Nice, France – Selon les résultats présentés par le Dr Arnaud Lazarus (Saint-Cloud) lors du congrès Cardiostim, la télésurveillance des porteurs de pacemakers et défibrillateurs réduit considérablement la mortalité [1]. L’explication la plus vraisemblable est que l’on évite de perdre les patients de vue, et que l’on augmente la réactivité de la prise en charge.
Dans ces conditions, on peut s’étonner de la réactivité en revanche très moyenne des autorités de santé. D’autant que l’enjeu dépasse la télécardiologie. Chacun sait que, parallèlement à divers dispositifs, notamment l’hospitalisation à domicile, la télétransmission de données enregistrées au domicile du patient sera demain très utile dans un certain nombre de maladies chroniques, pour palier la désertification médicale et désengorger les centres de soins. Alors pourquoi ne pas roder cette nécessité de demain avec ce qui existe aujourd’hui ? Medscape France a demandé au Dr Lazarus de faire le point sur la télésurveillance des pacemakers et défibrillateurs.

Dr Arnaud Lazarus
Medscape France – Vous venez de présenter à Cardiostim des résultats montrant un bénéfice impressionnant de la télésurveillance des pacemakers et défibrillateurs implantables sur la survie des patients. Ces résultats sont-ils crédibles ?
Dr Arnaud Lazarus – Les données dont nous disposons montrent une réduction de la mortalité comprise entre un tiers et deux tiers, avec une moyenne à 50%. Il est vrai que l’amplitude est surprenante. Mais précisément, l’écart avec le suivi traditionnel, au cabinet, est suffisamment ample pour exclure le hasard.
Certaines cohortes comportent plus de 200 000 patients. Les résultats sont concordants. En outre, on dispose d’une explication logique à ce bénéfice de survie : d’une part, on perd moins de vue les patients ; d’autre part, les évènements détectés sont potentiellement fatals.
Reste la question d’une grande étude randomisée, qui constitue le gold standard. Mais depuis quelques années, ce standard est challengé par les grandes études menées dans la vraie vie. Il est vrai que les études prospectives randomisées éliminent les biais, mais elles portent sur des populations sélectionnées, très différentes des populations réellement implantées, et ceci constitue un autre biais.
Quelle est la situation de la télésurveillance en France ?
En premier lieu, il faut souligner que la télétransmission est une idée nouvelle en France, contrairement aux Etats-Unis, où les patients sont invités depuis longtemps déjà à transmettre des données à un centre de surveillance. Initialement, il s’agissait d’ECG un peu rudimentaires, et il a fallu adapter le système aux données beaucoup plus sophistiquées. Mais il existe aux Etats-Unis une routine à laquelle nous ne sommes pas habitués en France.
Combien de patients ? Environ 65 000 pacemakers sont implantés chaque année en France, et 15 à 20 000 défibrillateurs. Le nombre de patients suivis en télécardiologie est par ailleurs de l’ordre de 30000, principalement des porteurs de défibrillateurs. |
En pratique, l’Assurance maladie a déclaré en 2012 qu’elle prendrait en charge la télétransmission pour les défibrillateurs en 2013. En fait, les discussions se sont poursuivies en pointillés mais n’ont pas encore abouti. Par ailleurs, la question des pacemakers est laissée en suspens, même si les données montrent un bénéfice de la télésurveillance équivalent à celui observé pour les défibrillateurs.
Pourtant, en juillet 2013, la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux (CNEDIM) avait rendu un avis favorable à la prise en charge de la télésurveillance des stimulateurs et des défibrillateurs. Mais c’est au niveau de l’Assurance maladie que les choses coincent.
De leur côté, les professionnels ont rédigé une charte de télécardiologie, et déposé une demande de création d’acte auprès de la HAS. Ils se sont par ailleurs engagés dans une réflexion économique concernant le public comme le privé, les grosses structures comme les petites. Il faut en effet être conscient que le coût de la télésurveillance peut encore passer dans les grosses structures, mais que dans une petite structure, les déséquilibres deviennent beaucoup plus rapidement visibles.
Quelles sont les données économiques du problème ?
Les industriels sont payés par l’Assurance maladie pour la mise à disposition de la technologie. S’agissant des médecins, en revanche, on est dans le bénévolat total. Cette situation peut durer un temps, mais la file active augmente : nous avons besoin d’un financement plus durable.
L’idée est d’aller vers un acte forfaitaire. Initialement, pour une surveillance 5 jours/7, aux heures ouvrables, une somme de 230-250 euros par patient et par an, selon le type d’appareil, avait été demandée – elle correspond aujourd’hui à 250-270 euros. Or, l’étude ECOST a montré qu’une fois payé l’industriel, la télésurveillance représente une économie de 315 euros par rapport au suivi traditionnel. A quoi s’ajoute bien sûr le bénéfice en termes d’hospitalisations et de mortalité, ainsi qu’une réduction du reste à charge pour les patients, lesquels se déplacent moins et uniquement lorsque nécessaire. En somme, avec un système innovant, il y a moyen de faire mieux sans dépenser plus.
Aujourd’hui, le poids des preuves est important. Malheureusement, les choses n’avancent pas au rythme que l’on pourrait souhaiter.
Le Dr Arnaud Lazarus déclare des liens d’intérêt avec tous les fabricants de stimulateurs et défibrillateurs implantables. |
REFERENCE
Lazarus A. May remote monitoring impact on survival ? Session Impact of remote monitoring of cardiac implantable electronic devices on disease management. Congrès Cardiostim. Nice, 18 juin 2014.
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Citer cet article: Télésurveillance en rythmologie : « on est encore dans un bénévolat total » - Medscape - 30 juin 2014.
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