Paris, France – Les AVC sont-ils encore un problème dans le TAVI ? La réponse est ambigüe : non si on compare le TAVI à la chirurgie ; oui, si l’on considère que l’AVC est un drame, et que les différentes études et registres en signalent toujours de 2 à 3% à un mois.
Une session était consacrée à ce problème des AVC lors du congrès EuroPCR 2014 [1].
Interrogée par Medscape France, le Pr Martine Gilard (Brest), résume les choses ainsi : « le TAVI ne fait pas plus d’AVC que la chirurgie. Et l’on constate dans les méta-analyses que leur taux diminue, ce que l’on attribue aux progrès du matériel, à une meilleure sélection des patients et à l’entrainement des centres et des praticiens ».
Toutefois, tant que « le taux des AVC n’est pas de 0%, il reste un problème », selon la formule du Pr Martin Thomas (Londres).
Que signifient les lésions visibles à l’IRM ?
En fait, les AVC ne sont pas les seuls évènements neurologiques associés au TAVI. Des lésions cérébrales mal caractérisées mais clairement provoquées par l’intervention, sont en effet visibles à l’IRM chez une grande majorité des patients : de 70 à 80% dans les études.
L’origine de ces lésions est discutée. L’hypothèse la plus vraisemblable est celle de la « pluie de micro-embols ». Selon certains résultats, ces embols seraient libérés beaucoup plus par le déploiement de la valve que par le gonflement du ballonnet. Il n’y aurait donc pas grand-chose à gagner sur la méthode d’implantation.
A côté de ce mécanisme, le Pr Nicolas Van Mieghem (Rotterdam) a également évoqué le rôle possible des variations hémodynamiques répétées au niveau cérébral, avec de possibles hypo perfusions locales. Ce mécanisme a été suggéré pour expliquer les lésions analogues, que l’on observe à l’IRM dans la migraine. S’agissant du TAVI, le pacing ventriculaire rapide pourrait donc aussi jouer un rôle.
La question de fond n’est cependant pas tant celle du mécanisme des lésions révélées à l’IRM, que celle de leurs conséquences cliniques éventuelles.
Ces images, très étudiées notamment dans la FA, où elles concerneraient 90% des patients, pourraient être associées à une évolution plus rapide et/ou plus fréquente vers le déficit cognitif.
Spécifiquement dans le TAVI, le Pr Gilard relève des résultats plutôt rassurants, mais il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit dans un sens ou dans l’autre.
Les dispositifs de protection sont jugés a priori utiles mais doivent faire leurs preuves
Le tableau associe donc des AVC rares mais dévastateurs, et des petites lésions neurologiques fréquentes, dont on ne peut exclure des conséquences.
Dans ces conditions, Quel peut être l’intérêt des dispositifs de protection, mis en place devant les troncs supra-aortiques ?
Le Pr Gilard estime leur utilisation justifiée – et d’autant plus que l’évolution probable du TAVI sera, malgré tout, de s’adresser à des patients de plus en plus jeunes.
Trois dispositifs de protection sont actuellement disponibles : Embrella® (Edwards), Sentinel® (Claret Medical), qui est un dispositif en filet permettant la capture du matériel et non seulement sa déviation, et TriGuard® (Keystone), qui protège les trois troncs supra-aortiques.
Les avis sur la facilité de déploiement de ces dispositifs semblent assez divergents. Pour le Pr Gilard, « passer par du 9 French (9F pour le TriGuard® ; 6F pour l’Embrella® et le Sentinel®), ne représente toutefois pas une difficulté majeure ».
Le principal problème n’est toutefois pas là mais dans « l’absence totale, à ce jour, de bénéfice clairement démontré », selon Dr Pierfrancesco Agostoni (Utrecht).
Au demeurant, ceci n’empêche pas le Dr Agostoni de considérer, comme le Pr Gilard, que « les dispositifs de protection restent un concept définitivement intéressant, et qui mérite des efforts ».
Mais après l’échec de l’étude pilote PROTAVI, dirigée par le Pr Josep Rodés-Cabau (Québec) et portant sur l’Embrella®, les protections doivent faire leur preuve. Deux essais randomisés et contrôlés sont programmés : CLEAN-TAVI et DEFLECT III, qui concernent respectivement les dispositifs Sentinel® et TriGuard®.
En cas d’AVC, intervenir immédiatement sans aller trop loin
En pratique, quels que soient les résultats de ces études, l’important, aujourd’hui, pour les cardiologues interventionnels, est de savoir réagir à un AVC survenant « sur la table ».
On note au passage que l’anesthésie générale du patient ne permettra pas de constater immédiatement l’AVC. Le Pr Alain Cribier insiste lourdement sur la sédation qui doit, dans la mesure du possible, être préférée à l’anesthésie générale. C’est la politique retenue dans le service du Pr Gilard.
S’agissant de la gestion de l’accident dument constaté, donc, le Dr Marco Roffi (Genève) a listé les points suivants.
« Jusqu’à preuve du contraire, il s’agit d’AVC ischémiques. Ils concernent plus fréquemment les petits vaisseaux que l’artère cérébrale moyenne et l’artère basilaire. Enfin, le fait que le matériel embolique soit fréquemment calcifié n’exclut pas complètement la thrombolyse, qui peut rester efficace sur de la fibrine fraiche surajoutée, ou un thrombus frais ».
Il faut en premier lieu exclure les diagnostics différentiels (sur-sédation, hypoventilation, hypoglycémie, crise épileptique, migraine, encéphalopathie).
Durant ce temps, « il ne faut pas retirer le cathéter », insiste-t-il, mais appeler le neurologue, et « le convaincre que la priorité n’est pas le CT scan. Il faut en effet privilégier l’angiographie cérébrale immédiate ».
En présence de l’occlusion d’une branche mineure, le Dr Roffi recommande une revascularisation par micro-cathéter, doublé d’une faible dose de thrombolytique. S’il s’agit de l’occlusion d’un gros vaisseau, on passe à la thrombectomie mécanique.
Il faut donc savoir être « proactif ». Le « wait and see ne se justifie qu’en cas d’AVC mineur sans occlusion visible, ou d’amélioration spontanée du patient ».
Mais par ailleurs, il faut aussi savoir « ne pas pousser le cathéter et s’arrêter à temps ».
A l’adresse des cardiologues, le Dr Roffi a rappelé qu’une hémorragie n’a pas du tout les mêmes conséquences dans le crâne que dans le péricarde. « Une ischémie cérébrale est mauvaise. Mais une hémorragie peut être fatale ».
REFERENCE:
TAVI and stroke : still a concern ? EuroPCR 2014 ; Paris, 20 mai 2014.
Comment le Pr Cribier voit aujourd'hui le développement du TAVI
Le TAVI toujours en suspens dans le risque opératoire intermédiaire
La pénétration du TAVI en France inférieure à la moyenne européenne
Nouvelles recommandations ESC / EACTS 2012 sur les valvulopathies
Publication du registre FRANCE 2, registre français des TAVI dans le NEJM
Citer cet article: TAVI : les AVC sont rares mais à gérer très vite - Medscape - 22 mai 2014.
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