Bêta-bloquant en post-infarctus : une prescription des années 1990 ?

Dr Catherine Desmoulins

Auteurs et déclarations

28 août 2014

Paris, France -- Faut-il encore prescrire des bêtabloquants (BB) à vie en post-infarctus ? La question est sérieusement débattue. Dimanche 31 août à l’ESC 2014 de Barcelone, le Pr Nicolas Danchin (HEGP, Paris) présentera une nouvelle analyse du registre FAST-MI comparant le devenir, à 5 ans, des patients toujours sous bêtabloquant un an après l’évènement ischémique, versus ceux qui ont arrêté le traitement.

Medscape - La remise en cause du bénéfice des BB en post-infarctus n’est pas nouvelle. Dès 2010, vous publiiez des données de la CNAM qui allaient en ce sens.

Pr Nicolas Danchin - Oui, nous avions à l’époque regardé le devenir des patients en post-infarctus en fonction de l’observance, au cours du suivi, des traitements recommandés à la sortie d’hospitalisation (BASIC). Globalement, on trouvait que la bonne observance (définie par la prise de 80% des comprimés) allait de pair avec un meilleur pronostic pour tous les traitements (statines surtout mais aussi IEC et aspirine) à l’exception des BB ( voir notre couverture)

Cependant, cette analyse avait une limite méthodologique car plus on augmente la durée de suivi et moins on a de chance de trouver des patients observants. Cela crée un biais qui favorise la mauvaise observance car il y a plus de mauvaise observance chez les gens qui ont un long suivi. Quand l’action du médicament parait bénéfique, ce biais n’est pas gênant car il renforce les résultats obtenus mais quand le médicament ne semble pas avoir d’effet, ce qui était le cas des BB dans ce travail, on pouvait s’interroger sur un certain degré d’efficacité masqué par ce biais de survie.

Les nouvelles données présentées à l’ESC sont issues d’une cohorte prospective avec un suivi de 5 ans, FAST MI 2005-2010. Il s’agit donc d’une façon de procéder différente. Nous avons comparé la mortalité à 5 ans des patients toujours sous bêtabloquant au bout d’un an, après leur sortie de l’hôpital, à ceux qui n’avaient plus de bêtabloquant. Il s’agit, bien sûr, d’une population sans dysfonction ventriculaire gauche car en cas d’insuffisance cardiaque, les recommandations sont formelles, ils faut prescrire des BB.

A ce stade, les preuves sont-elles suffisantes pour modifier les recommandations ?

ND- Les recommandations européennes sur le STEMI ont déjà bougé puisque les bêtabloquants ne sont indiqués qu’avec un niveau de preuve 2a mais les Etats-Unis continuent d’être très en faveur des BB en recommandant une prescription d’au moins 3 ans. Il faut maintenant affiner les recommandations en distinguant la phase aiguë, la sortie de l’hôpital et le suivi plus lointain. En attendant des essais randomisés, il ne serait pas illogique que ces résultats soient pris en compte.

Comment expliquer cette rétrogradation des bêtabloquants en post-infarctus ?

ND- C’est à mon avis très lié au contexte historique. Les infarctus que l’on voit maintenant ne sont pas les mêmes que ceux que l’on voyait à l’époque où on a fait les études sur les BB. Ils étaient plus gros, parfois avec des anévrysmes. Toutes ces études, sauf COMMIT (étude de court terme), datent d’avant l’époque de la reperfusion, des statines, des IEC et même de l’aspirine qui était en cours de démonstration. Les preuves de l’intérêt des BB en post-IDM sont donc issues de travaux menés à une époque où on traitait l’infarctus de façon radicalement différente de ce que l’on fait maintenant. En partant de ce constat, il semblait logique de réexaminer le niveau de preuve des BB en post-infarctus.

Le Pr Danchin a déclaré :

Bourses de recherche: Astra-Zeneca, Eli-Lilly, GSK, Merck, Novartis, Pfizer, sanofi-aventis, Servier, The MedCo

Honoraires d’orateur/consultant : Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingelheim, GSK, Eli-Lilly, MSD-Schering, Novo-Nordisk, Pfizer, Pierre Fabre, Roche, sanofi-aventis, Servier, The MedCo

Ancien président du Comité consultatif scientifique de la CNAM

REFERENCE:

1. Danchin N. Can beta-blockers be stopped in patients with preserved left ventricular function after acute myocardial infarction ? Five-year follow-up of FAST MI 2005. Registry Hot Line : Atrial fibrillation and myocardial infarction, 31 août 2014. ESC 2014.

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