La vasectomie associée à un risque accru de cancer de la prostate

Vincent Richeux avec Roxane Nelson

Auteurs et déclarations

17 juillet 2014

Boston, Etats-Unis – Les hommes optant pour une contraception définitive par vasectomie ont un risque accru de 10% de développer un cancer de la prostate, selon une étude prospective américaine conduite pendant 24 ans sur une cohorte de près de 50 000 hommes [1]. La corrélation concerne surtout les formes agressives et mortelles, mais pas les cancers de bas grade ou les formes localisées.

La vasectomie est courante dans les pays anglo-saxons. Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, elle concerne respectivement 20% et 13% des hommes, selon les statistiques 2011 de l’OMS. En France, comme dans la plupart des pays européens, elle reste exceptionnelle. Cette intervention qui consiste à couper les canaux déférents qui acheminent les spermatozoïdes à la prostate est autorisée en France depuis 2001.

De précédentes études ont déjà exploré le lien éventuel entre la stérilisation par vasectomie et l’apparition d’un cancer de la prostate. Mais les résultats, peu homogènes, s’avèrent contradictoires.

Initiée en 1986 par l’équipe du Dr Lorelei Mucci (Harvard School of Public Health, Boston), cette étude observationnelle a inclus 49 400 hommes âgés de 40 à 75 ans.  En 2000, 25% d’entre eux (n=12 321) avaient volontairement subi une vasectomie à visée contraceptive.

Les cas mortels en légère hausse

A la fin du suivi, en 2010, un cancer de la prostate a été diagnostiqué chez 6023 hommes (12,2%). Parmi eux, 732 présentaient un cancer de haut grade. Au total, 811 cas se sont révélés mortels.
Sur 24 ans de suivi, « l’incidence cumulée des formes létales de cancer prostatique est de 1,6%. En considérant les risques relatifs, le risque absolu n’est que légèrement augmenté » après une vasectomie, commentent les auteurs.

Sur l’ensemble des cas de cancer de la prostate, les hommes ayant subi une vasectomie ont 10% de risque en plus de développer un cancer, comparativement à ceux qui n’ont pas opté pour la contraception définitive.

La vasectomie a été plus précisément associée à une élévation des risques de cancer de la prostate avancé et mortel, avec respectivement une hausse de 20% et 19%. Le risque de cancer de haut grade (score de Gleason de 8 à 10) enregistre également une hausse de 22%.

En revanche, aucun lien significatif n’a été observé entre la vasectomie et le risque de cancer de bas grade ou restant localisé dans la prostate.

Pas de lien avec le dépistage

Une analyse complémentaire a été effectuée sur un sous-groupe rassemblant les hommes ayant régulièrement eu recours à un dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA, soit près de 14 000 individus.

Pour cette population, le risque de cancer de haut grade après vasectomie est encore plus élevé, avec une hausse de 28%. Le risque de développer un cancer de la prostate d’évolution mortelle est également renforcé, passant de 19% à 56%.

« La corrélation entre cancer de la prostate et vasectomie étant toujours observée chez les patients dépistés, le risque accru de cancer de la prostate ne peut s’expliquer par le biais du diagnostic », observent les auteurs. La hausse du risque de cancer aurait pu en effet être liée à un dépistage plus fréquent chez les patients optant pour la vasectomie.

Afin de déterminer d’éventuels facteurs de risque et explorer d’autres biais, l’influence du taux d’hormones sexuelles, des infections sexuellement transmissibles ou du type de traitement anticancéreux administré a été évaluée. Aucune corrélation n’a pu être mise en évidence.

Mieux comprendre les mécanismes sous-jacents

« Il est nécessaire de mieux comprendre les éventuels mécanismes sous-jacents contribuant à augmenter le risque de cancer prostatique après une vasectomie », avant d’envisager une mise en garde, a indiqué à Medscape Medical News le Dr David Miler du département d’urologie de l’université du Michigan.

Il estime que les résultats de l’étude, « comme c’est souvent le cas pour les études observationnelles », se révèlent contradictoires. « Si l’étude montre bien un lien entre cancer de la prostate et vasectomie, celui-ci ne dépend ni de l’âge du patient, ni du temps écoulé depuis la vasectomie ».

Les risques de cancer prostatique de haut grade et d’évolution mortelle sont certes plus élevés après contraception définitive, « mais il s’agit au final d’un risque absolu pour l’individu qui s’approche de 1% et qui reste donc très faible », relativise l’urologue.

Selon lui, compte tenu des contradictions qu’elle présente actuellement, la littérature ne peut pas être évoquée pour conseiller les hommes qui envisagent une vasectomie, en raison notamment de l’absence de causes clairement identifiées.

« Les résultats de cette étude appellent à poursuivre les recherches pour clarifier cette association entre cancer de la prostate et vasectomie », ont conclu les auteurs.

Ce sujet a fait l'objet d'une publication dans Medscape.com

 

REFERENCES :

  1. Siddiqui Minhaj M, Wilson K, Epstein M, Massoubre C. Vasectomy and risk of aggressive prostate cancer : a 24-year follow-up study. Journal of Clinical Oncology ; publication en ligne du 7 juillet 2014

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