Absence de sur-risque d’infarctus sous dabigatran, conclut la FDA

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

15 mai 2014

Silver Spring, Etats-Unis – La FDA met en ligne des données de surveillance post-marketing du dabigatran (Pradaxa®, Boehringer Ingelheim) plutôt rassurantes [1]. Selon l’annonce de sécurité de l’Agence américaine, le dabigatran serait en effet neutre sur le risque d’infarctus du myocarde (IDM) de patients en fibrillation auriculaire (FA).

L’hypothèse d'un sur-risque d'IDM associé aux inhibiteurs directs de la thrombine (anti-IIa) a été soulevée par l'essai RE-LY (Randomized Evaluation of Long term Anticoagulant Therapy), où le dabigatran, évalué dans la FA, était associé à un risque relatif qui atteignait 1,38 (p=0,048) par rapport à la warfarine pour la plus forte dose de dabigatran (2x150 mg/j).

Un certain nombre de travaux ont alors été menés pour évaluer ce risque, avec des résultats contradictoires.

Ainsi, au printemps 2013, un registre danois montrait, chez 14 000 patients traités pour FA, des incidences d’AVC, embolies systémiques, et saignements majeurs similaires sous dabigatran (quelle que soit la dose) et sous AVK, et un avantage au dabigatran pour ce qui concerne les saignements intracrâniens, les embolies pulmonaires et les IDM.

En octobre 2013, cependant, une méta-analyse américaine et danoise avait abouti à un risque d’IDM de 1,35 par rapport à la warfarine, résultat qui cadrait bien avec les données de RE-LY.

En réponse à ces données contradictoires, la FDA mettait en place, en janvier dernier, un programme de surveillance post-marketing renforcé des risques hémorragique et thrombo-embolique, baptisé Mini-Sentinel.

Parallèlement, une vaste étude était conduite chez des bénéficiaires du Medicare, pour comparer l’incidence des AVC ischémiques, des hémorragies intracrâniennes et saignements GI majeurs, des IDM et des décès sous dabigatran et warfarine. Ce sont les résultats de ce travail qui sont aujourd’hui publiés par la FDA.

Pas de sur-risque d’IDM chez les patients du Medicare traités par dabigatran

L’étude inclut plus de 134 000 patients, pour lesquels a été prescrit entre 2010 et 2012, et pour la première fois, l’un ou l’autre traitement pour une FA diagnostiquée au maximum 6 mois auparavant. Les données portent sur 37 500 année-patients au total.

Globalement, le dabigatran était associé à des risques d’AVC ischémique, d’hémorragie intracrânienne, et de décès inférieurs à ceux constatés sous warfarine. Le risque de saignements GI était, lui, supérieur. Enfin, le risque d’IDM était équivalent.

Incidence des évènements sous dabigatran et warfarine pour 1000 année-patients (Tableau publié par la FDA)

 

Dabigatran

Warfarine

RR [IC95%]

AVC ischémique

11,3

13,9

0,80 [0,67-0,96]

Hémorragie intra crânienne

3,3

9,6

0,34 [0,26-0,46]

Saignement GI majeur

34,2

26,5

1,28 [1,14-1,44]

IDM

15,7

16,9

0,92 [0,78-1,08]

Décès

32,6

37,8

0,86 [0,77-0,96]

« Ces données, exceptées celles concernant l’IDM, sont cohérentes avec les résultats de l’essai RE-LY, sur lesquels la FDA a basé son approbation », indique le communiqué de l’agence.

Suffiront-elles pour autant à fermer le dossier ?

Les données du Medicare présentent deux faiblesses.

Premièrement, elles confondent les deux doses utilisées aux Etats-Unis : 75 et 150 mg/j.

Deuxièmement, les évènements n’ont pas été enregistrés directement, mais au travers des bases de données administratives et des relevés des compagnies d’assurance. « L’évaluation était largement basée sur des algorithmes précédemment validés, montrant une forte valeur prédictive positive, mais pas sur les dossiers médicaux », indique le communiqué.

On note d’ailleurs une discordance avec les résultats du programme Mini-Sentinel, dans lequel les saignements GI étaient non pas augmentés mais réduits sous dabigatran.

La FDA attribue cette différence à l’âge plus élevé des patients du Medicare (tous les patients avaient plus de 65 ans, contre 64% dans Mini-Sentinel), tout en soulignant que RE-LY avait montré que le risque GI augmentait avec l’âge.

L’agence souligne également que les données du Medicare permettent des ajustements plus fins que dans le programme Mini-Sentinel.

« La FDA prévoit de publier l’étude sur les patients du Medicare et continue de se pencher sur les raisons de l’écart observé entre les saignements GI majeurs sous Pradaxa® et sous warfarine entre les analyses du programme Mini-Sentinel et du Medicare. Nous continuons de surveiller l’utilisation des anticoagulants et le risque de saignement, et communiqueront toute information pertinente disponible » conclut le communiqué.

 

 

REFERENCES :

  1. FDA study of Medicare patients finds risks lower for stroke and death but higher for gastrointestinal bleeding with Pradaxa (dabigatran) compared to warfarin . Annonce de sécurité de la FDA du 13 mai 2014.

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