Paris, France – A l’occasion du congrès de la Société Française d’Ophtalmologie , Medscape France a interrogé le Dr Damien Gatinel, chef du service d’ophtalmologie à la Fondation Rothschild (Paris) [1] sur les techniques chirurgicales et les résultats obtenus en matière de presbytie.

Dr Damien Gatinel
Medscape.fr : Quels sont les différents types d’approche chirurgicale que l’on peut proposer aux presbytes ?
Dr Damien Gatinel : Deux options chirurgicales sont possibles. L’une, la chirurgie réfractive, consiste à intervenir sur la cornée pour en modifier la forme. L’autre passe par une phacoémulsion du cristallin et un remplacement de ce dernier par des lentilles multifocales.
Avec les différentes techniques utilisées et un recul de 10 ans, on sait que 100 % des patients utilisent moins les verres correcteurs et que certains arrivent totalement à s’en passer, notamment les faibles hypermétropes. Et puisque la presbytie évolue sur toute la vie, il est essentiel d’anticiper sur la correction de façon à permettre aux patients de voir le plus longtemps possible sans recourir à une nouvelle intervention.
Aujourd’hui, dans ma pratique, la presbytie représente 20 % des indications chirurgicales.
La phacoémulsification (souvent abrégée par l’acronyme PKE) repose sur la fragmentation in situ avant aspiration extra-capsulaire du cristallin opacifié au travers d’une petite incision limbique ou cornéenne. |
Medscape.fr : A quels patients peut-on proposer une chirurgie réfractive ?
Dr D.G : Ce type de chirurgie est indiqué chez les patients qui ne souffrent pas de cataracte et pour lesquels la correction de la presbytie peut s’articuler avec une correction d’un éventuel trouble de la vision (myopie, hypermétropie ou astigmatisme). Elle est donc indiquée chez des patients de 40 à 45 ans qui recherchent une prise en charge globale de leur vision. Le but est de leur donner une vision qui évite – partiellement ou complétement – la dépendance à la correction par des lunettes pour la vision de loin et de près.
Il convient dans un premier temps de vérifier qu’il n’existe pas de contre-indication à la chirurgie au laser : cornée suffisamment épaisse et régulière, absence de sécheresse oculaire, pas de maladies de l’œil…
Plusieurs sous catégories de chirurgie cornéenne sont possibles : monovision, techniques multifocales, implant cornéen.
Ce type de chirurgie est particulièrement indiqué à une personne de 40 à 55 ans ou en début de presbytie, quand le cristallin est clair. Elles sont limitées par certain facteurs comme l’épaisseur de la cornée : et il est impossible d’obtenir une correction supérieure à -8 ou -9 dioptries pour les myopes. Pour l’astigmatisme, cette technique est compatible avec des formes prononcées (3 à 4 dioptries). Pour l’hypermétropie, le laser ne fonctionne que jusqu’à 5 à 6 dioptries.
Les patients les plus motivés sont ceux qui voyaient auparavant très bien de loin et de près et qui se retrouvent, à l'âge de la presbytie, à devoir utiliser des lunettes dans toutes les circonstances. Il s’agit de petits hypermétropes latents qui utilisaient l’effort que l’on fait habituellement pour lire afin de corriger leur vision de loin. Grâce à une petite mise au point ils pouvaient même présenter des acuités visuelles de plus de 10/10 sans fatigue importante. Vers 40 ans, tout d’un coup, ils n’arrivent plus à faire l’effort d’accommodation pour voir net de loin mais ils ne voient pas non plus de près. Dans ce cas, la presbytie dévoile l’hypermétropie. Ce sont parmi les meilleurs candidats pour la chirurgie cornéenne. La correction choisie prend en compte l’évolution possible de la presbytie avec l’âge, mais il est quand même parfois nécessaire d’effectuer des corrections supplémentaires plus tard.
Medscape.fr : Quel est le principe de la chirurgie réfractaire monovision chez les presbytes ?
