Le VIH continue de progresser dans une population mal identifiée

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

24 juin 2014

Paris, France – Parmi les populations à risque de contamination par le VIH, certaines sont bien identifiées et ciblées en termes de prévention. D’autres, au contraire, sont dites « invisibles » et beaucoup plus difficiles à rencontrer. C’est le rôle que s’est fixée l’association HF Prévention qui a répertorié les lieux de rencontres de consommation sexuelle (y compris les plus improbables) que fréquente ce public pour y mener des actions de prévention. C’est la seule à ce jour à y proposer des tests rapides de dépistage (TROD) à ces populations « masquées ». Les résultats – alarmants- montrent la nécessité et la pertinence de leur démarche.

Principalement des hommes ayant des relations avec des hommes

Au sein des populations à risque de contamination par le VIH, il existe un public « invisible ». C’est-à- dire une catégorie hétéroclite de « personnes qui ne sont pas touchées par les réseaux habituels de prévention et de dépistage, et ne s’identifient pas aux campagnes de sensibilisation existantes » a expliqué Sandrine Fournier, responsable des programmes Prévention gay (Sidaction). Ce sont surtout des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), à savoir, dans 80% des cas des hétérosexuels, souvent mariés, pères de famille et en couple. « C’est le seul groupe où le nombre de contaminations continue à progresser (+14% entre 2011 et 2012), déclare Sandrine Fournier, alors qu’il est resté stable chez les hétérosexuels et les utilisateurs de drogues injectables ».

Ce public comprend aussi des personnes en situation de prostitution, assumée ou non (travailleurs du sexe, mais aussi mères au foyer, étudiants en situation précaire), s’y ajoutent les transsexuels, les échangistes et les hétérosexuels multipartenaires. Peu soucieux de prévention, car non conscients du risque – selon l’idée reçue que seuls les homosexuels sont concernés et qu’ils ne se considèrent pas comme tels –, ces publics « invisibles » sont d’autant plus difficiles à repérer qu’ils ne fréquentent pas les lieux de rencontre et de consommation sexuelle identifiées (discothèques, sex-shops, saunas…) mais des lieux dits « de rencontres extérieurs (LRE) » comme les parkings, parcs, forêts, aires d’autoroute et des milieux « ouverts ciblés » tels que les universités, les toilettes et les parkings des centres commerciaux, les cœurs de cité…

Profilage des personnes cibles

En pratique, l’association se rend dans les lieux ouverts qu’elle a préalablement identifiés et répertoriés pour proposer, de façon visible, une opération de dépistage du VIH-Sida. Officieusement, les informations obtenues par le réseau, l’emplacement judicieusement choisi et la connaissance de codes permettent à l’association de « profiler » le public concerné. A titre d’exemple, une opération menée dans un centre commercial des Yvelines (connu de l’association et des responsables de l’établissement pour être un lieu de consommation sexuelle) a permis à une vingtaine de bénévoles, situés près des toilettes et du parking, de proposer des tests de dépistage rapides sous forme de TROD.

« Si le test, réalisé en prélevant une goutte de sang au bout du doigt, est rapide – l’opération s’intitule d’ailleurs « 1 minute pour savoir »-, le contact donne néanmoins lieu à un échange plus long, d’une trentaine de minutes avant le test, précise Jérôme André, président de HF Prévention. Même si ce n’est pas facile quand le grand public est autour, la discrétion est de mise. »

Résultat de l’opération : 13 cas de séropositivité sur 750 tests réalisés (en 4 jours de dépistage). Un chiffre d’emblée plus élevé que les taux de découverte de 2013 pour les milieux ouverts ciblés, s’inquiète le responsable de l’association. Tous lieux confondus, sur les 2469 TROD réalisés en 2013, le taux de découverte de nouveaux séropositifs a été de 2,27% : 18,18% en zone de prostitution, 5,16% sur les lieux de rencontres extérieurs et 1,25% en milieux ouverts ciblés. La démarche de l’association est donc justifiée.

