HPV : l’auto-prélèvement vaginal pour remplacer le frottis ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

17 juin 2014

Tours, France – Alors que la participation au dépistage du cancer du col n’est que de l’ordre de 60% en France, les auto-prélèvements vaginaux à réaliser au domicile et à envoyer soi-même au laboratoire par la poste pourraient bien devenir, à termes, une alternative au frottis cervico-utérin pratiqué par le gynécologue.

Des chercheurs tourangeaux, Ken Haguenoer et coll (Université de Tours, France) ont comparé les performances diagnostiques de deux méthodes d’auto-prélèvement vaginal (APV) à celles du frottis classique (PCC-Liq) [1].

Ces résultats confirment les bonnes sensibilités et spécificités des tests par auto-prélèvement vaginaux déjà observées dans d’autres études auparavant [2-7].

« Notre étude montre qu’un APV est un moyen performant pour détecter une infection cervicale à papillomavirus humains à haut risque (HPV-HR) en comparaison avec un prélèvement cervical réalisé par un clinicien », indiquent les auteurs.

Les résultats sont publiés dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire [1].

Des sensibilités et spécificités de l’ordre de 90% mais quelques difficultés techniques

Concrètement, les chercheurs ont comparé les capacités de détection d’infections cervicales à HPV-HR par des méthodes d’auto-prélèvement avec un écouvillon sec (APV-Sec) et avec écouvillon avec milieu de transport liquide (APV-Liq), versus le prélèvement cervical en milieu liquide réalisé par un clinicien (PCC-Liq ou frottis).

Ils ont enrôlé 734 femmes âgées de 20 à 65 ans entre septembre 2009 et mars 2011 qui ont bénéficié des 3 examens, le frottis et les 2 tests d’auto-prélèvements à domicile.

En pratique, les participantes ont reçu un kit d’auto-prélèvement pendant la consultation contenant une notice d’explication.

Pour l’APV-Sec : une enveloppe contenant un écouvillon en nylon floqué dans un tube en plastique souple incassable. Pour l’APV-Liq : une enveloppe contenant un écouvillon en nylon floqué et un tube de 12×80 mm contenant 2 mL d’un milieu de transport liquide. L’ordre de réalisation des 3 tests était « randomisé ».

L’analyse a porté sur 722 femmes pour lesquelles les trois résultats de tests étaient disponibles. La sensibilité et la spécificité de détection des HPV-HR dans les APV-Sec ont été estimées à 88,7% et 92,5%, respectivement ; elles étaient de 87,4% et 90,9% pour les APV-Liq.

APV sec ou APV liquide ?

Pour l’APV avec milieu de transport liquide, « les aspects peu pratiques et le coût de transport du liquide peuvent limiter l’introduction à grande échelle des méthodes d'auto-prélèvements dans les programmes de dépistage organisé. [En revanche], un écouvillon sec pourrait constituer un réel progrès en termes de prélèvement, de coût et de facilité d’expédition ; l’écouvillon pourrait être adressé aux femmes non dépistées et renvoyé à un laboratoire par la poste », précisent les auteurs.

Concernant une plus large utilisation de l’APV sec, les auteurs indiquent qu’il s’agit « d’une méthode performante pour la détection d’infections cervicales à HPV-HR [mais que] son efficacité et son rapport coût-efficacité pour atteindre les femmes ne réalisant pas de frottis dans un programme de dépistage organisé doivent être évalués avant que ce test ne puisse être utilisé à grande échelle. »

Quelques limites

Au total, 104 femmes (14,4%) ont déclaré avoir rencontré des difficultés pour réaliser les APV. Elles avaient notamment des difficultés pour évaluer la profondeur préconisée de l’APV ou pour trouver où et comment introduire l’écouvillon.

« Les difficultés évoquées pour évaluer la profondeur préconisée de l’APV ou pour trouver où et comment introduire l’écouvillon, pourraient être des pistes pour faire évoluer l’écouvillon (repère visuel ou physique pour la profondeur) et la notice d’utilisation », notent les auteurs.

En outre, une douleur ou sensation désagréable ont été rapportées chez 64 femmes (8,9%).

« Il est possible que ce taux élevé soit en partie lié à la formulation des questions. En ce qui concerne la douleur, il aurait été préférable de comparer la douleur ressentie lors de l’APV à celle éprouvée lors du frottis, en l’évaluant sur une échelle visuelle », expliquent Ken Haguenoer et coll.

En termes de méthodologie, la principale limite de l’étude est que les auteurs ont inclus des femmes de moins de 30 ans (environ un quart des femmes de l’étude), qui ne sont habituellement pas ciblées par un dépistage par test HPV.

« Toutefois, notre objectif était d’évaluer un dispositif et des méthodes de transport et non la prévalence de l’infection à HPV », soulignent les chercheurs.

 

REFERENCES :

1. Haguenoer K, Giraudeau B, Sengchanh S, Gaudy-Graffin C, Boyard J, de Pinieux I, et al. Performance de l’auto-prélèvement vaginal sec pour la détection des infections à papillomavirus à haut risque oncogène dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus : une étude transversale. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(13-14-15):248-54. http://www.invs.sante.fr/beh/2014/13-14-15/2014_13-14-15_6.html

2. Arbyn M, Verdoodt F, Snijders PJF, Verhoef VMJ, Suonio E, Dillner L, et al. Accuracy of human papillomavirus testing on self-collected versus clinician-collected samples: a meta-analysis. Lancet Oncol. 2014;15(2):172-83.

3. Cerigo H, Coutlée F, Franco EL, Brassard P. Dry self-sampling versus provider-sampling of cervicovaginal specimens for human papillomavirus detection in the Inuit population of Nunavik, Quebec. J Med Screen. 2012;19(1):42-8.

4. Van Baars R, Bosgraaf RP, ter Harmsel BWA, Melchers WJG, Quint WGV, Bekkers RLM. Dry storage and transport of a cervicovaginal self-sample by use of the Evalyn Brush, providing reliable human papillomavirus detection combined with comfort for women. J Clin Microbiol. 2012;50(12):3937-43.

5. Darlin L, Borgfeldt C, Forslund O, Hénic E, Dillner J, Kannisto P. Vaginal self-sampling without preservative for human papillomavirus testing shows good sensitivity. J Clin Virol. 2013;56(1):52-6.

6. Eperon I, Vassilakos P, Navarria I, Menoud PA, Gauthier A, Pache JC, et al. Randomized comparison of vaginal self-sampling by standard vs. dry swabs for human papillomavirus testing. BMC Cancer. 2013;13:353.

7. Guan Y, Gravitt PE, Howard R, Eby YJ, Wang S, Li B, et al. Agreement for HPV genotyping detection between self-collected specimens on a FTA cartridge and clinician-collected specimens. J Virol Methods. 2013;189(1):167-71.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....