Nice, France – Il aura fallu 43 ans pour passer du concept à la clinique. L’idée d’une capsule, libérable dans le ventricule pour le stimuler, remonte en effet à 1970. Elle est due à J. William Spickler (Cox Heart Institute, Kettering, Etats-Unis), qui envisageait alors de passer par la jugulaire [1]. Quelques progrès technologiques plus tard, l’idée, remarquablement clairvoyante, est devenue réalité, puisque deux pacemakers (PM) sans sonde sont aujourd’hui en développement clinique : le Nanostim™ (St Jude) et le Micra™ (Medtronic). Plusieurs sessions leur étaient consacrées lors du congrès Cardiostim.

L'ancien et le nouveau (Micra™)
Par rapport aux PM classiques, le saut technologique est assez stupéfiant : les dimensions du Nanostim™ sont de 6x42 mm, celles du Micra™, de 8x24 mm. Les deux appareils sont des capsules, implantées non par voie jugulaire, selon l’idée initiale, mais via la veine fémorale. Après essai chez l’animal, le Nanostim™ et le Micra™ ont commencé à être implantés chez l’homme en septembre et en décembre dernier respectivement.
La liste des avantages théoriques est longue. Comme l’explique le Dr Philippe Ritter (Bordeaux) à Medscape France, « les PM sans sonde permettent d’éviter les occlusions de veine à long terme, observées dans 15 à 20% des cas – et davantage chez les patients jeunes. De même que les externalisations, les déplacements, érosions et ruptures de sonde ».
On espère par ailleurs que le taux d’infection, de l’ordre de 1% la première année, et de 3 à 5% lors des réimplantations, va chuter. « Les expérimentations animales ont en effet montré une réaction inflammatoire très faible et une bonne endothélialisation de l’appareil », indique le Dr Ritter.
Enfin, « le PM sans sonde répond mieux aux besoins croissants des pays émergents », note-t-il.
Des infections en augmentation avec les PM classiques ? Le Dr Ritter signale à Medscape France un curieux phénomène : « le taux d’infection semble augmenter plus vite que les implantations. Le phénomène reste inexpliqué pour le moment. Il pourrait être lié à une baisse de l’immunité dans la population, aussi bien qu’à l’augmentation des résistances aux antibiotiques ou à un meilleur diagnostic des infections. » |
S’agissant de l’efficacité, les expériences chez l’animal ont montré « des caractéristiques électriques impeccables, notamment un seuil de stimulation très bas ».
Cet aspect est important, puisque la question de l’énergie est cruciale. « La capsule est alimentée par une pile à l’oxyde de vanadium, comme les défibrillateurs modernes », précise le Dr Ritter. « Avec un seuil de stimulation à 1,5 V, la durée de vie prévisible en stimulation permanente est de 7,5 ans ».
Après épuisement de la pile, il est prévu de laisser l’ancienne capsule en place, et d’en implanter une nouvelle. Mais « dans 7 ans, nous disposerons d’autres systèmes », pronostique le Dr Ritter.
Concrètement, chez St Jude comme chez Medtronic, on en est aujourd’hui aux études de validation chez l’homme. Les effectifs sont encore modestes : pour fixer les idées, le Micra™ a été implanté chez 80 patients dans le monde, dont 6 à Bordeaux, seul centre implanteur de PM sans sonde en France, qui a commencé cette activité au mois de mars.
L’obtention du marquage CE suppose le suivi d’au moins 60 patients durant 6 mois ; la FDA exige, elle, un minimum de 600 patients. « Comme les fabricants implantent partout dans le monde, on peut attendre des résultats dans un an, un an et demi », estime le Dr Ritter.
Les PM avec et sans sonde vont cohabiter
Si le PM sans sonde tient ses promesses, quel sera son positionnement pas rapport aux PM classiques ?
Les PM sans sonde sont bien entendu reprogrammables, et IRM-compatibles (jusqu’à 3 Tesla).
S’agissant de la télésurveillance, « l’électronique est prête », indique le Dr Ritter, « mais la fonction est très couteuse en énergie », véritable facteur limitant du dispositif pour le moment.
Autre différence avec les PM classiques : la capsule sans sonde ne permet pour le moment que la stimulation ventriculaire. « Des essais ont été menés chez l’animal avec deux capsules, l’une dans le ventricule, l’autre dans l’oreillette, avec une communication entre les deux appareils », précise le Dr Ritter. Mais ici encore, la dépense énergétique est élevée.
« Environ 15% des PM implantés aujourd’hui sont des simples chambres », précise encore le Dr Ritter. « Mais la capsule est tellement simple à implanter qu’il est possible qu’il soit préféré, à l’avenir, pour des patients auxquels on implanterait aujourd’hui un PM double chambre ».
Reste donc à attendre les premiers résultats, pour vérifier que le saut technologique s’accompagne bien d’un bénéfice pour les patients.
Le Dr Philippe Ritter est principal investigateur dans le monde pour le Micra™ de Medtronic. Il déclare par ailleurs des activités de consultant pour Sorin. |
REFERENCE:
1 J. William Spickler - Ned S. Rasor - Paul Kezdi - S.N. Misra - K.E. Robins - Charles LeBoeuf. Totally self-contained intracardiac pacemaker. Journal of Electrocardiology - Vol. 3 - Issue 3-4 - 1970 - pp. 325-331
Citer cet article: Pacemaker sans sonde chez l’homme : en route vers le marquage CE ? - Medscape - 20 juin 2014.
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