffisance cardiaque, le candoxatril ne donnait pas de résultats encourageants », renchérit le Pr Komajda.
« Aussi, en dehors du problème dans angio-oedèmes, il faut savoir que la néprilysine ne dégrade pas seulement les peptides natriurétiques mais aussi des peptides de la vasoconstriction dont l’angiotensine et l’endothéline 1. Donc, si vous utilisez un inhibiteur de la néprilysine seul, vous risquez d’augmenter les concentrations des peptides de vasoconstriction, ce qui est généralement considéré comme néfaste. C’est donc une autre raison pour associer l’inhibition de la néprilysine (afin d’’augmenter les peptides natriurétiques) avec une autre molécule qui inhibe le système rénine-angiotansine », ajoute le Pr Komajda.
Concernant la diminution de l’incidence de la mortalité avec le LCZ 696, y-a-t-il eu aussi une diminution de l’incidence des morts subites ?
« Ces résultats n’ont pas été publiés mais, la baisse de l’incidence des morts subites est aussi très impressionnante. »
Questions pratiques au Pr Michel Komajda

Pr Michel Komajda
La question du coût devrait-elle intervenir dans la décision de « switcher » des patients sous ARA2 ou IEC sous LCZ696 ?
Il est certain qu’il faudra évaluer l’aspect économique. Pour répondre à cette question, il faudra attendre qu’une étude de coût-efficacité soit réalisée mais, d’un point de vue purement clinique, une réduction de risque de l’ordre de 20% pour tous les critères de jugement est très importante.
Y a-t-il des sous-populations de patients insuffisants cardiaques chroniques avec fraction d’éjection abaissée qui ne devraient pas bénéficier du LCZ696 ?
La population testée est une population très large de patients atteints d’insuffisance cardiaque modérée à moyenne donc, je pense que l’applicabilité à la population générale d’insuffisants cardiaques chroniques à fraction d’éjection abaissée est assurée.
Les risques d’hypotension et d’angio-oedèmes sont-ils une limite à l’utilisation de ce nouvel agent ?
Il y a, en effet, d’avantage d’hypotensions dans le groupe LCZ 696 même si cela n’a pas entraîné d’arrêt de traitement. Je pense qu’il faudra qu’il y ait des recommandations précises concernant la titration du médicament pour éviter d’avoir des problèmes d’hypotension artérielle symptomatique.
Au sujet des angio-oedèmes, il faudra, bien sûr, assurer un suivi post-marketing.
Confirmez-vous l’intérêt du suivi des patients par l’évaluation des taux de NT-pro-BNP plutôt que celle des taux de BNP ?
Puisque le LCZ 696 augmente le niveau de BNP en raison de l’inhibition de l’enzyme qui le dégrade, il n’est probablement pas optimal de faire le suivi par la mesure du taux de BNP car il est « artificiellement » augmenté. En revanche, mesurer les taux de NT-pro-BNP qui sont eux abaissés en raison des améliorations hémodynamiques résultant de l’action du LCZ696 est une bonne option.
L’essai PARADIGM-HF a été financé par les laboratoires Novartis. Le Pr Packer a des liens d’intérêts avec AMAG, Amgen, BioControl, CardioKinetix, CardioMEMS, Cardiorentis, Daiichi, Janssen, Novartis et Sanofi. Les liens d’intérêts des autres auteurs sont disponibles dans la publication. Le Pr Komajda déclaré des activités d’orateur pour : Servier, Menarini, Sanofi, Boehringer Ingelheim, Astra Zeneca, Glaxo Smithkline et de consultant/investigateur pour : Servier, Johnson & Johnson, Nile Therapeutics, Sanofi, BMS, Menarini. |
REFERENCE:
McMurray JJV, Packer M et coll. Angiotensin–Neprilysin Inhibition versus Enalapril in Heart Failure. NEJM. 30 août 2014. Publication en ligne.
Citer cet article: LCZ696, nouvelle classe « révolutionnaire » dans l’IC : réponses aux questions - Medscape - 31 août 2014.
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