Bordeaux, France – « En 2013, 4 100 cas de paludisme d’importation ont été recensés en France, dont 93 % provenaient d’Afrique sub-saharienne et 80 % concertaient des migrants (en majorité des résidents en métropole). Par rapport à 2012, le nombre de cas a augmenté de 14 %. Le Plasmodium falciparum est principalement en cause (88 %), et il est à l’origine des 13 % de paludismes graves qui ont conduit à un total de 10 décès », explique le Dr Thierry Pistone (Bordeaux) à l’occasion des 15 èmes Journées Nationales d’Infectiologie (JNI 2014). [1]
Pourtant, l’incidence des cas de paludisme décroit rapidement dans le monde et des traitements préventifs et curatifs existent et sont désormais disponibles à moindre coût.
Alors pourquoi le nombre des cas augmente en France ? Défaut d’information, défaut de suivi des populations à risque ? Défaut d’anticipation ? Défaut d’application des recommandations ?
Arrivé des génériques de la Malarone®
En 2014, 4 types de traitement chimioprophylactiques du paludisme peuvent être proposés aux voyageurs : l’atovaquone-proguanil (Malarone®), la doxycycline, la méfloquine (Lariam®) et la nivaquine. « Mais, en pratique, ce sont les deux premiers qui sont actuellement le plus souvent choisis à la fois en raison de leur tolérance et du moindre risque de résistances » analyse le Pr Emmanuel Bottieau (Anvers, Belgique) [2].
Depuis la fin de l’année 2013, 6 génériques de la Malarone® ont été commercialisés : 4 formes adultes et deux formes pour enfants. En moyenne, les boites d’atovaquone-proguanil coûtent 10 à 15 € contre 35 à 50 € pour la Malarone®.
Si le traitement prophylactique est donc désormais beaucoup plus accessible, il n’en reste pas moins qu’il existe de grandes disparités sur les prescriptions dans les différents pays d’Europe. « Les cartes de l’OMS ne sont pas dynamiques et elles sont peu précises, il en existent d’autres qui sont plus adaptées à une prescription personnalisées [3] » continue le Pr Bottieau.
Ainsi, en se fondant sur des cartes précises, il est concevable de prescrire un traitement dans certaines villes d’un pays endémique mais pas dans d’autres. Et dans ce cas, la prescription d’un traitement de réserve est une solution privilégiée dans certains pays comme la Belgique.
« Une harmonisation des recommandations semble donc désormais nécessaire pour tous les pays d’Europe » avance le Pr Bottieau.
Traitement de réserve
« Actuellement, en ce qui concerne le traitement de réserve, il y a encore autant d’avis que d’experts car cette option n’a pas encore été véritablement étudiée ni validée », regrette le Pr Bottieau. « Reste qu’il est difficile de déterminer si ce traitement est réellement utile pour un touriste habituel. Il pourrait être plutôt prescrit aux personnes qui voyagent fréquemment ou longtemps et à ceux qui, au cours de leur déplacement, ne peuvent pas recevoir des soins adaptés dans les 24 h en cas de fièvre ».
Traitement de réserve versus traitement prophylactique Le traitement de réserve est prescrit aux voyageurs qui ne prennent pas de chimioprophylaxie, qui se protègent par des moyens mécaniques et qui sont informés de la nécessité de se traiter en présence de certains signes cliniques. Le traitement prescrit est habituellement celui de l’accès palustre simple : combinaison thérapeutique à base d’artémisinine ou la combinaison atovaquone-proguanil. |
Traitement de l’accès palustre simple
En 2014, deux combinaisons thérapeutiques peuvent être prescrites pour le traitement de l’accès palustre simple : l’une ne contient pas de dérivé de l’artémisinine, c’est l’atovaquone-proguanil (Malarone® et génériques), les deux autres sont des dérivés de l’artémisinine utilisés en combinaison (Combinaison thérapeutique à base d’artémisinine ou CAT). [4]
Malarone® et générique L’atovaquone-proguanil est désormais disponible en ville sous la forme de génériques, toujours non remboursés. Il est donc possible de le prescrire à des patients qui vont être traités en ambulatoire. Ce traitement n’est pas indiqué en cas de nausées, vomissements, insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < à 30 mL/min) et en cas de traitement par antirétroviraux, rifamycine, métoclopramide et AVK. |
Les CAT : combinaisons à base d’artémisinine Les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CAT) comportent une bithérapie synergique avec deux molécules d’action et de demi-vie complémentaires. Ils permettent une clairance des parasites de façon rapide et intense, une apyrexie en 36 à 48 h. Ces médicaments, généralement bien tolérés, inhibent partiellement les gamétocytes et, actuellement, il n’existe ni résistances croisées ni résistance clinique du P falciparum aux CTA. Actuellement en France, on dispose de deux médicaments de ce type : l’arthéméter-luméfantine (Riamet®) dont la posologie est complexe et qui est en rétrocession hospitalière et l’association dihydroarthémésine-pipéraquine (Eurartesim ®) dont la posologie est plus simple et qui est remboursé à 65% en ville en cas de relais ambulatoire. Ces deux médicaments sont contre-indiqués en cas d’hypokaliémie, d’hypomagnésémie cliniquement significative, de cardiopathies (troubles du rythme, de la conduction IVG ou QT long) et de prise de traitement allongeant le QT. |
REFERENCES :
Pistone T. Quelle « première ligne » dans l’accès palustre simple ? JNI 2014
Bottieau E. Chimioprophylaxie anti-malarique en Europe en 20134 : pourquoi des disparités ? JNI 2014
http://whqlibdoc.who.int/publications/2011/9789242547924_fre.pdf
Citer cet article: Prophylaxie et traitement du paludisme : les nouveautés de l’été 2014 - Medscape - 18 juil 2014.
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