Paris, France – La controverse sur les contraceptifs oraux de 3ème et 4ème génération a-t-elle eu une répercussion sur la contraception en France ? Selon les résultats de l’enquête Fécond 2013 [ 1], menée par l’Inserm et par l’Institut national d’études démographiques (Ined), la désaffection à l’égard des contraceptifs oraux qui s’en est suivi a conduit à diversifier les pratiques. La pilule reste majoritaire, mais le stérilet est en progression, surtout chez les 25-29 ans. Et nouveauté, y compris chez les nullipares.
Pilule, objet de tous les dangers en 2012-2013 : rappel des faits
A partir de décembre 2012, les pilules de 3ème et 4ème génération ont fait l’objet d’une importante controverse sur le risque de thrombose veineuse associé à leur utilisation. En mars 2013, elles ont cessé d’être remboursées et les autorités sanitaires ont recommandé de prescrire les contraceptifs oraux de 2ème génération en première intention. Saisie par la France, l'Agence Européenne du Médicament (EMA) a considéré que le risque est faible et s’est déclarée favorable aux pilules de 3ème et 4ème génération, estimant que le rapport bénéfice/risque reste positif, ce qui a contribué à mettre fin à la polémique, sans forcément rétablir pleinement la confiance. |
Une femme sur cinq a changé de méthode
Pour évaluer l’effet de cette controverse très médiatisée sur les pratiques des femmes en matière de contraception, l’Inserm et l’Ined ont reconduit en 2013 l’enquête Fecond, réalisée trois ans auparavant pour dresser un portrait de la contraception en France.
Au total, près de 4500 femmes, âgées de 15 à 49 ans, ont à nouveau été interrogées. Les résultats ont été publiés dans le dernier numéro de Population & Sociétés.
Premier constat : « aucune désaffection vis-à-vis de la contraception n’a été observée », indiquent les auteurs. Parmi les femmes ni stériles, ni enceintes et ne voulant pas d’enfants, seules 3% n’utilisent pas de contraception, soit un taux identique à celui révélé en 2010.
Entre 2010 et 2013, les pratiques semblent avoir évolué, allant vers une plus grande diversification, en particulier chez les plus jeunes. Selon l’enquête, près d’une femme sur cinq a ainsi indiqué avoir changé de méthode après la controverse sur les pilules.
Les femmes ont boudé les pilules de seconde génération
En 2010, même si la pilule enregistre un léger déclin au profit de nouvelles méthodes hormonales (implant, patch et anneau vaginal), elle est utilisée par une femme sur deux. Trois ans plus tard, la proportion des femmes utilisant cette méthode est tombée à 41%.
Cette baisse concerne uniquement les pilules de 3ème et 4ème génération, qui représentent 25% des contraceptifs oraux utilisés en 2013, contre 40% en 2010, preuve de l’influence de la controverse sur l’utilisation de ces pilules, soulignent les auteurs.
L’enquête révèle toutefois « une désaffection à l’égard de la contraception orale », les transferts vers des pilules de deuxième génération ayant été de très faible ampleur. La proportion d’utilisatrices de la pilule de 2ème génération est ainsi passée de 22% à 23% entre 2010 et 2013.
La baisse du recours à la pilule est particulièrement marquée chez les moins de 30 ans. Si la substitution par les pilules de 2ème génération est plus souvent appliquée chez les femmes de 15 à 19 ans, elle est moins évidente chez les femmes de 25-29 ans, qui préfèrent se tourner vers le stérilet (dispositif intra-utérin ou DIU) ou le préservatif.
Le stérilet deux fois plus utilisé chez les 25-29 ans, y compris nullipares
Le stérilet a ainsi enregistré une progression de 1,9 point pour représenter 22,6% des méthodes contraceptives employées en 2013. Entre 2010 et 2013, son recours est passé de 2% à 5% chez les femmes de 20-24 ans et de 8% à 16% chez celles de 25-29 ans.
Cette progression concerne aussi les femmes de 25-29 ans sans enfant. L’usage du stérilet représente pour cette population 8% des méthodes contraceptives en 2013, contre 0,4% en 2010. Aucune évolution de l’usage du stérilet n’a par contre été observée chez les femmes de moins de 20 ans, ni chez celles de 20-24 ans sans enfant.
« La réticence des médecins français à ne pas proposer le DIU aux femmes jeunes ou sans enfant semble pour la première fois avoir diminué, en partie grâce à une demande des femmes elles-mêmes », soulignent les auteurs.
Selon eux, cette évolution montre qu’ « il y a incontestablement un assouplissement de la norme contraceptive, qui rythme et structure l’usage des méthodes selon l’âge et le nombre d’enfants ».
L’image de la pilule dégradée
Par rapport à 2010, l’usage du préservatif a également progressé (+3,2 points). Les femmes, et en particulier les plus modestes, se tournent aussi plus fréquemment vers des méthodes dites naturelles (+3,4 points), comme celle des dates, calquée sur la période de fécondité, ou du retrait.
« Si la pilule reste aujourd’hui encore la méthode de contraception la plus utilisée en France, les pratiques contraceptives apparaissent désormais plus diversifiées », commentent les auteurs, qui estiment que le débat a contribué à assouplir le modèle contraceptif.
L’étude montre aussi que l’image de la pilule s’en est trouvée dégradée. En 2010, 44% des femmes étaient tout à fait d’accord avec l’idée que « la pilule permet aux femmes d’avoir une sexualité plus épanouie », une proportion qui est passée à 37% en 2013. Plus les femmes sont jeunes, moins elles partagent cette idée.
REFERENCE :
1. Bajos N, Rouzaud-Cornabas M, Panjo H, La crise de la pilule en France: vers un nouveau modèle contraceptif?, Population et Sociétés, n°511, mai 2014.
Citer cet article: Après la crise des pilules, les Françaises ont découvert le stérilet - Medscape - 14 mai 2014.
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