Biomarqueurs de la sévérité de l’arthrose : trois microARNs candidats

Aude Lecrubier avec Alice Goodman

Auteurs et déclarations

4 juillet 2014

Paris, France — Dans la quête aux biomarqueurs de l’arthrose, les microARNs, petits éléments régulateurs de l’expression des gènes, sont en bonne place.

En témoigne une nouvelle étude menée par le Dr Christian Beyer et coll.(Université d’Erlangen-Nuremberg, Allemagne) qui montre que la présence dans le sang de 3 microARNs spécifiques pourrait prédire le développement d’une arthrose sévère.

Les résultats ont été présentés lors du congrès annuel de l’EULAR 2014 [1].

« Ces biomarqueurs ont été identifiés dans une vaste cohorte d’individus. Ils devraient nous permettre de faire de la prévention et de limiter l’impact de l’arthrose sur la vie des patients et sur le plan socioéconomique », a commenté le Dr Beyer lors d’un point presse.

« Pour le moment nous n’avons pas de biomarqueur dans l’arthrose donc toute nouvelle piste est intéressante, en particulier les microARNs. Ils feront peut-être partie des biomarqueurs de demain mais, avant cela, comme d’autres, il faudra qu’ils soient validés dans d’autres populations », a toutefois tempéré le Pr Francis Berenbaum (chef de service de rhumatologie, hôpital Saint Antoine, UPMC, Paris) pour Medscape France.

Dans l’air du temps

La littérature sur l’intérêt des microARNs comme biomarqueurs est « en pleine explosion ». Ces molécules suscitent énormément d’intérêt en raison de leur grande stabilité. « Les microARNs peuvent être chauffés, congelés, transportés sans être altérés. Ils ne sont pas encore utilisés en clinique mais ils ont fait l’objet d’études chez des patients souffrants d’infarctus du myocarde et de diabète de type 2 et chez des patients cancéreux, notamment », a précisé le Dr Beyer.

 

Trois microARNs signent la sévérité de l’arthrose

Dans cette étude, les investigateurs ont analysé les microARNs présents dans les échantillons sanguins de 816 patients atteints d’une arthrose débutante de la cohorte de Bruneck entre 1995 et 2010.

Leur objectif était d’analyser s’il existait une corrélation entre la nécessité d’avoir recours à l’implantation d’une prothèse de hanche ou du genou, signe du développement d’une arthrose sévère au cours de ces 15 années de suivi, et la présence de certains microARNs spécifiques.

Au cours du suivi, 67 des 816 patients enrôlés ont reçu au moins une prothèse de hanche ou du genou en raison d’une arthrose sévère (les patients qui ont bénéficié d’une prothèse en raison d’un traumatisme ont été exclus de l’étude).

Et, sur les 400 microARNs détectés par biopuces à ARN et PCR quantitative, les chercheurs ont identifié 3 microARNs associés au développement de l’arthrose sévère : miR-454, miR-885-5p et let-7e.

Le plus prometteur est le microARN let-7e. « Il existe une relation dose-dépendante inverse entre les taux de let-7e et le nombre d’implantations de prothèse du genou et de la hanche», a souligné le Dr Beyer.

Beaucoup de questions en suspens

Ces résultats posent plusieurs questions. Qu’est-ce qui induit cette variation de microARNs ? Est-ce l’articulation malade ? Comment évoluent ces biomarqueurs lorsqu’on traite la maladie ? Impactent-ils l’activité de la maladie ? Pouvons-nous confirmer leur intérêt dans d’autres cohortes ?

Dans l’arthrose, le principal intérêt de ces biomarqueurs serait d’agir précocement sur certains facteurs de risque, et d’instaurer des médicaments ou des thérapies physiques avant que les lésions ne soient irréversibles, selon les auteurs.

 
Le principal intérêt ne concerne pas notre pratique quotidienne mais le développement de nouveaux médicaments dans l’arthrose-- Pr Francis Berenbaum (CHU Saint Antoine, Paris)
 

Pour le Pr Berenbaum, leur utilité est plutôt à chercher du côté du développement de nouveaux médicaments anti-arthrosiques.

« Le principal intérêt ne concerne pas notre pratique quotidienne mais le développement de nouveaux médicaments dans l’arthrose. Avant de lancer de grandes études, les laboratoires ont besoin de marqueurs précoces pour savoir si les molécules qu’ils pourraient tester dans l’arthrose ont des chances d’être efficaces. A titre de comparaison, dans l’ostéoporose, les nouveaux traitements sont arrivés grâce à la densité minérale osseuse (DMO). L’utilisation de la DMO a permis de développer des médicaments sans attendre de savoir s’ils étaient efficaces sur les fractures vertébrales. C’est ce que nous attendons dans l’arthrose », explique le rhumatologue.

« Après, dans la pratique, on peut aussi espérer que l’observance des patients, pour perdre du poids notamment, puisse être améliorée si nous avons à notre disposition des biomarqueurs qui montrent que les efforts sont suivis de résultats », ajoute-t-il.

MicroARNs : Quel rationnel comme biomarqueurs dans l’arthrose ?

Outre, le fait que les microARNs soient très stables, ce qui est un avantage majeur, ces derniers font l’objet d’études dans l’arthrose parce qu’ils jouent un rôle central dans le développement du cartilage et de l’hémostase. En outre, il a été montré que les taux de microARNs étaient altérés dans le cartilage arthrosique.

Le Pr Berenbaum rappelle que cette étude n’a pas été faite pour comprendre le rôle des microARNs dans la physiopathologie de l’arthrose mais, dans celui de mettre en évidence une signature des arthroses à évolution sévère.

D’autres études vont être menées pour tenter de mieux comprendre leur rôle. « Nous allons d’ailleurs commencer à travailler avec l’équipe de Christian Beyer dans le cadre d’un projet européen avec l’EULAR pour essayer de voir quelles protéines sont produites au niveau articulaire » précise le Pr Berenbaum.

Les Drs Beyer et Müller-Ladner n’ont pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. Le Pr Berenbaum a déclaré les liens d'intérêts financiers suivants :

- recherche clinique: Servier, TRB Chemedica

- orateur ou conférencier : Expanscience, Pfizer, Servier

- Projet EULAR sur les microARNs en collaboration avec l’équipe de Christian Beyer et coll.

 

REFERENCE:

1 European League Against Rheumatism (EULAR) Congress 2014. C. Beyer, A. Zampetaki, N.-Y. Lin, et coll. Résumé : Signature of circulating microRNAs in osteoarthritis. Abstract OP0003. Présenté le 11 juin 2014.

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