Pollution et réchauffement climatique renforcent l’allergie aux pollens

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

28 mai 2014

Paris, France – La prévalence des pathologies allergiques respiratoires comme les rhinites saisonnières et l’asthme a pratiquement doublé ces 20 dernières années dans les pays industrialisés, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) [1,2].

En colligeant les données des études épidémiologiques disponibles, un Comité d’Experts Spécialisés (CES) de l’Anses a récemment rapporté que l’allergie aux pollens toucherait jusqu’à 7 à 20% des enfants et de l’ordre de 30% des adultes en France [1,2].

Ces chiffres ont mené les experts à porter leur regard au-delà des arbres et des herbacées pour s’intéresser à l’importance des interactions entre pollens, polluants atmosphériques et réactions allergiques.

Dr Henriette Dhivert-Donnadieu

« Il y a un problème conjoint de météorologie, de pollution atmosphérique et de pollinose. On voit, d’ailleurs, beaucoup d’allergies aux pollens dans les villes. Les gens faiblement atopiques se sensibilisent avec des pollens qui sont malaxés avec des gaz d’échappement », a expliqué le Dr Henriette Dhivert-Donnadieu (Montpellier) lors du congrès francophone d’allergologie 2014 [3].

Le réchauffement climatique comme co-facteur allergique

Selon les experts de l’Anses, le réchauffement climatique influence l’exposition aux pollesn en allongeant la saison pollinique mais aussi, en modifiant la répartition spatiale et la pollution atmosphérique.

En parallèle, l’élévation des températures et de la concentration en CO2 rendent certains pollens plus allergisants. Il a notamment été montré que la quantité d’allergènes présents dans le pollen de bouleau et d’ambroisie augmentait avec la température.

La pollution prépare le terrain allergique

Autres cofacteurs : certains polluants chimiques peuvent moduler la réaction allergique en agissant directement sur les sujets sensibilisés.

Les polluants atmosphériques peuvent favoriser la réaction allergique en abaissant le seuil de réactivité bronchique et/ou en accentuant l’irritation des muqueuses nasales ou oculaires.

« Par exemple, l’ozone altère les muqueuses respiratoires et augmente leur perméabilité, ce qui engendre une réaction allergique à des concentrations de pollens plus faibles », indique l’Anses.

Concernant le phénomène d’irritation lié à la pollution, en dehors de son pouvoir sensibilisant, le Dr Dhivert-Donnadieu précise qu’irritation et allergie sont souvent confondus et difficiles à distinguer. En présence de symptômes faisant penser à une allergie, elle insiste sur la nécessité « d’aller voir un allergologue pour faire un bilan précis et confirmer le diagnostic » dans le but de se faire éventuellement désensibiliser.

La pollution rend les grains de pollen plus redoutables

La pollution rend non seulement le terrain allergique plus propice mais elle peut aussi modifier les grains de pollen et les rendre plus dangereux. Les polluants chimiques atmosphériques peuvent rompre la paroi des grains de pollen et libérer des fragments et des granules cytoplasmiques assez petits pour pénétrer dans le système respiratoire bien plus profondément que les grains entiers.

Ils peuvent également modifier le contenu protéique des grains de pollen, donc modifier leur potentiel allergisant. « Mais, à l’heure actuelle, s’il est possible d’affirmer que la pollution atmosphérique augmente le potentiel allergisant des grains de pollens dans certains cas, l’effet inverse a également été observé », note le comité de l’Anses.

Enfin, il a été démontré que les allergènes du pollen pouvaient s’adsorber sur des particules, notamment des suies caractéristiques du trafic routier, « mais l’importance de ce phénomène doit être précisée en conditions réelles », tempèrent les experts du CES.

Les recommandations de l’Anses

Pour conclure son rapport concernant les interactions avec la pollution atmosphérique et le changement climatique, le groupe de travail de l’Anses recommande d’améliorer les connaissances sur :

- l’action des polluants atmosphériques, dont l’ozone, le dioxyde d’azote et particules sur les plantes et les pollens;

- la co-exposition d’une personne allergique aux pollens et à la pollution chimique atmosphérique;

- les facteurs climatiques influençant la quantité de grains de pollen produits et émis ainsi que la production d’allergènes dans le pollen (cinétique, quantité, température, stress, humidité...) et les éventuels liens avec le changement climatique.

 

Pollinose des arbres : quelques idées reçues…

Parmi les multiples arbres présents dans la nature, seuls quelques-uns sont à l'origine de manifestations allergiques. Les principales espèces d’arbre en cause sont le bouleau et le frêne dans le Nord-Est et le cyprès et l’olivier dans le Sud de la France.

En revanche, et contrairement aux idées reçues, le pin des Landes est très peu allergisant, et le peuplier l'est assez peu.

Aussi, le chêne est considéré comme peu allergisant en France, alors qu’il est considéré comme très allergisant aux Etats-Unis.

Aux Etats-Unis plus de 10% de la population est allergique à l’allergène du chêne blanc : Quercus a1 [4]. En outre, 25% des américains souffrant d’un rhume des foins ont des IgE spécifiques au pollen du chêne. En France, seules quelques études ont fait état de ce risque.

 

REFERENCES

1. Anses. Exposition de la population générale aux pollens de l’air ambiant : l’Anses fait le point. 20 mars 2014.

2. Anses. État des connaissances sur l’impact sanitaire lié à l’exposition de la population générale aux pollens présents dans l’air ambiant. Janvier 2014. Avis de l’AnsesSaisine n° «2011-SA-0151»

3. Congrès francophone d’allergologie. Pollinoses d’arbre (Session organisée avec le groupe de travail Aérobiologie). Mercredi 16 avril 2014

4. Gergen PJ, JACL 2009, 124 (3):447-53

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