Elle souligne également que c’est le blocage ovarien qui est responsable d’une bonne partie des effets secondaires observés ici dans le bras tamoxifène. Le tamoxifène est, lui, globalement souvent bien supporté avec des ovaires fonctionnels, quand bien même il est potentiellement pourvoyeur de kystes ovariens le plus souvent asymptomatiques.
« Cinq ans de blocage ovarien, c’est énorme et assez risqué. Jusqu’à présent, les essais ont évalué si deux ou 3 ans d’analogues de la LH-RH étaient équivalents à un blocage ovarien définitif. On connaît les effets du blocage ovarien au niveau cardiovasculaire, du vieillissement et de l’os, voire au niveau cognitif », explique la cancérologue.
Dans le détail, les résultats favorisent le bras avec tamoxifène + blocage par rapport au bras antiaromatase + blocage pour la libido, la sécheresse vaginale, la dyspareunie, les symptômes musculo-squelettiques, l’ostéoporose et les ischémies cardiaques.
A l’inverse, les événements thromboemboliques, les sueurs, et l’incontinence urinaire sont plus fréquents chez les patients qui ont reçu le tamoxifène plus le blocage ovarien.
Tableau des effets secondaires variables entre les deux groupes
Effet secondaire |
Groupe Exémastane + castration |
Groupe Tamoxifène + castration |
Bouffées de chaleur |
91,7% |
93,3% |
Sueurs |
54,5% |
59% |
Evénement ischémique ou infarctus |
0,7% |
0,3% |
Thromboembolisme |
1% |
2,2% |
Symptômes musculosquelettiques |
88,7% |
76% |
Ostéoporose |
38,6% |
25,2% |
Fractures |
6,8% |
5,2% |
Sécheresse vaginale |
52,4% |
47,4% |
Baisse de la libido |
45% |
40,9% |
Dyspareunie |
30,5% |
25,8% |
Incontinence urinaire |
13,1% |
17,8% |
Concernant les autres effets secondaires graves, les cancers gynécologiques sont survenus chez 7 patients du groupe recevant l’exémestane et chez 9 patients recevant le tamoxifène. Les cancers de l’endomètre sont survenus chez 2 et 5 patients respectivement.
« Les auteurs prétendent que les effets secondaires observés quels que soient les bras concernés sont proches de ceux observés chez les femmes ménopausées avec ces deux molécules (IA et Tamoxifène) : cependant, on ne peut pas ne pas être frappé par les taux de dépression (plus d’une femme sur deux) et de fatigue (62 à 64 %) anormalement élevés dans cette tranche d’âge, à distance d’un traitement de cancer du sein. La qualité de vie chez ces femmes aux prises avec les signes de carence estrogéniques, survenus brutalement et trop tôt dans leurs vies, notamment sur le plan intimité et image de soi, si elle diffère peu d’un groupe à l’autre, est de façon évidente très altérée » note le Dr Lesur.
Elle attribue ce fort pourcentage de dépression au parcours de vie de ces femmes depuis la découverte de leur cancer d’une part et au blocage ovarien d’autre part. « On sait que chez certaines personnes, le manque d’œstrogènes au niveau du cerveau créé, comme les anti-aromatases, une espèce d’envie de rien et de grande tristesse », explique-t-elle.
En conclusion, le Dr Lesur estime que l’association d’un anti-aromatase et d’une suppression ovarienne n’est pas « une nouvelle voie thérapeutique » en adjuvant chez la femme non ménopausée RH+ comme le suggèrent les auteurs. En revanche, « ce régime est probablement à retenir pour les situations métastatiques ou très à risque, au cas par cas. », explique-t-elle. Elle craint une banalisation des considérations de la qualité de vie, « comme nous l’avons constaté avec les IA qui à l’usage ont déçu beaucoup d’utilisateurs, par leur mauvaise tolérance assez prévisible, eu égard à la profondeur de l’hypoestrogénie induite ».
Nouvelles recommandations de l’ASCO 2014 En marge du congrès, l’ASCO a publié ses nouvelles recommandations concernant le traitement hormonal adjuvant du cancer du sein RH+. Pour les femmes pré- ou périménopausées : - 5 ans de tamoxifène ; - après 5 ans, un traitement supplémentaire doit être proposé en fonction du statut hormonal : >>si les patientes ne sont pas ménopausée, le tamoxifène doit être poursuivi pendant 5 années supplémentaires, >>Si les patientes sont ménopausées, soit 5 ans supplémentaires de tamoxifène, soit changement de traitement pour un inhibiteur de l’aromatase. Pour les femmes ménopausées, il y a plusieurs possibilités : - tamoxifène pendant 10 ans ; - inhibiteur de l’aromatase pendant 5 ans ; - tamoxifène pendant 5 ans puis inhibiteur de l’aromatase pendant 5 ans ; - tamoxifène pendant 2 ou 3 ans, suivi d’un inhibiteur de l’aromatase pendant 5 ans. La question de la suppression hormonale ovarienne n’est pas abordée. |
L’étude a été financée par les laboratoires Pfizer, Ipsen, l’International Breats Cancer Study Group et le National Cancer Institute. Les liens d’intérêts des auteurs sont listés dans le papier du NEJM. Le Dr Anne Lesur n’a pas de liens d’intérêts en rapport avec l’industrie, ni d’activité privée. |
REFERENCE:
1. Pagani O, Regan MM, Walley BA, Fleming GF et coll. Adjuvant Exemestane with Ovarian Suppression in Premenopausal Breast Cancer. N Engl J Med. 2014 Jun 1.
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Citer cet article: Cancer du sein RH+ : anti-aromatase et blocage ovarien en pré-ménopause ? - Medscape - 12 juin 2014.
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