Treize cas de bilharziose dans le sud de la Corse

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

13 mai 2014

Toulouse-France -- Le Service de Parasitologie-Mycologie du CHU de Toulouse a identifié plusieurs cas d’infection à Schistosoma haematobium autochtone (bilharziose). Après une rapide enquête épidémiologique, il s’avère que ces contaminations se sont très probablement produites à partir de l’été 2011 dans le sud-est de la Corse (autour de Porto Vecchio) après un contact avec de l’eau douce naturelle (bassin, rivière, ruisseau).

Pr Antoine Berry

Le Pr Antoine Berry, parasitologue au CHU de Toulouse, a lancé l’alerte après avoir détecté 8 cas dans la région toulousaine d’anciens vacanciers qui ont fréquenté un camping de cette région. Par ailleurs, 5 cas similaires ont été signalés en Allemagne. En raison du portage chronique du parasite et des risques d’essaimage en eau douce, des actions de sensibilisation – en collaboration avec l’Institut de veille sanitaire (InVS) et la Direction Générale de la Santé (DGS) – pourraient être mises en place dans les semaines qui viennent. Medscape France a demandé des précisions aux Pr Berry.

Medscape.fr : Comment avez-vous été informé du premier cas décrit de bilharziose autochtone dans la région de Toulouse ?

Pr A Berry : Les anatomopathologistes du CHU ont analysé une biopsie de vessie d’une petite fille de la région toulousaine qui était suivie pour un problème de polypes vésicaux depuis plusieurs mois et dont l’origine posait question. Comme toujours dans ces cas et afin d’éliminer une étiologie tumorale, un prélèvement a été effectué et analysé. Les lésions retrouvées étaient évocatrices d’une bilharziose, une analyse des urines à la recherche d’œufs de ce parasite a été effectuée dans le laboratoire de parasitologie a confirmé l’infection par Schistosoma haematobium.

Lorsque nous avons découvert qu’il s’agissait d’une bilharziose urinaire, nous avons mené une enquête épidémiologique auprès de la famille.

Medscape.fr : Quelles ont été les informations recueillies à cette occasion ?

Pr A Berry : Cette enfant de 4 ans n’avait jamais voyagé en région endémique et les parents ne signalaient que des vacances en Corse en 2011, aux Baléares et 2012 et à nouveau en Corse dans la même région de Porto Vecchio en 2013. Puisque les lésions que présentait l’enfant étaient la résultante d’une évolution prolongée de l’infection et qu’au cours de l’année 2012 aucune baignade en rivière n’était signalée, nous avons conclu que le contact avec le parasite Schistosoma haematobium avait en lieu en 2011.

A l’occasion de l’enquête dans la famille, nous avons appris que le père était suivi depuis 2012 pour un problème d’hématurie macroscopique sans cause retrouvée qui s’est révélée aussi être en lien avec une bilharziose qui aurait pu avoir été contractée en 2011.

L’enfant et son père étaient partis en famille avec 2 autres familles proches en Corse en 2011 et 2013. Un test a été effectué chez les 12 personnes du groupe et une bilharziose urinaire a été détectée chez 8 d’entre eux.

Medscape.fr : Comment avez-vous été mis en contact avec les 5 cas survenus en Allemagne ?

Pr A Berry : Nous avons informé le Dr André Théron (CNRS/ Université de Perpignan) qui est centre collaborateur OMS sur les schistosomes. C’est lui qui m’a signalé qu’il avait été contacté par le Pr Joachim Richter de Düsseldorf. Ce dernier avait, lui aussi, de façon concomitante, mis en évidence 5 cas de bilharziose dans une famille allemande qui avait séjourné à Porto Vecchio.

Medscape.fr : Pourquoi est-il important de diffuser cette information ?

Pr A Berry : Avant tout, il faut qu’une stratégie de dépistage, de prévention et de traitement soit bien arrêtée et c’est ce que font actuellement la DGS et l’InVS.

Cette sensibilisation est nécessaire car, d’une part, la bilharziose est une pathologie chronique qui peut induire des lésions urinaires et génitales qui peuvent être prévenues par le traitement. D’autre part, l’excrétion d’œufs de parasites subsiste pendant des années même en l’absence d’hématurie. Il est donc possible qu’à l’occasion de baignades en eau douce, des nouvelles zones dans lesquelles vivent des hôtes intermédiaires, les bullins (mollusques d’eau douce qui vivent dans le sud de l’Europe) soient infectées et qu’une transmission à d’autres hommes se fasse.

 

Il est important d’évoquer le diagnostic de bilharziose à S. haematobium devant une hématurie microscopique ou macroscopique survenant chez toute personne ayant eu un contact avec de l’eau douce naturelle (bassin, rivière, ruisseau) en Corse, à partir de l’été 2011 (baignades en piscine exclus).
Si vous étiez amené à faire ce type de diagnostic, merci de contacter le Pr Antoine Berry par mail ( berry.a@chu-toulouse.fr).

 

REFERENCES :

Société de néphrologie. Bilharzhiose. 6 mai 2014.

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