« Cela fonctionne, c’est le type de démarche qu’il faut adopter et il ne faut pas en avoir peur » confirme le Pr Jean-Daniel Lelièvre, clinicien et chercheur au CHU Henri Mondor (Créteil). Le problème est qu’il n’y a pas assez d’association, regrette Jérôme André, persuadé que les personnes qui ignorent leur séropositivité se trouvent dans ces lieux improvisés de consommation sexuelle.

 

Médecin généraliste : le mieux placé pour repérer les populations cachées

Outre les actions ciblées d’associations comme HF Prévention, le médecin généraliste est, pour le Pr Lelièvre, le mieux placé pour repérer ces populations cachées.

« Si la prévalence de l’infection est plus importante chez les homosexuels, le délai de diagnostic est aussi beaucoup plus court, ce qui permet une bonne espérance et qualité de vie. Les populations cachées, elles, arrivent beaucoup plus tard au diagnostic et c’est pourquoi il faut les repérer. Pour moi, c’est le médecin généraliste qui est le mieux placé. Il est le référent du patient plus que tout autre médecin. C’est pour ça qu’il faut que le médecin généraliste s’habitue à interroger son patient sur sa sexualité, car cela fait partie de la santé, au même titre que la consommation d’alcool ou du tabac. Il doit aussi pouvoir proposer un test de dépistage en médecine générale. On sait que réaliser un test de dépistage une fois dans la vie est coût-effectif en population générale (à l’exception des femmes hétérosexuelles d’origine française, qui par ailleurs, bénéficient souvent d’un dépistage au cours de leur grossesse), à renouveler en fonction des prises de risque.

Il faut aussi tester systématiquement pour le VIH (et VHB, VHC) tout patient porteur d’une IST, a fortiori s’il s’agit de la syphilis. Les jeunes médecins y pensent systématiquement, les médecins plus âgés pas toujours. Tout nouveau patient, notamment après 45 ans, ou pas vu depuis longtemps, peut se voir lui aussi proposer un test de dépistage.»

Amener les personnes infectées vers le soin

Le travail de l’association ne s’arrête bien sûr pas au dépistage. En cas de séropositivité confirmée, les personnes sont orientées, non pas vers un Centre de Dépistage Anonyme et Gratuit (CDAG) qui constituerait une étape de plus dans la prise en charge médicale, mais directement vers les services de maladies infectieuses. Car dépister ne suffit pas, « il faut amener les gens vers le soin, insiste le Pr Lelièvre. Aujourd’hui, seul 52 % des personnes infectées ont une charge virale inférieure à 50 copies/ml. Grâce au diagnostic précoce et aux nouvelles options thérapeutiques, on sait prendre en charge mais on souhaiterait le faire plus et mieux, tant le bénéfice individuel et collectif est important. On voit encore débarquer dans nos services des patients dans un état catastrophique alors qu’ils ont été dépistés dix ans auparavant pour le VIH ou cinq ans avant pour la syphilis (sans qu’un test du VIH ne leur ait été proposé).»

TUP : l’appli Smartphone pour trouver un préservatif

Besoin d’un préservatif ? Il y a une appli pour ça et elle s’appelle TUP. Cette application gratuite, lancée par l’association HF, en partenariat avec le laboratoire MSD France, permet de géolocaliser le point de vente de préservatifs le plus proche de sa position, qu’il s’agisse d’une pharmacie, d’un tabac/presse, d’une grande/moyenne surface ou d’un distributeur mis à disposition gratuitement, ou encore dans les plannings familiaux.

Elle propose également différentes fonctionnalités : - comme des conseils sur l’utilisation du préservatif : Que faire en cas de rupture ? Où ranger vos préservatifs ? Qui ne peut pas les utiliser ?

 

HF Prévention bénéficie de soutien du Ministère de la Santé, de l’ARS Ile-de-France, du Sidaction et d’une dotation financière du laboratoire Gilead. Elle est aussi partenaire de l’association Actif santé.

 

REFERENCE :

1. HF Prévention. VIH et publics invisibles : un constat alarmant. Conférence de presse du 17 juin 2014.

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