Chikungunya : comment lutter contre le moustique tigre et la transmission

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

18 juin 2014

Paris, France -- Lors d’un point presse sur les risques de l’été, la Direction Générale de la Santé (DGS), l ’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ont alerté sur le risque particulièrement élevé d’introduction et de dissémination du chikungunya en métropole cet été. Ils appellent la population à participer à la lutte contre le moustique-tigre [1].

Alors qu’une épidémie de chikungunya sévit dans les départements français d’Amérique depuis 6 mois, au cours du mois de mai, qui marque le début de la surveillance annuelle en métropole, 47 cas avérés de chikungunya ont déjà été recensés sur le continent. Par comparaison, en 2013, seuls deux cas avaient été détectés en métropole. Ces cas touchent principalement des personnes revenant des Antilles ; aucun cas autochtone n’a encore été observé.

 
Cette année, la pression est vraiment beaucoup plus forte. C’est pour ça que la sensibilisation de la population est extrêmement importante — Françoise Weber
 

« En métropole, tout le monde est sur le pied de guerre pour pouvoir éliminer les moustiques vecteurs si un foyer apparaissait comme cela a été le cas il y a trois ans. En 2010, ces mesures préventives ont permis d’éviter la dissémination ; nous avons rapporté une petite victoire. Mais cette année, la pression est vraiment beaucoup plus forte. C’est pour ça que la sensibilisation de la population est extrêmement importante », explique le Dr Françoise Weber (Directrice générale adjointe de la santé).

Pour tenter d’endiguer une épidémie dans les 18 départements français où le moustique Aedes Albopictus est présent, les pouvoirs publics peuvent agir sur deux plans : celui de la lutte anti-vectorielle et celui de la préparation du dispositif de santé et notamment de l’afflux aux urgences en cas d’épidémie.

« L’objectif de la lutte contre l’épidémie est de ralentir l’implantation dans un premier temps puis lorsqu’elle est implantée, et elle finit toujours par s’implanter lorsque le vecteur est là, il faut en atténuer l’impact et essayer de la diminuer dans le temps. Il ne faut pas penser que l’on puisse arrêter ce type d’épidémie alors même que 40% de la population du monde est exposé au risque de transmission de la dengue (via le même vecteur que le chikungunya) », alerte Françoise Weber.

Supprimer toute eau stagnante

Pour les instances de santé publique, la population doit être mise à contribution aussi bien dans les départements français d’Amérique qu’en Métropole pour le repérage des gîtes larvaires à travers les pneus usagés, les carcasses de voitures, les gouttières bouchées... « Il faut renforcer cette prise de conscience » souligne le Dr Jean-Claude Desenclos (Directeur Scientifique adjoint de l’InVS).

Il est recommandé de supprimer toute eau stagnante au domicile et autour et notamment de :

- Vider les vases, les soucoupes des pots de fleurs ou les remplir de sable humide.

- Supprimer ou vider régulièrement les petits récipients pouvant contenir de l’eau dans les jardins.

- Rendre les bidons de récupération d’eau de pluie inaccessibles aux moustiques (les couvrir d’une moustiquaire ou d’un tissu fin), retourner les arrosoirs.

- Prévoir une pente suffisante pour que l’eau ne stagne pas dans les gouttières, veiller à la bonne évacuation des eaux de pluie.

- Ranger à l’abri de la pluie tous les stockages pouvant contenir de l’eau: pneus, bâches plastique, jeux d'enfants.

Ces mesures de préventions sont d’autant plus importantes que dans les départements français d’Amérique (DFA), la sensibilité des moustiques vecteurs à l’insecticide de référence utilisé au niveau européen, la deltametrine, n’est plus que de 30%.

« Le recours à des produits comme le malathion pour lequel il n’y a pas encore de résistance trop importante dans les DFA est problématique en raison de sa toxicité pour l’environnement et pour l’homme », explique Harold Noël, médecin épidémiologiste à l’InVS.

Application smartphone Imoustiques : un outil de veille citoyenne

Alors que l’on assiste à une « diffusion géographique et à une intensification des populations de moustiques-tigres » en métropole, la veille citoyenne prend tout son sens. L’application mobile Imoustiques développée par l’établissement Interdépartementale pour la démoustication du littoral Atlantique (EID Atlantique), permet de photographier et de signaler la présence de moustiques Aedes Albopictus et donc de participer à la cartographie du moustique sur le territoire. L’outil aide à d'identifier les moustiques parmi les autres insectes et rappelle les "bons gestes" de prévention.

Couverture et isolement

La protection individuelle s’adresse aux personnes se rendant en zone endémique et aux patients résidant ou revenant d’une zone endémique, qui présentent des symptômes compatibles avec une dengue ou un chikungunya mais aussi à leur entourage.

 
En début d’épidémie, dans une population qui n’a pas d’immunité du tout contre la maladie, on estime qu’à partir d’un cas, 3 autres cas seront observés -- Harold Noël
 

Elle consiste à privilégier le port de vêtements couvrants et amples et à les imprégner d’insecticide pour tissus, à appliquer des répulsifs sur la peau découverte, à dormir sous une moustiquaire, à utiliser des insecticides à l’intérieur des habitations et, si possible, à brancher la climatisation, dans la mesure du possible.

« Lorsque qu’une personne est virémique, la DGS recommande qu’elle reste chez elle et qu’elle utilise tous les moyens de prévention disponibles (moustiquaires, répulsifs) pour éviter une chaine de transmission », note le Dr Desenclos.

Les personnes atteintes sont potentiellement contaminantes pendant en moyenne 4 jours à partir du début des signes mais, certaines études ont montré que le virus pouvait être présent dans le sang pendant une semaine entière.

« En début d’épidémie, dans une population qui n’a pas d’immunité du tout contre la maladie, on estime qu’à partir d’un cas, 3 autres cas seront observés », précise Harold Noël.

Pour en savoir plus : un guide relatif aux modalités de mise en œuvre du plan anti-dissémination du chikungunya et de la dengue en métropole a été mis à jour en 2014 par le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé.

REFERENCE :

Point presse DGS, InVS, INPES. « Les risques de l’été » Moustiques (transmission chikungunya, dengue), canicule, noyades… jeudi 12 juin 2014

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