Paris, France – L’enjeu du dépistage de l’insuffisance coronarienne diabétique silencieuse est important : la coronaropathie est une pathologie fréquente chez le sujet diabétique et souvent grave, a rappelé le Pr Philippe Moulin (CHU Lyon) au cours d’un atelier consacré aux coronaropathies chez le sujet diabétique lors du congrès de la Société Francophone du Diabète [1].
L’insuffisance coronarienne silencieuse n’est cependant pas repérable avec les méthodes cliniques usuelles. La détection n’est ni toujours sensible (faible reproductibilité de la scintigraphie), ni toujours économique. Enfin, l’irradiation comporte un risque iatrogène.
Rien n’indique qu’un dépistage systématique de l’ischémie silencieuse permette d’améliorer le pronostic tant que les facteurs de risque sont correctement pris en charge. Un tel dépistage n’est d’ailleurs pas recommandé par l’American Diabetes Association.
Reste le dépistage ciblé. Mais « l’estimation du risque de la population à cibler demeure quelque chose d’extrêmement difficile et aléatoire », estime le Pr Moulin.
L’European Society of Cardiology et l’European Society for the Study of Diabetes proposent de s’adresser aux patients ayant soit :
- des signes d’artériopathie périphérique,
- un score calcique élevé
- une protéinurie,
- aux patients désirant exercer une activité physique intense.
Le Pr Moulin suggère quant à lui d’intégrer dans l’évaluation des patients à risque majeur :
- la durée d’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaires et leur non contrôle,
- l’athérome diffus,
- la néphropathie,
- les efforts physiques,
en filtrant par le score calcique puis par les tests fonctionnels.
Et il rappelle l’enjeu : identifier le sous-groupe de malades ayant bénéficié de la chirurgie dans BARI-2D .
Intérêt du score calcique
Le score calcique (CAC) a un effet de reclassement « plus puissant que celui de l’épaisseur de l’intima-media ou du taux de NT-pro-BNP et, d’après une jolie étude prospective, il est opérant y compris chez les diabétiques», souligne le Pr Moulin.
Il le recommande chez les patients à risque intermédiaire ou incertain (notamment les patients présentant un seul facteur de risque, mais sévère) afin de mieux les classer, ainsi que chez les patients à risque élevé – dans un premier temps pour le dépistage, puis comme aide au renforcement du traitement.
- CAC:0 - Score calcique nul, population à faible risque : pas d’antiagrégants, pas d’exploration fonctionnelle. - 10<CAC< 100 - Entre 10 et 100, risque faible à modéré : pas d’exploration fonctionnelle, mais s’agissant des antiagrégants le Pr Moulin estime que l’intervalle est large, et mériterait d’être plus discriminant. Pour un score de 10, les antiagrégants ne se justifient pas. Si le score approche de 100, la question se pose. - 100<CAC< 300 - Entre 100 et 300, risque élevé : antiagrégants, cible LDL durcie, exploration fonctionnelle discutable. - CAC > 300- Au-delà de 300, risque majeur : antiagrégants systématiques, exploration fonctionnelle (par scintigraphie ou échographie-dobutamine, mais pas d’angioscanner), surveillance fonctionnelle régulière. |
Le niveau de preuve du CAC est élevé, sa mesure est rapide et sa reproductibilité est parfaite. Reste à améliorer son accessibilité. « Est-ce un effet de lobbying, une résistance au changement, une méconnaissance des prescripteurs, une inertie de la HAS ou la crainte d’explorations supplémentaires ? Quoiqu’il en soit, on est en retard », déplore le Pr Moulin.
Le Pr Patrick Henry (hôpital Lariboisière, Paris)se dit également convaincu de l’intérêt du CAC… même s’il s’interroge sur l’intérêt de rajouter ce score à un dépistage qui ne recherche que des lésions stables – quand les infarctus sont liés aux plaques instables – et lorsque son impact sur le pronostic n’est pas prouvé.
Le spécialiste a rappelé qu’il fallait donc avant tout éviter les lésions instables. C’est-à-dire contrôler les glycémies, la pression artérielle, arrêter le tabac et mettre sous statines. « C’est le plus efficace pour améliorer le pronostic », a-t-il insisté, en parlant des statines.
Diabétique coronarien : répartir la prise d’aspirine matin et soir et préférer la chirurgie
Quant aux patients diabétiques présentant une coronaropathie, « [ils] resteront toujours une population particulière par la gravité et l’évolutivité des lésions », a déclaré le Pr Henry.
Les patients diabétiques répondent moins bien aux traitements antiagrégants. Pour les thiénopyridines, ils répondent certes un peu mieux au ticagrelor qu’au clopidogrel, mais pas aussi bien que les patients non-diabétiques.
Quant à l’aspirine, la résistance est liée à un turn-over plaquettaire plus important. Utiliser de fortes doses n’est donc pas plus efficace et augmente même le risque hémorragique. Cette résistance pourrait toutefois être contournée en répartissant la dose en deux prises, une le matin, une le soir.
Enfin, et c’est d’ailleurs sans doute l’exception : la population diabétique est la seule pour laquelle la supériorité de la chirurgie sur l’angioplastie a été établie, en particulier, selon FREEDOM , chez les patients à risque très élevé (score Syntax > 23).
Le diabète n’est pas un facteur de risque comme peut l’être l’hypertension mais une maladie dont la progression est inéluctable, estime le Pr Henry. « Il n’y a pas de régression. Si l’on pose un stent, on ne traite qu’une lésion focale, cela n’empêchera pas à l’artère de se boucher à nouveau ». Le pontage, lui, rajoute des artères, il y a donc moins de problème si l’une se bouche. Son seul point faible ce sont les AVC per et post opératoires.
Les orateurs n’ont déclaré aucun lien d’intérêt en lien avec cette présentation. |
REFERENCES :
1. Moulin P. Score calcique coronarien et efficience du dépistage de l’insuffisance coronarienne silencieuse des diabétiques de type 2. Session : Coronaire : dépistage, angiopathie, pontage ? Congrès de la Société Francophone du Diabète. Paris, 13 mars 2014.
2. Henry P. Que faire après le dépistage. Session : Coronaire : dépistage, angiopathie, pontage ? Congrès de la Société Francophone du Diabète. Paris, 13 mars 2014.
Essai BARI : les pronostics de la chirurgie et de l'angioplastie étaient équivalents… en 1990
Les diabétiques pluritronculaires seront-ils moins angioplastiés après FREEDOM ?
Le diabétique multi-tronculaire doit être ponté conclut FREEDOM
FREEDOM : le patient est libre de choisir... l'angioplastie coronaire !
Dépistage de l'ischémie silencieuse chez le diabétique : la stratégie alternative du Pr Moulin
Citer cet article: Diabétique : quand et comment dépister une coronaropathie silencieuse - Medscape - 29 mai 2014.
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