Télésurveillance des PM /DAI : les preuves de l’impact sur la survie s’accumulent

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

26 juin 2014

Nice, France – La télésurveillance des pacemakers (PM) et autres défibrillateurs implantables (DAI ou ICD) réduit la mortalité dans des proportions allant de 30 à 60%, selon les chiffres présentés par le Dr Arnaud Lazarus (Saint-Cloud) lors du congrès Cardiostim [1]. Outre l’amplitude du bénéfice, c’est l’homogénéité des résultats qui frappe : le bénéfice de survie est retrouvé quel que soit le dispositif, PM ou ICD, quel que soit le fabricant, et quel que soit le contexte, resynchronisation (CRT-D) ou non.

On objectera bien sûr que ces chiffres proviennent fréquemment de registres, ouverts par des fabricants. Il n’en reste pas moins que les effectifs sont extrêmement importants, puisque la télésurveillance, par nature, se prête particulièrement bien à la collecte et l’analyse de données, et que les résultats des quelques études randomisées qui ont été menées malgré tout, convergent parfaitement avec les données de registre.

Des effectifs de l’ordre de 200 000 patients

Premiers résultats présentés : le registre ALTITUDE . L’effectif est de 185 778 patients implantés avec un DAI ou une CRT-D (resynchronisation avec DAI). Parmi eux, 116 222 sont suivis au cabinet, et les autres faisant l’objet d’une télésurveillance, avec collecte hebdomadaire des données. Après ajustement du côté des médecins, qui ont choisi tel ou tel mode de suivi pour leurs patients, et ajustements des variables socio-économiques des patients, le risque relatif de décès à 5 ans est de 0,56 pour les porteurs de DAI, et de 0,45 pour les porteurs de DAI resynchronisés télésuivis par rapport aux sujets suivis au cabinet (p<0,0001 dans les deux cas).

Il s’agissait de matériel Boston Scientific, mais des chiffres rétrospectifs de St Jude, présentés au congrès de la Heart Rythm Society (HRS) vont dans le même sens [3].

Il s’agit cette fois de 262 564 patients implantés entre 2008 et 2011 (43% de PM, 32% de DAI, 23% de resynchronisation avec DAI, 3% de resynchronisation sans DAI (CRT-P)). La survie a été évaluée prospectivement en fonction du recours hebdomadaire à la télétransmission.

Un recours élevé à la télétransmission, c’est-à-dire une transmission hebdomadaire au moins 3 semaines sur 4, observée chez 25% des patients, est associé à une probabilité de survie à 5 ans (ou 4 ans pour les CRT-D et CRT-P) de 2,4 par rapport à l’absence de télétransmission (p<0,001).

Par ailleurs, il semble exister une relation dose-effet, puisqu’une télétransmission effective les ¾ du temps, est associée à une meilleure survie qu’une télétransmission moins fréquente (RR=1,53 ; p<0,001), elle-même associée à une meilleure survie que pas de télétransmission du tout (RR=1,56 ; p<0,001).

Enfin, cette relation dose-effet est retrouvée dans les 4 catégories (PM, DAI, resynchronisation avec ou sans DAI), avec des écarts tous significatifs (excepté pour les patients, peu nombreux, resynchronisés sans DAI).

Des résultats d’études prospectives et parfois randomisées

Il existe aussi des résultats d’études prospectives, comme l’étude italienne EFFECT, également présentée au congrès HRS 2014 [4].

Les effectifs sont évidemment plus restreints : 974 patients implantés entre 2011 et 2013 (DAI ou DAI resynchro) dans 25 centres italiens, et suivis au moins 12 mois.

Parmi les patients resynchronisés, l’incidence du critère combinant décès et hospitalisation pour raison CV, est de 44% chez les patients suivis au cabinet, contre 17% parmi les patients télésuivis (p<0,001).

Pour les patients simplement implantés avec un DAI, les chiffres sont respectivement de 50% vs 24% (p<0,001).

Autre étude, randomisée, elle : IN-TIME , menée dans l’insuffisance cardiaque avec du matériel Biotronik [5].

Au total, 664 patients ont été randomisés. Ils étaient en classe NYHA II ou III, présentaient une FEVG < 35% et une indication pour un diurétique (93% étaient sous diurétique, 91% sous bêta-bloquant, et 89% sous IEC/ARA II).

Selon les résultats présentés en 2013 au congrès de l’European Society of Cardiology (et non publiés à ce jour), après un an de suivi, le RR de mortalité associé à la télésurveillance était de 0,356 (p=0,004), et le RR de mortalité CV, de 0,367 (p=0,012).

Le Dr Lazarus a souligné un aspect méthodologique important de l’étude IN-TIME. Si les patients ont été recrutés dans 36 centres, les alertes de la télésurveillance étaient centralisées par un centre unique, situé à Leipzig, lequel centre recontactait ensuite les équipes pour savoir quelles réponses avaient été apportées. En d’autres termes, le suivi portait non seulement sur les patients, mais aussi sur les médecins. L’hypothèse est évidemment que les résultats particulièrement bons de la télésurveillance dans IN-TIME, sont liés à ce double contrôle.

Enfin, les essais randomisés de la resynchronisation sont suffisamment nombreux pour qu’il en ait été fait une méta-analyse [6].

Treize études, totalisant 3337 patients, ont été identifiées. La mortalité associée à la télésurveillance ressort à 0,76 IC95% [0,62-0,93].

Les modalités de la télésurveillance et les délais de réaction après une alerte étant variables d’une étude à l’autre, la méta-analyse montre également que plus les rapports sont émis fréquemment, et davantage encore, plus la réaction est rapide en cas d’alerte, plus le bénéfice de survie de la télésurveillance est important.

L’homogénéité des résultats

Dans sa conclusion, le Dr Lazarus a relevé les limitations potentielles d’un certain nombre d’études, notamment l’absence de randomisation des registres, des données incomplètes sur les profils cliniques et les comorbidités des patients, les biais lié au médecin ou au patient en faveur de la télésurveillance, etc…

Reste la convergence des données.

« Les analyses rétrospectives sur des cohortes importantes dans la vraie vie, et les études prospectives récentes sont concordantes, quel que soit le fabricant, et montrent une importante réduction de la mortalité totale chez les patients télésuivis ».

Le Dr Arnaud Lazarus déclare des liens d’intérêt avec tous les fabricants de PM et de défibrillateurs.

 

REFERENCE:

1. Lazarus A. May remote monitoring impact on survival ? Session Impact of remote monitoring of cardiac implantable electronic devices on disease management. Congrès Cardiostim. Nice, 18 juin 2014.

2. Saxon LA, Hayes DL, Gilliam FR et coll. Long-term outcome after ICD and CRT implantation and influence of remote device follow-up: the ALTITUDE survival study . Circulation. 2010 Dec 7;122(23):2359-67

3. Suneet Mittal et coll. Late-Braking Clinical Trial 1. Congrès HRS 2014.

4. De Simone et coll. HRS 2014. Poster.

5. Hindricks G. In-Time study : wireless monitoring of implanted heart devices improves patient outcomes. ESC2013. 1er septembre 2013.

6. Nakamura N, Koga T, Iseki H. A meta-analysis of remote patient monitoring for chronic heart failure patients. Journal of Telemedecine and Telecare 2014 ; 20(1) : 11-17.

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