Nouveaux tests génétiques dans le cancer de la prostate : l’avenir ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

20 juin 2014

Orlando, Floride-- Dans un entretien vidéo publié sur medscape.com , le Dr. Gerald Chodak (Directeur du Midwest Prostate and Urology Health Center, Michiana Shores, Etats-Unis) revient sur l’un des thèmes phares du congrès annuel de l’ American Urological Association (AUA) : l’essor de tests génétiques pour dépister les cancers de la prostate, et en particulier les formes agressives.

Les tests génétiques actuellement en développement ou déjà commercialisés ont pour objectif d’améliorer le dépistage des cancers de la prostate et de réduire le nombre de biopsies inutiles souvent associées au dosage du PSA. Ils permettent aussi de prévoir l’agressivité du cancer et d’aiguiller vers un traitement invasif ou conservateur.

Une première catégorie de tests, réalisés à partir de prises de sang ou d’échantillons d’urines, s’appuient sur des biomarqueurs, notamment ARN et ADN. Ces gènes spécifiques, dont les deux principaux sont actuellement le Prostate CAncer gene 3/PCA3 et le gène de fusion TMPRSS2:ERG, sont surexprimés en cas de cancer de la prostate. Ils permettent d’évaluer le risque de cancer et peuvent donner des indications sur son pronostic.

Les autres, notamment les tests Prolaris (Myriad Genetics), Decipher (GenomeDx), Oncotype DX (Genomic Health), 4Kscore test (OPKO Diagnostics) sont réalisés à partir des biopsies pour évaluer la gravité du cancer. Ils mesurent le niveau d'activité d’une sélection de gènes impliqués dans des processus liés à l’agressivité de la tumeur (contrôle de la division cellulaire…).

En France, le test urinaire PCA3 est disponible depuis 2010 auprès des laboratoires Biomnis et Pasteur mais son coût de 300 euros et l’absence de remboursement est une limite à son utilisation. Les tests Prolaris, Decipher et Oncotype DX sont désormais autorisés par la Food and Drug Administration (FDA) et commercialisés aux Etats-Unis. Ils coûtent entre 2500 et 3000 euros.

Dr Gerald Chodak

Medscape : Quelle est le rationnel pour développer de tels tests ?

Dr Gerald Chodak : L’une des principales inquiétudes concernant le dépistage du cancer de la prostate est que de nombreux patients subissent des biopsies qui se révèlent négatives alors que d’autres biopsies révèlent la présence d’un cancer de la prostate à faible risque mais pour lequel l’individu sera tout de même traité [avec de potentiels effets délétères].

Une des façons de sortir de ce paradigme est de pouvoir dire aux hommes : « Vous n’avez pas besoin d’une biopsie parce que la probabilité que vous ayez un cancer est très faible » et pour ceux diagnostiqués avec un cancer de la prostate « Votre risque est très faible et nous pouvons vous assurer qu’une surveillance active est la marche à suivre la plus raisonnable et la plus sure. »

Quels sont les progrès accomplis dans ce domaine ?

Je suis allé sur plusieurs stands (du congrès), j’ai assisté à de nombreuses présentations et je pense que des progrès ont clairement été accomplis dans ce domaine. Ce n’est pas idéal mais, plusieurs travaux [1,2] montrent comment utiliser ces tests et la proportion d’hommes qui pourraient éviter une biopsie ou un traitement sans risquer d’avoir trop de faux-négatifs.

Il est sûr que certains à qui l’on aura dit que leur risque de développer un cancer grave est faible auront, en fait, un cancer agressif. Mais, en contrepartie, les tests permettront aussi de dire à d'autres que leur risque d’avoir un cancer ou d’avoir un cancer agressif pourrait être plus élevé que ce qui avait été estimé en premier lieu.

A l’heure actuelle, la manière dont les données sont présentées rendent délicate l’évaluation des résultats. Si nous prenons 100 hommes et que nous les testons (ou pas), combien tirent bénéfice [des tests génétiques] ? La plupart des données présentées indique uniquement la proportion d’hommes qui changent d’avis sur la nécessité de pratiquer une biopsie ou de se traiter, [suite au résultat du test].

Pour aller plus loin, nous avons besoin de données en conditions réelles, avec des résultats sur le long terme et permettant de savoir ce que nous obtenons exactement comme résultat.

La route est-elle encore longue ?

[…] Nous devrons, d’une façon ou d’une autre, déterminer si les coûts en valent la peine. Ainsi, peut-être les tests seront-ils remboursés, ce qui permettra aux hommes d’en bénéficier.

Mais, nous devons veiller à ce qu’il ne s’agisse pas, une nouvelle fois, de tests très coûteux et qui n’apportent de réelle différence sur le plan de la prise de décision. Au final, je pense que nous allons dans la bonne direction, que les tumeurs dangereuses expriment des gènes qui peuvent être identifiés et quantifiés, de façon à ce que nous puissions dire aux patients s’ils doivent se faire traiter ou non ou s’il faut opter pour une thérapie conservatrice.

Aux Etats-Unis, peu d'hommes acceptent la surveillance active lorsqu'ils y sont éligibles. Ces tests supplémentaires pourraient nous aider à les convaincre d’accepter une approche conservatrice.

Je suis encouragé par ce que je vois. Je pense que nous avons besoin de plus de données pour mieux comprendre le bénéfice net global et l’intérêt clinique, mais il s’agit d’une voie intéressante et, au final, je crois qu’elle aidera beaucoup d’hommes à obtenir ce dont ils ont vraiment besoin en termes de biopsie et de traitement.

Ce sujet a fait l'objet d'une publication dans Medscape.com

Gerald Chodak a déclaré les liens d’intérêts suivants:

- Directeur, partenaire, employé, conseillé, consultant, administrateur pour Amgen Inc.; Dendreon Corporation; Johnson & Johnson Pharmaceutical Research & Development, LLC; Medivation, Inc.; Myriad; Watson Pharmaceuticals, Inc.

 

REFERENCES:

1. Cuzick J, Stone S, Yang, ZH, et al. Validation of a 46-gene cell cycle progression (CCP) RNA signature for predicting prostate cancer death in a conservatively managed watchful waiting needle biopsy cohort. Program and abstracts of the American Urological Association Annual Meeting; May 16-21, 2014; Orlando, Florida. Abstract MP79-17.

2. Lin D, McGee S, Rieger-Christ K, et al. The 4KScore test as a predictor of high-grade prostate cancer on biopsy. Program and abstracts of the American Urological Association Annual Meeting; May 16-21, 2014; Orlando, Florida. Abstract PI-06.

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