SAMU/SMUR et Urgences : faut-il mutualiser les moyens ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

13 juin 2014

Paris, France – La mise en commun des équipes entre SAMU/SMUR et Urgences est un sujet récurrent, source de tensions. Quels sont les avantages et les inconvénients ? Faut-il opter pour la polyvalence ou l’hyper compétence ? Deux cadres de santé exerçant en service d’urgences se sont prêtés au jeu de la controverse, au cours du congrès Urgences 2014, organisé à Paris.

« Mutualisation », le terme suscite toujours autant de crispation au sein des équipes d’urgentistes. Pour faire face à la hausse d’activités et aux contraintes économiques, les collaborations et le partage des ressources entre les services sont encouragés. Mais certains n’y voient qu’une contrainte, source de conflits, d’autres une opportunité pour évoluer.

Preuve que le débat est toujours d’actualité, le dernier congrès Urgences lui a consacré une session « controverse », intitulée « Smur et urgences : faut-il mutualiser les équipes ? » [1]. Thierry Maupin (Pôle Urgence, CH Annecy) a défendu le principe. Face à lui, Bruno Guarrigue (Samu 91, CH Sud Francilien) est venu exposer les inconvénients.

Décloisonner et élargir les compétences

Dans son référentiel de 2011 sur les ressources médicales et non médicales nécessaires au bon fonctionnement des structures d’urgence, Samu-Urgences de France est très clair : « la mutualisation est un terme à bannir ». Une position que Bruno Guarrigue n’a pas manqué de souligner.

Selon le syndicat, la pratique simultanée de plusieurs fonctions entre les services, généralement qualifiée de mutualisation « constitue un danger pour le patient et un risque médico-judiciaire pour le praticien, la structure d’urgence et l’institution ».

La démarche est à distinguer de la mutualisation des postes qui « consiste pour un même praticien à pouvoir effectuer son temps de travail de manière partagée entre plusieurs types d’activités d’urgence ». Samu-Urgences de France préfère alors parler de « temps partagé », une pratique qu’il considère « excellente » pour l’urgentiste.

Bruno Guarrigue a rappelé, en s’appuyant sur plusieurs définitions, que les notions de sécurité et d’économies sont indissociables du terme « mutualiser ». Mais, en pratique, « si les directions se montrent effectivement préoccupées par les économies, qu’en est-il réellement de la sécurité et la qualité des soins ? », se demande-t-il.

Il reconnait toutefois que « les directions des soins cherchent à promouvoir le décloisonnement et à élargir les compétences des soignants » dans un objectif de qualité. « Elles s’opposent souvent aux directions des ressources humaines, qui y voient surtout un moyen de mieux répartir le personnel selon l’activité ».

Réorganisation = risque d’insécurité

Les perspectives de la mutualisation peuvent paraitre séduisantes, mais « il faut rester extrêmement vigilant » et tenir compte en particulier des aspirations de chacun. « Il est nécessaire de respecter, pour chaque individu, le besoin de sécurité et d’appartenance à un groupe ».

Or, selon lui, ce principe est souvent bafoué. « La réorganisation des services peut causer une insécurité chez certains membres du personnel, qui ne sont plus dans l’accomplissement », ce qui expose le milieu hospitalier « à un grave risque psychosocial ».

Concernant la polyvalence, qui consiste à affecter des activités différentes à un salarié, « elle peut devenir problématique lorsqu’elle est subit ou que les remplacements se font au pied levé, en urgence et sans préparation », souligne Bruno Guarrigue. « Et c’est souvent le cas malheureusement ».

Sans compter que la multiplication des tâches peut influer sur la sécurité des soins. « La non maitrise des tâches est responsable d’une hausse de 17% des déclarations d’événements indésirables graves », a indiqué Bruno Guarrigue, citant les derniers chiffres de la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham).

Il concède toutefois qu’il pourrait être favorable à une mutualisation, « à condition que le choix des professionnels soit respecté, que la qualité de la prise en charge soit mise en avant, qu’il y ait une concertation au sein de l’équipe et qu’une évaluation soit envisagée. Mais, j’ai bien peur que ce soit impossible ».

Tenir compte des parcours professionnels

Pour Thierry Maupin, qui a contribué au partage des ressources humaines entre Smur et Urgences au CH d’Annecy, la mutualisation menée dans de bonnes conditions est tout à fait envisageable. Une condition reste, selon lui, essentielle : « elle ne se décrète pas ».

« La mutualisation s’inscrit dans une démarche de management. Il faut qu’elle fasse partie d’un projet, qu’elle soit ancrée dans une stratégie, et ce au niveau institutionnel », souligne-t-il.

« Elle implique de se poser les bonnes questions : quelle configuration opter ? Pour quelles situations ? Qu’a-t-on envie de recevoir de l’autre service ? Que peut-on apporter ? Qu’est ce qui ne peut pas être partagé ? ».

Selon lui, le principal avantage de cette mise en commun des moyens est de « pouvoir offrir la possibilité aux praticiens de varier leur exercice professionnel, de développer et de partager les compétences », ce qui implique de tenir compte des parcours professionnels.

Une vision partagée par Samu-Urgences de France, qui dans son référentiel estime que le temps partagé entre les services « permet de varier son expérience professionnel, développer et maintenir ses compétences et sa polyvalence, enrichir la culture médicale et l’expérience collective des composantes de la médecine d’urgence ».

Reste à « respecter certaines règles et à savoir communiquer autour du projet » pour que le changement d’organisation se fasse dans de bonnes conditions, a indiqué Thierry Maupin, avant de mettre en avant, pour conclure, un autre avantage d’une mutualisation réussie : « la diminution du turn-over ».

 

REFERENCE :

1.Maupin T, Garrigue B, « Smur et urgences : faut-il mutualiser les équipes ? » Congrès urgences 2014, 5 juin 2014.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....