Baltimore, Etats-Unis – Après cette publication dans le JAMA, le resvératrol, un polyphénol synthétisé de façon importante dans les grains de raisins et retrouvé dans le vin rouge, pourrait bien se réveiller avec la gueule de bois [1]. Ici, l’antioxydant, dont certains ont voulu faire la nouvelle panacée, ne procure pas de bénéfice chez plus de 800 sujets âgés suivis pendant 9 ans. En effet, les concentrations urinaires de resvératrol (tiré de l’alimentation) ne sont corrélées ni aux marqueurs de l’inflammation, ni aux maladies cardiovasculaires, ni à la survenue de cancer ou encore à la longévité.
800 sujets vivant en Toscane suivis pendant 9 ans
Le resvératrol, un polyphénol présent dans le raisin, les noix, le chocolat et certaines baies, a montré des propriétés anti oxydante et anti-inflammatoire in vitro et dans des modèles animaux, allant jusqu’à améliorer la longévité de souris nourries avec un régime riche en calorie quand il était pris sous la forme d’une supplémentation. En 1992, deux chercheurs ont même vu dans ce composé la solution au mystère du « french paradox ». La protection cardiovasculaire dont semblent bénéficier les habitants du sud-ouest en dépit de repas riches en cholestérol et en graisse saturées se trouvait là : dans le resvératrol, ce qui de fait réhabilitait le vin dans son rôle de breuvage bénéfique. Mais si les études mettaient en avant les effets de l’antioxydant à des doses supraphysiologiques, peu d’études portaient sur ses effets sur la santé d’une population sous sa forme alimentaire.
D’où l’intérêt de cette étude italienne qui a inclus près de 800 sujets âgés de 65 ans et plus qui participaient à l’étude Invecchiare in Chianti, « Aging in the Chianti Area » (In CHIANTI) Study, menée dans 2 petites villes de Toscane, fameuse région viticole italienne.
Après un suivi de 9 ans, 34,2% des personnes sont décédées. Après ajustement sur différentes variables comme l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, les taux des lipides et les comorbidités, aucune différence statistique n’est apparue entre les différents quartiles de concentrations urinaires de resvératrol.
Sur les 783 participants, 639 étaient exempts de maladies cardiovasculaires à l’inclusion. Durant le suivi, 27,2 % des participants en ont développé une. Au sein des différents quartiles de concentrations urinaires de resvératrol, en ordre croissant, l’incidence de survenue de maladies cardiovasculaires a été de 22,3%, 29,6%, 28,4% et 28,0% (p = 0,44).
De la même façon, aucune corrélation n’a été retrouvée entre les concentrations de resvératrol et le risque de cancer, ou encore des marqueurs de l’inflammation comme la protéine C-réactive (CRP), et les cytokines tels le TNF, Il-1β et Il-6.
Un composé probablement surestimé
Les auteurs concluent donc, que contrairement à leur hypothèse de départ, les concentrations de resvératrol obtenues par l’alimentation (ici principalement les polyphénols contenus dans le vin rouge) ne sont associées à aucune protection contre la maladie et ses marqueurs, ni n’assurent une longévité plus élevée. Cette étude, la plus importante en termes d’épidémiologie à examiner les liens entre resvératrol alimentaire et santé des hommes, selon les auteurs, vient semer un peu plus le doute sur l’intérêt véritable de ce composé.
Les chercheurs rappellent d’ailleurs que les études de supplémentation en resvératrol chez l’homme ne font pas consensus. Ce n’est pas la première fois qu’une absence d’effets sur la composition corporelle, les taux lipidiques ou les marqueurs de l’inflammation est rapportée avec des compléments alimentaires de resvératrol, dont les ventes annuelles représentent tout de même 30 millions de dollars aux Etats-Unis.
Ces résultats ne font qu’ajouter la suspicion sur un composé dont les vertus réelles sur la santé et sur la longévité ont vraisemblablement été largement surestimées.
Un chercheur accusé de fraude On se rappellera d’ailleurs que le chercheur qui avait contribué à faire du resvératrol une molécule miracle, le Dr Dipak Das de l’Université du Connecticut, avait été accusé de fraudes à la recherche. La falsification de données (145 ont été retrouvées) avait conduit à la rétraction d’au moins 12 articles montrant les bénéfices du resvératrol sur la santé cardiovasculaire, et conduit à son renvoi de l’Université [2]. |
Ce sujet a fait l’objet d’une publication sur Medscape.com
Aucun lien d’intérêt n’a été rapporté par les auteurs. |
REFERENCES :
1. Semba RD, Ferrucci L, Bartali B, et al. Resveratrol Levels and All-Cause Mortality in Older Community-Dwelling Adults. JAMA Intern Med. Published onlineMay 12, 2014.
2. Resveratrol fraud case update: Dipak Das loses editor’s chair, lawyer issues statement refuting all charges. Retractation watch, 2012 .
Citer cet article: Le polyphénol resvératrol ne parvient pas à prouver ses bénéfices - Medscape - 22 mai 2014.
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