Leucémie lymphoïde chronique : l’ibrutinib change la donne

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

4 juin 2014

Chicago, Etats-Unis – Chez des patients atteinte de leucémie lymphoïde chronique en rechute, l’ibrutinib prolonge la survie sans progression, la survie globale, et le taux de réponse par rapport à l’ofutumumab, et ceci sans effet secondaire rédhibitoire. Ces résultats sont issus de l’essai de phase 3 RESONATE, présenté lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), etpubliée simultanément dans le New England Journal of Medicine [1,2].

L’ibrutinib (Imbruvica®, Janssen) est un inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton, impliquée dans les cascades de signalisations de la leucémie lymphoïde chronique (LLC). Il a été comparé à l’ofatumumab, un anticorps anti-CD20 (Arzerra®, Glaxo).

« Tous les patients, à peu d’exception près, devraient se voir offrir ce traitement dans le contexte d’une rechute », a estimé le Dr John Byrd (Ohio State University Comprehensive Cancer Center, Columbus, Etats-Unis) en présentant les résultats.

Amélioration de la survie sans progression des patients en rechute

L’étude RESONATE est une phase 3, menée chez 391 patients atteints de LLC, en rechute après un premier cycle de traitement, et considérés comme inaptes à recevoir un analogue de purine en raison d’un intervalle sans progression trop court, d’une autre affection intercurrente, d’un âge dépassant 69 ans, ou d’une délétion en 17p13.1. L’étude a été conduite dans 67 centres aux Etats-Unis, en Australie, et dans sept pays européens.

Ces patients ont été randomisés, et traités par ibrutinib (traitement oral) ou ofatumumab (en injection IV). On note que les traitements ont été administrés en ouvert.

Après un suivi médian de 9,4 mois, et alors que la médiane de survie sans progression, critère primaire de l’étude, était de 8,1 mois sous ofatumumab, elle n’avait pas été atteinte dans le groupe ibrutinib. Dans ce groupe, le taux de survie sans progression était de 88% à 6 mois. Le risque relatif de progression ou de décès sous ibrutinib par rapport à l’ofutumumab ressort à 0,22 (p<0,001).

On relève également une meilleure survie sous ibrutinib, avec une survie globale de 90% à 12 mois, contre 81% sous ofatumumab (RR de décès : 0,43 ; p=0,005).

Enfin, le taux global de réponse était encore en faveur de l’ibrutinib (42,6% vs 4,1% ; p<0,001). Les auteurs soulignent qu’en outre, une réponse partielle, avec lymphocytose, a été observée chez 20% des patients sous ibrutinib.

Ils indiquent également que les résultats d’ensemble sont retrouvés dans les sous-groupes de patients résistants aux analogues de purine, ou porteurs de la délétion 17p13.1.

« L’ibrutinib est probablement le traitement qui donne les meilleurs résultats chez les patients porteurs de la délétion sur le chromosome 17 », a commenté le Dr Byrd en présentant les résultats.

Lors de sa présentation au congrès de l’ASCO, RESONATE a suscité des réactions enthousiastes d’experts non impliqués dans l’étude.

« Ce médicament transforme le traitement, il n’y a pas d’autre moyen de le formuler » (Olatoyosi Odenike, Université de Chicago, expert de l’ASCO).

« L’efficacité du médicament pourrait transformer le traitement de la LLC, et potentiellement remplacer les chimiothérapies plus toxiques » (Gregory Masters, Helen F. Graham Cancer Center, Newark, modérateur de la conférence de presse).

« L’essai RESONATE est extrêmement intéressant, et modifie le panorama dans la LLC » (Catherine M. Broome, Georgetown Lombardi Comprehensive Cancer Center, Washington, auteur d’un communiqué de presse).

 

En ce qui concerne la tolérance, les taux d’interruption de traitement liée à des effets secondaires sont équivalents dans les deux groupes : 4%.

On relève toutefois 57% d’effets secondaires de grade 3 ou plus sous ibrutinib, contre 47% sous ofatumumab.

Parmi les effets secondaires plus fréquents sous ibrutinib, en particulier les diarrhées (4% vs. 2%), les fibrillations auriculaires (10 patients vs. 1 patient), les manifestations hémorragiques de tous types, y compris les ecchymoses (44% vs. 12%). Des hémorragies sévères sont toutefois rapportées chez 1% des patients sous ibrutinib, contre 2% des patients sous ofatumumab.

S’agissant des infections, on retrouve un schéma analogue, avec un excès d’évènements de tous types dans le groupe ibrutinib (70 % vs 54%), mais une normalisation pour les infections sévères (24% vs. 22%).

Enfin, les rashs, la fièvre, et les troubles de la vision sont également plus fréquents sous ibrutinib, tandis que des réactions au point d’injection et des manifestations à type de toux sont constatées sous ofatumumab.

Vu le profil de tolérance de l’ibrutinib, la prescription pourrait se compliquer chez deux catégories de patients, a noté le Dr Bird : les patients sous AVK, et les patients atteints de MICI. Pour les autres, « ce traitement change la donne dans la LLC ».

L’essai RESONATE a été financé par Pharmacyclics et Janssen.

Le Dr Byrd déclare des liens d’intérêt avec Pharmacyclics.

La plupart des co-auteurs déclarent des liens d’intérêt avec Pharmacyclics ou Janssen.

Certains sont salariés de Pharmacyclics.

 

REFERENCES :

  1. Randomized comparison of ibrutinib versus ofatumumab in relapsed or refractory (R/R) chronic lymphocytic leukemia/small lymphocytic lymphoma: Results from the phase III RESONATE trial. ). Abstract LBA7008. 2 juin 2014.

  2. Byrd JC, Brown JR, O'Brien S et coll. Ibrutinib versus Ofatumumab in Previously Treated Chronic Lymphoid Leukemia. N Engl J Med 2014; DOI: 10.1056/NEJMoa1400376.

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