Dr D.G : La chirurgie monovision consiste à corriger de façon différente les deux yeux : l’un, le dominant, servira à la vision de loin, alors que l’autre sera corrigé pour la vision de près. Cette technique est particulièrement adaptée aux yeux myopes presbytes. Dans ce cas, on corrige l’œil dominant pour lui donner une bonne vision de loin et on garde une certaine myopie (ex : 1.25 à -2 dioptries) sur l’œil non dominant afin de permettre d’avoir une meilleure qualité visuelle de près.
Il est essentiel de simuler cette situation avant l’intervention – en leur faisant porter une lentille sous-corrigée d’un côté et corrigée de l’autre – afin que les patients se rendent compte du type de vison qu’ils auront par la suite.
Pour certains patients, l’adaptation à cette monovision sera rapide et satisfaisante, pour d’autres, elle sera plus longue et, parfois, à l’issue de la période du port de lentilles, l’intervention est refusée.
Medscape.fr : Quel est le principe des techniques de chirurgie multifocale ?
Dr D.G : Les techniques multifocales (Presbylasik, modification de l’asphéricité de la cornée, Supracor®, etc) sont plutôt indiquées aux hypermétropes presbytes. Chez ces patients on sculpte les cornées avec des traitements laser asphériques afin que la profondeur de champ de chaque œil augmente pour obtenir une vision de loin et de près simultanée à chaque œil. Ce type d’approche peut être combinée en partie avec une chirurgie monovision et, dans ce cas, on laisse un œil un peu plus corrigé pour la vision de loin que l’autre. Mais chaque œil peut voir mieux de loin et de près que si aucune correction chirurgicale n’avait été envisagée.
Là encore des essais de vision par port de lentilles doivent être effectués avant la chirurgie.
Les techniques multifocales sont particulièrement adaptée aux hypermétropes car leur vision de loin et de près est affectée : ils n’ont jamais une bonne distance de vision sans lunettes. Le fait de voir mieux de loin et de près est particulièrement apprécié.
A l’inverse, les myopes sont souvent de moins bons candidats pour la multifocalité car ils trouvent que leur vision de près est moins bonne que celle qu’ils avaient sans lunettes.
Medscape.fr : Qu’en est-il des purs presbytes qui voient bien de loin et moins bien de près ?
Dr D.G : Pour eux la meilleure technique est la monovision c’est à dire leur donner un peu de myopie au niveau d’un œil. Ainsi ils peuvent voir de près sans lunettes mais il est parfois nécessaire de recourir à une correction pour la vision de loin (sur l’œil opéré) lorsqu’elle doit être précise pour les deux yeux, pour conduire par exemple.
Pour proposer cette approche, l’ophtalmologiste doit consacrer un temps assez long aux explications – beaucoup plus long que pour la correction d’une personne plus jeune.
Medscape.fr : On entend aussi parler de la pose d’implants dans la cornée. En quoi consiste cette technique ?
Dr D.G : Ces implants intra cornéens (corneal inlay) peuvent être utilisés sur un seul œil pour donner une meilleure vision de près. Il y a quelques années, une nouvelle génération d’implants a été proposée : elle permet d’améliorer la vision de près sans trop affecter la vision de loin. Tous les patients ne sont pas candidats à cette approche qui est plutôt réservée aux personnes qui veulent gagner de la vision de près sans trop perdre de la vision de loin et conserver une vision binoculaire de bonne qualité. Avec ce type d’implants il est possible de lire de près pendant une durée limitée (article, SMS, prix d’une étiquette, etc.) mais un recours aux verres correcteurs est nécessaire par exemple pour lire un livre de manière prolongée, une nette différence dans la vie quotidienne.
Pour en savoir plus : La presbytie, Béatrice Cochener, Catherine Albou-Ganem, Gilles Renard, SFO 2012, Elsevier Masson, 480 pages, 225 euros. |
Citer cet article: Que peut faire la chirurgie de la presbytie ? - Medscape - 9 juil 2014.
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