Paris, France -- Utiliser le ticagrelor (Brilique®, AstraZeneca) plutôt que le prasugrel (Efient®, Lilly/Daiichi-Sanyo) chez les patients traités pour syndrome coronarien aigu (SCA) permet une efficacité anti-agrégante plaquettaire plus marquée (%ADP agrégation : 48,9 % contre 37,9 %) mais expose à un risque relatif de saignement majoré à un mois (17 % contre 10 %, non significatif).
Ce résultat est issu d’une étude randomisée menée à Marseille, présentée par le Dr Pierre Deharo (Marseille) lors du congrès EuroPCR [1]. Le Dr Deharo est par ailleurs signataire, avec le Pr Thomas Cuisset, d’une publication récente sur le même sujet [2].
Une analyse biologique à confirmer cliniquement sur un plus grand effectif
Pour le Pr Gabriel Steg (Paris) qui modérait la session, « il s’agit de l’une des premières études randomisées sur ce sujet. Elle est principalement centrée sur l’analyse biologique de la fonction plaquettaire, et des études complémentaires devraient maintenant suivre en prenant en compte une analyse clinique.
Globalement, on peut dire aujourd’hui que le ticagrelor est préférable dans un premier temps pour son action anti-agrégante plaquettaire prononcée. Mais il expose, secondairement à une majoration du risque de saignement. Un suivi plus long des patients permettra de confirmer si cette majoration du risque se prolonge dans le temps».
Quelles seront les implications cliniques de cette étude ?
Pour le Dr Deharo, « l’utilisation de ticagrelor pourrait être privilégiée dans certaines populations à faible risque de saignement, les obèses par exemple. On pourrait aussi proposer qu’un traitement par prasugrel soit proposé chez les patients hyper-répondeurs ou hémorragiques sous ticagrelor, tout comme le clopidogrel est préféré chez les hyper-répondeurs au prasugrel ».
Un effet anti-agrégant plus prononcé du ticagrelor
Le travail marseillais comparait l’efficacité et la sécurité d’utilisation du prasugrel et du ticagrelor chez 96 patients traités pour SCA.
La réactivité plaquettaire était évaluée par trois paramètres : la mesure de l’index VASP, l’incidence des hypo-répondeurs ou hyper-répondeurs au traitement (LTPR : Low on Treatment Platelet Reactivity (VASP ≤ 20 %) et HTPR : High on Treatment Platelet Reactivity (VASP≥50 %)), ainsi que le pourcentage d’agrégation induite par d’ADP (%ADP agrégation) un mois après l’accident aigu.
Les doses de charge et d’entretien de prasugrel et de ticagrelor étaient respectivement de 60 mg puis 10 mg/j, et 180 mg et 2x90 mg/j.
La dose de charge de prasugrel est donc 6 fois supérieure à la dose d’entretien, tandis que les doses de charge et d’entretien sont identiques pour le ticagrelor. Les auteurs signalent s’être interrogés sur cette différence de proportionnalité, mais avoir décidé d’appliquer strictement les recommandations thérapeutiques.
Un total de 96 patients a été inclus : 48 dans chaque bras, 19 % de femmes, avec un âge moyen de 60,8 + /- 9,8 ans, un IMC moyen de 26,7 +/- 4 kg/m 2, et 22 % de diabétiques. On dénombre 64 % de NSTEMI et 46% de STEMI.
Tous ont reçu 75 mg d’aspirine, une statine, un inhibiteur de la pompe à protons et un inhibiteur du récepteur P2Y12.
La valeur de l’agrégation plaquettaire induite par l’ADP (%ADP agrégation) s’est établie à 37,9 +/- 10,3 % pour le prasugrel contre 48,9 + /- 10,8 % avec le ticagrelor.
Des saignements mais pas d’hyper-répondeurs biologiques
L’analyse du pourcentage des hypo-répondeurs au traitement (VASP≤20 %) montre que cette situation biologique était plus fréquente avec le ticagrelor (58 %) qu’avec le prasugrel (33 %). En revanche, à un mois aucun des patients des deux groupes n’était considéré biologiquement comme hyper-répondeur (VASP≥50 %).
Au total, 14 % des patients ont présenté une hémorragie pendant le premier mois de suivi : 17 % avec le ticagrelor et 10 % avec le prasugrel (différence non significative). Toutefois, la plupart de ces saignements ont été qualifiés de bénins (77 % de BARC1). Et comme le précise le Dr Deharo « notre échantillon de taille limitée ne permet pas de conclure à une différence significative de risque hémorragique entre les deux traitements ».
Le Dr Pierre Deharo ne signale pas de conflits d’intérêt. |
REFERENCES :
Deharo P, Bassez C, Pankert M et coll. Prasugrel versus ticagrelor in acute coronary syndrome : a randomized comparison. Congrès EuroPCR 2014.
Deharo P, Bassez C, Bonnet G et coll. Prasugrel versus ticagrelor in acute coronary syndrome: a randomized comparison. Int J Cardiol. 2013 Dec 10;170(2):e21-2. doi: 10.1016/j.ijcard.2013.10.043. Epub 2013 Oct 14.
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Citer cet article: SCA : biologiquement, le ticagrelor est plus antiagrégant que le prasugrel - Medscape - 9 juin 2014.
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