Le mécanisme de l’infarctus est le même chez les hommes et les femmes

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

21 mai 2014

Paris, France – Les différences dans l’âge de survenue, les symptômes, la prise en charge et le pronostic de l’infarctus du myocarde chez les femmes, par rapport aux hommes, ont fait couler beaucoup d’encre. Sur le plan épidémiologique la situation est certes peu satisfaisante, comme le montrent par exemple les chiffres de l’InVS. Pour autant, le mécanisme de l’évènement aigu, c’est-à-dire l’obturation d’une coronaire par des fragments de plaque, ne semble pas différer selon le sexe, conclut l’étude italienne OCTAVIA (Optical Coherence Tomography Assessment of Gender DiVersity In Primary Angioplasty), présentée par le Dr Giulio Guagliumi au congrès EuroPCR 2014 [1].

Jusqu’à présent, « une différence dans la physiopathologie de l’IDM-ST selon le sexe était argumentée à partir de quelques données obtenues ex vivo », a indiqué le Dr Guagliumi. « OCTAVIA est la première étude prospective, multicentrique, destinée à évaluer, chez des hommes et des femmes appariés en âge, le mécanisme de l’IDM-ST in vivo, et la réponse vasculaire à une angioplastie primaire, réalisée avec les stents actifs actuels ».

L’infarctus, une spécificité de la femme âgée, vraiment ?

Il est classique de dire que l’infarctus survient 10 ans plus tard chez les femmes. Selon des données publiées par l’InVS en 2012, et portant sur le période 2002-2008, l’âge moyen de survenue est effectivement de 64,5 ans chez les hommes, vs 75,5 chez les femmes. Pour autant, cette situation évolue, puisque les taux d’IDM hospitalisés sont en diminution dans toutes les catégories de population, sauf les femmes de 35 à 54 ans (+ 14,6% de 35 à 44 ans, et +17,9% de 45 à 54 ans). En cause, selon toute vraisemblance : le tabac, le diabète et l’obésité.

Par ailleurs, si l’incidence standardisée restait presque 3 fois plus élevée chez les hommes (120,4 vs 43,2 pour 100 000), la mortalité intra-hospitalière lors du premier séjour pour IDM, qui s'élevait globalement à 8,1%, était plus élevée chez les femmes. Et ceci, dans toutes les classes d'âge mais en particulier chez les moins de 55 ans (RR après ajustement : 1,73 [1,53-1,95]), contre 1,15 [1,12-1,17] après 55 ans.

 

OCTAVIA avait pour objectif d’explorer l’hypothèse de différences physiopathologiques entre sexes dans l’IDM-ST, et d’évaluer du même coup d’éventuelles différences dans la réponse primaire à l’angioplastie.

L’étude a été menée prospectivement dans 14 centres italiens, chez 70 femmes et autant d’hommes, victimes d’un IDM-ST pris en charge par angioplastie dans les 6 heures, et implantés avec des stents à l’évérolimus.

On note qu’une aspiration du thrombus a été réalisée dans 84% des cas, et que les patientes et les patients présentant encore un TIMI de 0-1 après aspiration, ont été exclus. Dans sa discussion, le Dr Guagliumi a indiqué que cette restriction du recrutement aux patients à risque faible ou intermédiaire est une limite de l’étude.

L’ évaluation des vaisseaux de ces patientes et patients a été effectuée par Tomographie par Cohérence Optique. (L’OCT est un IVUS qui, à la place des ultrasons, utilise des infra-rouges, d’où un gain d’un facteur 10 dans la résolution : de l’ordre de 10 µm contre 100 µm pour les ultrasons). On note que les clichés ont été analysés par un laboratoire central américain (Case Western University, Cleveland).

Deux paramètres ont été analysés : s’agissant de la physiopathologie, le pourcentage de rupture de plaque, et s’agissant de la réponse à l’angioplastie-stenting, le pourcentage de recouvrement des stents implantés, à 9 mois.

Les patientes et les patients étaient appariés pour l’âge. Les principaux facteurs de risque (tabac, HTA, lipides, diabète) étaient identiques entre groupes, de même que le délai entre symptômes et arrivée au cath lab, le TIMI flow initial et final, les caractéristiques et les taux de succès des procédures.

Les thrombus retirés chez les hommes et chez les femmes étaient également équivalents sur le plan immunohistochimiques (dimensions, composition et organisation/ancienneté du thrombus).

Les paramètres qui différaient entre sexes étaient la surface corporelle, le diamètre du vaisseau incriminé, le pourcentage d’accès radial (67% chez les hommes, vs. 50%), l’utilisation d’anti GPIIb-IIIa (44,3% vs. 28,6%).

Mêmes taux de rupture ou d’érosion de plaque, et même cicatrisation à 9 mois

En ce qui concerne le mécanisme de l’IDM, une rupture de plaque (discontinuité de la cape fibreuse, et présence d’une cavité) a été constatée à l’OCT chez 50% des hommes et 48,4% des femmes (p=0,56).

Une érosion de la plaque (surface luminale irrégulière, mais sans signe de rupture) a été constatée chez 25% des hommes et 25% des femmes (p=0,86).

Les fréquences des dissections spontanées (0% et 3,1%) et des lésions inclassables (25% et 23,4%) sont également équivalentes entre groupes.

S’agissant de l’épithélialisation du stent à 9 mois, on retrouve toujours la même équivalence, avec 92,5% de structures recouvertes chez les hommes, et 90,9% chez les femmes (p=0,89).

Enfin, le devenir clinique a un an ne permet toujours pas de distinguer les hommes et les femmes : la mortalité, la mortalité cardiaque, les incidences des récidives d’IDM, d’AVC, de thrombose de stent et de revascularisation de la lésion cible, sont superposables. L’étude n’était toutefois pas dimensionnée pour une évaluation clinique.

Hommes/femmes : l’infarctus pour tous

Naturellement, les conclusions ne valent que pour les sujets à risque faible ou intermédiaire recrutés dans l’étude. Naturellement aussi, on peut trouver la proportion d’un quart de lésions inclassable un peu élevée.

Il reste que, comme l’a résumé le Dr Guagliumi, « chez les patients victimes d’un IDM-ST et référés à l’angioplastie primaire, aucune différence n’a été observée dans la morphologie de la plaque responsable, ni dans les facteurs associés à la thrombose coronaire, entre des hommes et des femmes appariés en âge ».

Par ailleurs, le diamètre plus petit des vaisseaux chez les femmes, ne semble pas hypothéquer la cicatrisation par rapport aux hommes.

Quelques idées reçues sur d’irréductibles différences entre hommes et femmes pourraient donc être à revoir.

Ceci n’écarte pas des spécificités féminines, comme le statut hormonal, ou l’âge plus tardif de survenue. Mais l’évènement est le même, et à prise en charge égale, résultat égal. En d’autres termes, si le résultat n’est pas équivalent, ce n’est pas la faute de l’infarctus, mais bien celle de la prise en charge.

OCTAVIA a été initiée et soutenue par la Société Italienne de Cardiologie Invasive (SICI-GISE), grâce à une bourse d’Abbott Vascular et la fourniture des cathéters par St. Jude Medicals.

Le Dr Giulio Guagliumi déclare avoir reçu des bourses de recherche d’Abbott Vascular, Boston Scientific, et St. Jude Medical, et des activités de consultant pour Boston Scientific, St. Jude Medical.

 

REFERENCE:

  1. Guagliumi G. Mechanismes of atherothrombosis and vascular response to primary PCI in women versus men with acute myocardial infarction : results of the OCTAVIA study. EurPCR 2014 ; Paris, 30 mai 2014.

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