Barcelone, Espagne – PARADIGM-HF est assurément l’essai phare de cette nouvelle édition du congrès de l’ European Society of Cardiology .
Il démontre très clairement la supériorité du nouvel agent LCZ696, association d’un inhibiteur de la néprilysine et du valsartan, sur l’un des traitements de référence de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite : l’énalapril (IEC).
Le LCZ696 apporte un bénéfice supplémentaire à la fois sur le risque de décès cardiovasculaires ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque mais aussi sur le risque de mortalité toutes causes, sur les symptômes et sur le handicap associés à l’insuffisance cardiaque.
En mars dernier, le laboratoire Novartis avait déjà créé le buzz en annonçant l’arrêt prématuré de l’essai en raison de la forte baisse de mortalité observée avec le LCZ696 par rapport à l’énalapril [1]. Les résultats détaillés de l’essai ont été présentés lors du congrès de l’European Society of Cardiology 2014 ce jour et sont publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine [2,3].

Pr Milton Packer
« Il s’agit d’un résultat stupéfiant et d’une réelle avancée pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique », a commenté le Pr Milton Packer (University of Texas Southwestern Medical Center, Texas, Etats-Unis) co-auteur de l’étude lors de la présentation des résultats à la presse.
La mortalité cardiovasculaire abaissée de 20 % par rapport au groupe recevant l’énalapril
L’essai multicentrique en double aveugle a randomisé 8436 patients présentant une insuffisance cardiaque de classe II, III ou IV avec une fraction d'éjection réduite (FE ≤ 35-40%) pour recevoir soit du LCZ696 à la dose de 200 mg deux fois par jour, soit de l’énalapril à la dose de 10 mg deux fois par jour en complément des thérapeutiques classiques (bêtabloquants, antagonistes du récepteur minéralocorticoïde…).
Avant la randomisation, les patients ont reçu un IEC ou un ARA 2 en plus de 3 à 7 autres traitements cardiovasculaires afin de s’assurer qu’ils pouvaient supporter les doses d’énalapril et de LCZ696 envisagées. Seuls les patients qui n’ont pas eu d’effets secondaires importants ont été randomisés.
Au moment de l’arrêt anticipé de l’étude, après un suivi moyen de 27 mois, le critère primaire d’évaluation associant mortalité cardiovasculaire et hospitalisation pour insuffisance cardiaque était survenu chez 914 patients (21,8%) du groupe LCZ696 et chez 1117 patients du groupe énalapril (26,5%) (RR=0,80 ; IC 95 % 0,73 à 0,87 ; p<0,0001).
En tout, 711 patients (17%) du groupe LCZ696 et 835 patients (19,8%) du groupe énalapril étaient décédés (RR=0,84 ; IC 95% 0,76 à 0,93 ; p<0,001). Et, parmi eux, 558 (13,3%) et 693 (16,5%), respectivement, étaient décédés de cause cardiovasculaire, soit une baisse de 20% de la mortalité cardiovasculaire pour le groupe LCZ696 vs le groupe énalapril (RR=0,80 ; IC 95% 0,71 à 0,89 ; p<0,001).
« Il est important de noter que ce bénéfice a été observé dans tous les sous-groupes étudiés », a souligné le Pr Packer.
Comparé à l’énalapril, le LCZ696 a également réduit le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 21% (p<0,001).
Huit mois après l’inclusion, le score du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) reflétant les symptômes et le handicap liés à l’IC (échelle de 1 à 100 : le score le plus élevé indiquant moins de symptômes et de handicap) était réduit, en moyenne, de 2,99 points dans le groupe LCZ696 et de 4,63 points dans le groupe énalapril (p=0,001). Après ajustement pour les décès, il était amélioré dans le groupe LCZ696 et aggravé dans le groupe énalapril (p=0,004).
Une bonne tolérance
Globalement, les sorties d’étude en raison de la mauvaise tolérance des traitements étaient moindre dans le groupe LCZ696 que dans le groupe énalapril (10,7% vs 12,3%, p=0,03).
