Ispahan, Iran – Une carence en vitamine D, avec un taux sérique <20 ng/ml, multiplie par deux le risque de développer une schizophrénie, selon une analyse iranienne, qui a passé en revue une vingtaine d’études [1]. Les résultats montrent également que près des deux tiers des patients schizophrènes présentent une insuffisance en vitamine D.
La vitamine D a connu un regain d’intérêt ces dernières années, plusieurs études ayant établi un lien de cause à effet entre un déficit et certaines pathologies, tels que des infections respiratoires, un diabète, une fragilité osseuse ou encore des troubles digestifs. Des corrélations qui ont conduit à une importante hausse des dosages en routine,
Il n’y a pas de consensus sur la valeur normale de 25-hydroxyvitamine D sérique (25(OH)D). L'insuffisance en vitamine D est fréquemment associée à une concentration moyenne en 25(OH)D <30 ng/ml. Le déficit devient « sévère » pour une concentration <10 ng/ml.
Près de 6 ng/mL en moins chez les schizophrènes
Dans cette étude, l’équipe du Dr Ghazaleh Valipour (Université des sciences médicales, Ispahan, Iran) a fixé la valeur seuil définissant une carence à 20 ng/mL. Les chercheurs ont repris les données de 19 études, publiées entre 1988 et 2013, explorant le lien entre vitamine D et schizophrénie. Trois méta-analyses ont été réalisées.
Axée sur les concentrations sériques en vitamine D, la première a montré que les patients schizophrènes présentaient un niveau moyen de 25(OH)D inférieur de 5,9 ng/mL, par rapport à celui des patients non schizophrènes (intervalle de confiance à 95%, -10,68 à -1,14 ng/mL).
Dans la deuxième méta-analyse, qui a concerné huit études, les chercheurs ont pu déterminer la prévalence de la carence en vitamine D. Au total, 65,3% des patients schizophrènes présentaient une valeur sérique de 25(OH)D <20 ng/mL.
Enfin la troisième analyse s’est également focalisée sur huit études afin de déterminer le risque de schizophrénie lié à une insuffisance de vitamine D. Selon les chercheurs, les individus présentant un taux inférieur à 20ng/mL ont un risque de développer une schizophrénie multiplié par 2,16 par rapport à la population non carencée.

Dr Ahmad Esmaillzadeh
La supplémentation recommandée
Les résultats d’études antérieures laissaient présager des niveaux de vitamines D insuffisants chez les patients schizophrènes, a affirmé auprès de Medscape Medical News le Dr Ahmad Esmaillzadeh, coauteur de l’étude. Mais, « on ne s’attendait pas à ce que les individus carencés présentent un tel risque de développer la maladie ».
Interrogé par Medscape Medical News, le Dr Michael Holick (Boston University Medical Center, Etats-Unis) a également souligné que « ces résultats viennent, pour la plupart, confirmer ce qui avait été suggéré par de précédentes études ».
En prenant en compte plusieurs variables, dont l’exposition au soleil, les chercheurs « ont conclu que les schizophrènes présentent plus fréquemment une insuffisance en vitamine D, un constat en accord avec un lien potentiel entre carence en vitamine D et risque accru de schizophrénie ».
En cas de déficit, « l’Endocrine Society recommande une supplémentation de 600 à 1 000 unités [15 à 25 µg] pour les enfants de un an et plus, 800 à 2 000 unités [20 à 50 µg] pour les adultes. Les personnes obèses ou en surpoids ont besoin d’apports deux à trois fois plus élevés pour combler l’insuffisance », rappelle le Dr Holick.
Pour les femmes enceintes, le médecin suggère d’apporter 2 000 unités par jour, une dose qui peut être doublée pour assurer un niveau plasmatique satisfaisant, une récente étude ayant montré une bonne tolérance pour cette population avec un apport quotidien de 4 000 unités (50 µg).
En France, 42% des adultes concernés
« Une supplémentation pourrait permettre de réduire le risque » de schizophrénie, estime-t-il. Concernant les patients déjà touchés par ce trouble, l’insuffisance en vitamine D doit être traitée. « Les praticiens peuvent ainsi espérer une meilleure réponse au traitement médicamenteux et une amélioration de l’état général du patient ».
« D’autres essais cliniques sont nécessaires pour confirmer les effets d’une supplémentation en vitamine D » sur l’évolution de la schizophrénie, considère pour sa part le Dr Esmaillzadeh.
Selon les résultats d’une étude [2], présentés en 2012 par l’Institut de veille sanitaire (InVS), plus de 80% de la population adulte française présente un déficit en vitamine D, caractérisé par un taux sérique inférieur à 30 ng/mL. Et 42% présente un niveau inférieur à 20 ng/mL.
En plus d’un enrichissement de certains aliments et d’une supplémentation pour les populations à risque, comme les femmes enceintes ou les personnes en surpoids, la pratique d’activités en extérieur est recommandée. L’exposition aux rayons ultraviolets reste la principale source de vitamine D.
Les auteurs n’ont pas déclaré de liens d’intérêts. |
Ce sujet a fait l'objet d'une publication dans Medscape.com
REFERENCES :
1. Valipour G, Saneii P, Esmaillzadeh E, Serum vitamin D levels in relation to schizophrénia: a systematic review and meta-analysis of observational studies, The Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism , publication en ligne du 22 juillet.
2. Vernay M et coll. Statut en vitamine D de la population adulte en France : l'Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007) . BEH 24 avril 2012 / n°16-17.
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Citer cet article: Vincent Richeux. Le risque de schizophrénie doublé en cas de carence en vitamine D - Medscape - 5 août 2014.
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