Nice, France – Chaque année en France, environ 2000 extractions de sondes défectueuses sont réalisées, chez des porteurs d’un stimulateur ou d’un défibrillateur implantable (DAI ou ICD). Les motifs sont divers, mais généralement sévères, allant de l’infection à des dysfonctionnements de sonde pouvant conduire à l’inefficacité du dispositif, ou au contraire à des chocs inappropriés. Les complications sont rares. Mais lorsqu’elles surviennent, elles sont fréquemment fatales. L’expérience de l’équipe, et la possibilité d’une conversion rapide en chirurgie à cœur ouvert sont donc des conditions sine qua non de l’extraction. A l’occasion du congrès Cardiostim , le Dr Pascal Defaye (CHU Grenoble) a rappelé ces principes, énoncés en 2012 dans un consensus de l’ European Heart Rhythm Association [1,2].

Dr Pascal Defaye
Ce rappel n’est pas inutile. Aujourd’hui, « le paysage n’est pas tout à fait idéal », a indiqué le Dr Defaye dans un entretien avec Medscape France. Ceci alors que « le nombre d’extraction va augmenter, puisque les patients implantés sont de plus en plus nombreux, et présentent de plus en plus de comorbidités, en particulier les patients resynchronisés ».
Pour les PM, la situation risque de perdurer jusqu’à l’arrivée des PM sans sonde – « un énorme avantage », pour le Dr Defaye. Et c’est une situation qui perdurera plus longtemps encore pour les ICD.
Lors de son intervention, le Dr Defaye a projeté la photo d’un panneau de signalisation en haute montagne, marquant la limite au -delà de laquelle la descente devra s’effectuer en rappel. Le texte accompagnant le pictogramme mentionne « des itinéraires complexes et dangereux, nécessitant expérience et matériel ». En effet, « une fois engagé, il est très difficile de faire demi-tour ». Par conséquent, « informez-vous avant ». Tout est dit. |
Le Dr Defaye a insisté sur trois points : l’expérience du centre, le back-up chirurgical, et la notion d’équipe.
Des complications allant jusqu’au décès du patients sont possibles, sans être une fatalité. Pour fixer les idées, des résultats publiés cette année (sur 5521 extractions à la Cleveland Clinic, de1996 à 2011), chiffrent la mortalité à 30 jours à 2,2% [3].
Face à cela, une série de l’Université de l’Alberta, portant sur 118 extractions au laser, compte 5 perforations (3,6%), mais aucun décès ni séquelle neurologique : le temps moyen d’instauration d’un bypass cardiopulmonaire n’était que de 6+3,6 minutes [4].
« Toutes les études montrent que le taux de complication chute avec l’expérience » souligne le Dr Defaye. « Mais encore faut-il accepter de référer les patients à des centres à gros volume ».
Personnel et matériel doivent être très rapidement disponibles. L’EHRA souligne par exemple qu’une échocardiographie trans-oesophagienne doit pouvoir être réalisée en urgence, à la recherche d’une tamponnade.
S’agissant du personnel, « un chirurgien cardiothoracique connaissant les complications de l’extraction, doit être disponible dans les 5 à 10 minutes », ajoute le Dr Defaye. « Un délai plus long augmente la mortalité ».
A cela s’ajoutent les moyens de l’anesthésie.
L’extraction d’électrode suppose « une équipe, où chacun connait son rôle », résume le Dr Defaye.
Un score de risque
Il est d’autant plus important de référer un patient à un centre expérimenté qu’il s’agit d’un patient à risque.
L’EHRA liste les facteurs associés à un risque procédural plus important : IMC < 25 kg/m2, comorbidités (âge, fonction VG, insuffisance rénale, coagulopathie, végétations importantes), veines sténosées ou occluses, cardiopathie congénitale, nombre et forme (non isodiamétriques) des électrodes, mécanisme de fixation passif des électrodes, électrodes endommagées, temps d’implantation des électrodes ayant dépassé une heure.
Il existe par ailleurs un score de risque, CLEAR (Canadian Lead Extraction Risk Score), basé sur seulement 6 critères : sexe féminin, IMC < 26 kg/m2, l’expérience de l’opérateur, la durée de l’implantation (plus ou moins de 8 ans), un antécédent de chirurgie à cœur ouvert (qui réduit le risque), la présence d’une électrode à haut voltage dans la veine cave supérieure.
Le Dr Defaye note d’ailleurs que le risque doit être discuté non seulement au sein de l’équipe, mais aussi avec le patient et sa famille, et les alternatives envisagées, pour obtenir un consentement éclairé.
Dans 30% des cas, on ne réimplante pas
Enfin, après extraction, il reste à prendre la décision de réimplanter ou non. « Il existe toute une stratégie, dépendant notamment de l’existence de végétations intracardiaques, de la présence d’une infection, et de l’indication initiale de l’implantation », explique le Dr Defaye. « La présence d’un bloc auriculo-ventriculaire (BAV), par exemple, va naturellement inciter à réimplanter rapidement ».
En pratique, tout est décidé au cas par cas. « Mais il reste environ 30% de patients qu’on ne réimplante pas », note le Dr Defaye. « Sur le plan psychologique, beaucoup de patients vivent d’ailleurs mal cette situation ».
Le Dr Defaye déclare des liens d’intérêt avec Spectranetics, Boston Scientific, Medtronic, Sorin et St Jude Medical. |
REFERENCES:
1 Defaye P. The team approach : needs for extraction and in case of an emergency. Session : lead extraction in practice. Congrès Cardiostim. Nice, 19 juin 2014.
2 Pathways for training and accreditation for tranvenous lead extraction : a European Heart Rhythm Association position paper. Europace 2012 ; 14 : 124-34.
3 Brunner MP, Cronin EM, Duarte VE et coll. Clinical predictors of adverse patient outcome in an experience of more than 5000 chronic endovascular pacemaker and defibrillator lead extraction. Heart Rhythm 2014 ; 11 : 799-805.
4 Wang W, Wang X, Modry D et coll. Cardiopulmonary Bypass Standby Avoids Fatality due to Vascular Laceration in Laser-Assisted Lead Extraction. J Card Surg 2014 ; 29 : 274-278.
Dysfonctionnements et alertes sur les sondes de DAI: que faire ?
Fidelis, Riata, Quicksite et Quickflex : les alertes se multiplient sur les sondes
Résultats du registre de la Canadian Heart Rythm Society sur les sondes de DAI
La France fait beaucoup plus d'extractions d'électrodes que les autres pays européens
Quand et comment faire une extraction de sonde de stimulation ?
Défibrillateurs implantable : l'information des patients est à revoir
Citer cet article: Extraction de sonde de PM/DAI : pas de place pour l’improvisation - Medscape - 4 juil 2014.
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