Concernant les effets secondaires, le groupe LCZ696 a présenté plus d’hypotensions (14% vs 9,2%, p<0,001) sans augmenter le taux de sorties d’étude et plus d’angio-oedèmes non graves (19 vs 10 patients) mais, moins d’insuffisance rénale, d’hyperkaliémie et de toux que le groupe énalapril.
Le LCZ696 n’a pas été associé à un risque accru d’angio-eodèmes graves contrairement à ce qui avait été observé dans l’essai OUVERTURE avec son proche cousin, l’omapatrilat qui associe un IEC et un inhibiteur de la néprilysine.
« Le LCZ696 a été spécialement conçu pour minimiser le risque d’angio-oedèmes sévères en associant l’inhibiteur de la néprilysine (AHU377) avec l’ARA 2, valsartan », a expliqué le Pr Packer.
Différences avec l'omapatrilat L'augmentation du risque d'angio-oedèmes potentiellement mortels avec l'omapatrilat serait due à son inhibition de l'enzyme de conversion, de l'aminopeptidase P et de la néprilysine. Le LCZ696 n'a pas d'effet inhibiteur de l'enzyme de conversion, ni de l'aminopeptidase P. |
Le LCZ696 va-t-il remplacer les traitements par IEC et ARA 2 ?
Pour le Pr Packer, la réponse est claire : « le fait que le LCZ696 diminue encore la mortalité cardiovasculaire de 20% par rapport aux IEC suggère fortement qu’il devrait remplacer les IEC et les ARA 2 dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique. »
« Il y a un rationnel à utiliser le LCZ696, non seulement chez les patients atteints d’une insuffisance cardiaque chronique sévère, mais aussi, chez les patients moins atteints car il ralentit l’évolution de la maladie, » ajoute-il.
Pour le Dr Mariell Jessup (Perelman School of Medicine, University of Pennsylvania, Etats-Unis), auteur d’un éditorial accompagnant l’article [2], la question du coût, du moins aux Etats-Unis, interviendra, elle aussi, probablement dans la décision de faire abandonner des traitements par IEC ou ARA 2 bien tolérés par les patients pour un traitement qui sera probablement bien plus onéreux.
Les discussions avec les agences réglementaires aux Etats-Unis et en Europe en vue de l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) sont en cours.
Quels sont les mécanismes d'action sous-jacents du LCZ696 ? Les chercheurs attribuent les bons résultats du LCZ696 à son double mécanisme d'action : l'inhibition du récepteur de l'angiotensine, d'une part, et de la néprilysine (ou endopeptidase neutre), d'autre part. Cette dernière inhibition induit une augmentation des concentrations des peptides natriurétiques, de la substance P, de l'adrénomedulline, de la guanosine 3'5' monophosphate cyclique, du peptide relié au gène calcitonine et de la bradykinine ce qui stimule la diurèse, la natriurèse, la vasodilatation, inhibe le système rénine-angiotensine, aurait un effet antiprolifératif et antihypertrophique. |
L'essai PARADIGM-HF a été financé par les laboratoires Novartis. Le Dr Packer a des liens d'intérêts avec AMAG, Amgen, BioControl, CardioKinetix, CardioMEMS, Cardiorentis, Daiichi, Janssen, Novartis et Sanofi. Les liens d'intérêts des autres auteurs sont disponibles dans la publication. |
REFERENCES :
McMurray JJV, Packer M et coll. Angiotensin–Neprilysin Inhibition versus Enalapril in Heart Failure. NEJM. 30 août 2014. Publication en ligne.
Jessup M. Neprilysin Inhibition — A Novel Therapy for Heart Failure. NEJM. 30 août 2014. Publication en ligne.
Citer cet article: PARADIGM-HF : l’association valsartan-néprilysine créé l’événement dans l’IC - Medscape - 30 août 2014.
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