Vaccination anti-HPV : les garçons aussi ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

1er août 2014

Londres, Belfast, Royaume-Uni -- Le British Medical Journal consacre deux articles à la question de la vaccination anti-HPV chez les garçons [1,2]. Les différents auteurs, qui ont pour la plupart des liens d’intérêt avec les fabricants de vaccins, plaident en faveur de la vaccination des jeunes adolescents.

Dans le premier article, le Dr Gillian Prue (School of Nursing and Midwifery, Queen’s University Belfast, Irlande) défend la vaccination anti-HPV chez les garçons dans l’objectif de faire baisser l’incidence des verrues génitales et celle de plusieurs cancers.

Elle précise que l’infection aux papillomavirus humains est fréquente chez les hommes et qu’elle est responsable de verrues génitales et du développement de cancers oropharyngés, anaux et du pénis. « L’incidence de chacun de ces cancers a augmenté à l’échelle mondiale au cours des deux dernières décennies et l’HPV est responsable de 5% des cancers », souligne-t-elle.

Dans le deuxième article, un éditorial, le Pr Stanley, le Dr O’Mahony et le Dr Barton disent partager la déception du Royal College of Surgeons’ [3] au sujet de l’absence de réponses concernant « l’iniquité de vacciner seulement les filles contre les HPV. »

Ils expliquent comprendre pourquoi le programme a initialement ciblé les jeunes filles mais indiquent qu’il est maintenant bien connu que les HPV sont responsables de cancers oro-pharyngés qui sont, dans la plupart des cas, causés par les HPV et qui sont les cancers en plus forte croissance (+15% par an) [4]. Ils ajoutent que 90% des cas de cancers anaux au Royaume-Uni sont aussi associés à l’infection à HPV.

Reste que les cancers oro-pharyngés et anaux sont beaucoup moins fréquents que le cancer du col de l’utérus. En outre, il n’est pas encore possible d’extrapoler l’efficacité sur le cancer du col de l’utérus aux cancers oro-pharyngés.

Concernant l’efficacité d’une vaccination chez les garçons, le Dr Prue précise qu’une étude sur 4065 garçons âgés de 16 à 25 ans a montré que la vaccination anti-HPV permettait d’éviter ces cancers [5]. L’intérêt serait particulièrement important lorsque la couverture vaccinale est peu importante chez les filles.

En revanche, si la couverture vaccinale chez les filles était bonne, l’intérêt serait plus négligeable.

Vacciner seulement les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes ?

Le Dr Prue souligne que vacciner uniquement les filles ne permet pas de protéger les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. Or, un programme ciblant uniquement les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes aurait ses limites car ces hommes ont souvent acquis le HPV pendant l’adolescence alors même qu’ils n’ont pas découvert, officialisé ou reconnu leur homosexualité.

Les éditorialistes partagent la vision du Dr Prue et ajoutent que vacciner uniquement les hommes qui ont des rapports avec d’autres hommes « pourrait être perçu comme discriminant pour les hétérosexuels ».

Pour eux, la seule réponse sensée est une stratégie de vaccination des deux sexes dès l’école : « Si le coût est raisonnable, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas le faire. »

En France, le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) étudie actuellement la question de la vaccination anti-HPV chez les garçons et devrait publier un avis prochainement.

La question du coût

Sur la question du coût, le Dr Prue indique que celui des maladies associées aux infections à papillomavirus est « considérable ». Une étude italienne portant sur 9 maladies associées aux HPV a estimé le coût de ces maladies à 530 millions d’euros [6]. En outre, elle précise que le traitement des verrues génitales a coûté près de 21,5 millions d’euros en Angleterre en 2008 [7].

En termes de rapport coût-bénéfice de la vaccination chez les garçons, elle cite deux études plutôt favorables.

Une étude norvégienne récente [8] qui a évalué l’intérêt de la vaccination sur l’ensemble des maladies associées, et pas seulement sur le cancer du col, a conclu à l’intérêt médico-économique d’inclure les garçons dans le programme de vaccination. Toutefois, elle note qu’augmenter la couverture vaccinale des filles serait plus efficace du point de vue médico-économique.

Une autre étude [9], ciblant l’ensemble des carcinomes liés aux HPV, a montré que vacciner les filles et les garçons à 12 ans était associé à un bénéfice supplémentaire. Ce bénéfice était observé même avec une couverture vaccinale de seulement 70%.

Rappelons qu’en France, la situation est très différente car la couverture vaccinale des filles est extrêmement faible. En 2013, l’InVS précisait que seulement un tiers des jeunes filles concernées par la recommandation relative au vaccin HPV avaient été complètement vaccinées [10]. Comment imaginer alors que la couverture vaccinale serait plus importante chez les garçons alors qu’ils en tireraient moins de bénéfices ? Autre différence importante : dans l’Hexagone, le vaccin coûte 135 euros la dose alors qu’en Angleterre le vaccin est acheté en masse par l’Etat à un coût bien plus faible.

 

Le Dr Gillian Prue est membre d’HPVAction.org. Le Dr O’Mahony a reçu des honoraires de GSK et de Sanofi Pasteur MSD. Le Pr Stanley est membre du conseil scientifique de GSK Biologiques, MSD, Merck et Sanofi Pasteur MSD et a reçu des honoraires de ces sociétés.

 

REFERENCES :

1. Prue G. Personal view. Vaccinate boys as well as girls against HPV : it works, and it may be cost effective. BMJ 2014; 349:g4834.

2. Stanley M, O’Mahomy C, Barton S. Editorials. HPV vaccination. What about boy ? BMJ 2014;349:g4783

3. Mitchell D, Audisio R, Cruickshank G et coll. Boys in the UK should be offered vaccination against HPV. BMJ 2014;348:g3762

4. Stanley M. HPV vaccination in boys, Hum Vacc Immunother 2014;10:1-3.

5. Giuliano AR, Palefsky JM, Goldstone S et coll. Efficacy of quadrivalent HPV vaccine against HPV infection and disease in males. N Engl J Med 2011;364:401-11.

6. Baio G, Capone A, Marcellusi A et coll. Economic burden of human papillomavirus related diseases in Italy. PLoS One 2012;7:e49699.

7. Desdai S, Wetten S, Woodhall SC et coll. Genital warts and cost of care in England. Sex Transm Infect 2011; 87:464-

8. Burger EA, Sy S, Nygârd M et coll. Prevention of HPV related cancers in Norway : cost effectiveness of expanding the HPV vaccination program to include pre-adolescent boys. PLoS One 2014; 420;9:e89974

9. Marty R, Roze S, Bresse X et coll. Estimating the clinicals benefits of vaccinating boys and girls against HPV related diseases in Europe. BMC Cancer 2013;13:10.

10. La couverture vaccinale en France. Communiqué de presse InVS. 24 avril 2013.

 

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