Dosage du PSA : « une situation de dépistage de masse qui est tout sauf organisé »

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

24 juin 2014

Lyon, France – Alors qu’il n’y a pas officiellement, en France, d’indication pour un dosage systématique de l’antigène spécifique de prostate (PSA), environ 75% des hommes âgés de 60 ans ont eu un dosage du PSA dans les 3 années précédentes. Le Pr Paul Perrin (ancien chef de service d’urologie, Hospices Civils de Lyon) analyse pour Medscape.fr l’impact de la surprescription du dosage du PSA sur le devenir des hommes. Un véritable plaidoyer contre le dépistage de masse.

Pr Paul Perrin

Medscape.fr : Où en est-on en France du dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA ?

Pr Paul Perrin : L'analyse des données de l'assurance-maladie laisse penser que nous sommes déjà dans un programme de dépistage de masse non-dit et non justifié, avec tous les risques que cela représente pour la population. En 2010, la moyenne de prescription annuelle de dosage de PSA chez les hommes de plus de 40 ans est de 30,7 % en France. Un véritable dépistage à l’échelle de la population mais qui est tout sauf organisé.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a émis deux recommandations négatives sur le dépistage en 2010 et 2012 fondées sur une analyse minutieuse de la balance bénéfice/risque de cette pratique à l’échelle d’une population. Et le solde global est négatif.

Le problème reste que dans la population et pour certains médecins, cette notion n’est pas encore acceptée.

Medscape.fr : Comment peut-on déconseiller un examen qui pourrait sauver des vies ?

Pr Perrin : Deux études randomisées – PLCO et ERSPC – ont comparé les résultats en termes de survie d'une population soumise à un dépistage intensif sur une période de 4 à 6 ans (associé à une période de suivi 9 ans en moyenne) à ceux d'une population suivie selon les pratiques courantes. Aucun de ces deux essais ne conclut à une amélioration de la survie globale et seul l’ERSPC rapporte une diminution de 1 pour 1000 de la mortalité liée au cancer de la prostate.

En raison de particularités liées au dosage du PSA lui-même – qui est spécifique du tissu prostatique et non du cancer de la prostate – et à ce type de cancer – dont certains évoluent lentement et d’autres rapidement – la généralisation des tests de PSA conduit à un surdiagnostic, un surtraitement, une surmorbidité et à une surmortalité. À l'échelle de la population, chaque année de vie gagnée grâce au dépistage a son « prix » en années de vie perdues, du fait du diagnostic ou du traitement.

Ainsi, même en se fondant sur l'hypothèse favorable d'ERSPC (dépistage organisé qui ferait baisser de 20 % la mortalité), il faudrait dépister 1 410 hommes et en traiter 48 pour éviter un décès.

Et en prenant en compte une hypothèse un peu moins favorable et plus réaliste, pour 1 000 hommes dépistés, un sera guéri grâce à ce dépistage mais pour les 999 autres le bilan est lourd. Outre la pléthore d’actes qui seront réalisés, 18 hommes subiront une prostatectomie, 10 une radiothérapie, 7 une hormonothérapie. Il en résultera 14 cas d’impuissance et 3 d’incontinence, un tribut très pesant pour un taux de guérison limité.

Medscape.fr : Qu’en est-il du dépistage individuel ?

Pr Perrin : Le dépistage individuel est décidé à la fois par le patient et le médecin. Sa mise en place repose sur la conviction que la détection précoce apporte un bénéfice : diminution de la morbidité ou allongement de la survie. Il s'agit d'une décision médicale qui implique un médecin et son patient dans le respect des données scientifiques.

A l’inverse, le dépistage de masse est décidé à l'échelle d'une population ciblée par un facteur de risque. Il est pris en charge par une instance supérieure (État, collectivité ou entreprise) et ne peut être mis en place sans avoir fait la preuve de son bénéfice pour la population ciblée, c'est-à-dire de diminution de la mortalité dans la population.

La frontière entre dépistage de masse et détection précoce peut être floue et ce d’autant plus que les outils utilisés – PSA et toucher rectal – sont les mêmes dans les deux cas.

 
Prescrire un PSA est une solution rapide et facile mais qui ne s’inscrit pas dans une politique de santé publique.
 

Il revient aux professionnels de santé d'éviter la confusion entre dépistage de masse (qui relève de la santé publique) et détection précoce (qui relève de la médecine de soins) par une bonne communication auprès de leurs patients en expliquant avantages et inconvénients de la recherche d'un cancer de la prostate.

Mais dans un contexte de surcharge de travail, la communication devient très difficile tant pour le médecin que pour le patient. Prescrire un PSA est une solution rapide et facile mais qui ne s’inscrit pas dans une politique de santé publique. Pourtant, il est possible de choisir de ne pas réaliser cet examen de façon systématique.

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