Barcelone, Espagne – Le syndrome post-cardiotomie (PPS), la fibrillation auriculaire (FA) et l’épanchement pleural sont des complications fréquentent chez les patients subissant une chirurgie cardiaque. Dans la foulée de l’étude COPPS qui avait montré l’intérêt de la colchicine donnée trois jours après chirurgie sur la prévention de ces complications post-opératoires, l’équipe de l’italien Massimo Imazio (Turin, Italie) a lancé l’étude COPPS-2 pour tester l’administration de colchicine en pré-opératoire, en faisant l’hypothèse d’une efficacité encore plus grande. A ce titre, les résultats qui viennent d’être présentés au congrès de l’ ESC2014 [1] et publiés dans le JAMA [2] déçoivent. En effet, si l’incidence du syndrome post-cardiotomie (PPS) a été réduite, celles de la fibrillation auriculaire (FA) et de l’épanchement pleural, en revanche, n’ont pas été modifiées. Le tout au prix de nombreux effets secondaires, principalement gastro-intestinaux. Des résultats qui suggèrent que la colchicine doit être utilisée préférentiellement post-chirurgie pour une visée prophylactique (comme dans COPPS) ou bien en traitement du PPS.
La colchicine prévient le PPS, mais pas la FA et l’épanchement pleural/péricardique
Pour étudier l’effet de la colchicine donnée en pré-opératoire pour prévenir les complications de la chirurgie cardiaque, l’étude COPPS-2 a inclus 360 patients dans 11 centres en Italie. Les patients (âge moyen 67 ans, 69% d’hommes) ont été randomisés pour recevoir soit un placebo (n=180) soit de la colchicine (n=180) entre 48 et 72 heures avant chirurgie, puis pendant 1 mois après l’opération. Les doses étaient de 0,5 mg x 2/j chez les plus de 70 kg, et 0,5 mg x 1/j chez les moins de 70 kg.
L’étude a montré que l’incidence du PPS – critère primaire – était significativement diminuée dans le groupe colchicine (survenant chez 35 patients) comparé au groupe placebo (53 patients) dans les trois mois suivant la chirurgie, soit 19,4% vs. 29,4% [p=0,030; risque relatif (RR) : 0,66 ].
En revanche la colchicine n’a pas réduit l’incidence de la fibrillation auriculaire (colchicine : 33,9 % placebo : 41,7 %) et de l’épanchement pleural/péricardique (colchicine : 57,2 %; placebo : 58,9%) post-chirurgie.
En limitant l’analyse statistique aux patients ayant supporté le traitement (c’est-à-dire en retirant les sorties d’étude pour cause d’effets secondaires gastro-intestinaux), la colchicine réduisait le taux de FA post-opératoire comparé au placebo (RR : 0,65; p=0,012).
20% d’effets secondaires
L’étude a été marquée par un nombre important d’effets secondaires dans le groupe colchicine (20,0% vs. 11,7%; RR : 1,89; p=0,034), dus en grande partie à une intolérance gastro-intestinale (RR : 2,17; p=0,020), même si les taux d’arrêt ont été les mêmes dans les deux groupes (près de 20% tout de même) et qu’aucun effet secondaire sévère n’a été observé.
Comparé à l’étude COPPS, qui avait montré l’efficacité de la colchicine sur les trois principales complications post-chirurgie cardiaque, avec un taux d’effets secondaires deux fois moindre, COPPS précise son mode d’utilisation, voire relativise son intérêt en prophylaxie des complications post-chirurgie cardiaque.
Pour le Pr Imazio, « le taux d’effets indésirables de COPPS-2 s’explique par la plus grande fragilité des patients en période péri-opératoire, où l’utilisation conjointe d’antibiotiques et d’inhibiteurs de la pompe à protons augmente le risque d’effets secondaires gastro-intestinaux. » Il ajoute que « ce taux élevé d’effets indésirables est source d’inquiétudes et suggère que la colchicine ne devrait être utilisée que chez des patients soigneusement sélectionnés. »
Utilité de la colchicine ?
Autre surprise de l’étude : le relativement faible taux de PPS rapporté dans l’étude, qui conduit le Pr Imazio à s’interroger sur l’intérêt d’une prophylaxie pré-opératoire par colchicine, compte-tenu du taux élevé d’effets indésirables.
Le mieux est-il décidément l’ennemi du bien ? « Nous avons fait l’hypothèse, dans COPPS-2, qu’une administration plus précoce de colchicine, avec un dosage plus progressif, pourrait améliorer à la fois l’efficacité et l’adhésion au traitement, en réalité nous avons juste augmenté le nombre d’effets indésirables » constate-t-il, non sans une certaine amertume.
Clairement, avec COPPS-2, l’enthousiasme suscité par la colchicine dans l’étude initiale retombe. « A l’heure actuelle, peut-être vaut-il mieux traiter les complications que les prévenir, ou utiliser de plus faibles doses de colchicine » affirme le Pr Imazio.
Précision : La colchicine n’est pas approuvée dans la prévention du PPS en Amérique du Nord et en Europe, et son utilisation dans cette utilisation est hors-AMM. Elle est indiquée en prophylaxie des accès aigu de goutte et dans la maladie de Behçet. »
L'étude COPPS-2 trial a été financée par Azienda Sanitaria 3 de Torino (désormais ASLTO2) avec l'Italian National Health Service. Acarpia (Madeira, Portugal) a fourni le medicament et le placebo, sous forme d'une bourse institutionnelle. Aucun auteur n'a déclaré de lien d'intérêt à l'exception du Dr Ristić (voir détail à la fin de la pubication). |
REFERENCES :
Imazio M. COPPS 2 - Gout med cuts complications after cardiac surgery, but side-FX are high. ESC2014, 30 août 2014
Imazio M; Brucato A, Ferrazzi AP et coll. Colchicine for Prevention of Postpericardiotomy Syndrome and Postoperative Atrial Fibrillation.: The COPPS-2 Randomized Clinical Trial. JAMA. Published online August 30, 2014. doi:10.1001/jama.2014.11026
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Citer cet article: COPPS 2 : la colchicine inutile et mal tolérée avant chirurgie cardiaque - Medscape - 30 août 2014.
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