Le Baclofène sous RTU est désormais remboursé

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

13 juin 2014

REACTUALISATION en date du 13 juin 2014– Un arrêté paru au JO autorise désormais le remboursement du baclofène dans le cadre des traitements contre la dépendance à l’alcool. Cette décision - qui fait suite à la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) délivrée à ce décontractant musculaire en mars dernier - est qualifiée « d’avancée majeure » par Marisol Touraine, dans un communiqué paru aujourd’hui. Ce remboursement intervient à point nommé alors que le baclofène sous RTU connait un certain succès (voir article ci-dessous). « Bien que largement répandue, l’utilisation dubaclofène à ce titre n’était jusqu’à présent ni reconnue ni encadrée » reconnait la Ministre. « La France est ainsi le premier pays à reconnaître la réalité de l’utilisation de ce médicament, et son efficacité dans la lutte contre l’alcoolisme ». Une position avant-gardiste qui, faut-il le rappeler, doit beaucoup au Dr Olivier Ameisen (aujourd’hui décédé) qui a bataillé fort afin que l'utilisation de ce médicament dans le traitement de l'alcoolo-dépendance soit officiellement reconnu. Rappelons que deux essais cliniques sont en cours : l'un en ville, l'essai Bacloville, autorisé en avril 2012 par l'ANSM et sous l'égide de l'AP-HP, et l'autre en milieu hospitalier l'étude Alpadir, promu par le laboratoire Ethypharm, pour étudier la sécurité d'emploi et l'efficacité du baclofène dans le sevrage alcoolique. Les résultats attendus cette année permettront peut-être l’obtention d’une AMM, mettant un point final à la « saga du baclo ». SL.

 

Paris, France ; 9 mai 2014 – Cinq semaines après la mise en œuvre du portail de suivi destiné à recueillir des données d’efficacité et de sécurité du baclofène prescrit en RTU, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a pu tirer un premier bilan des premières données collectées [1]. Il en ressort que ce produit gagne du terrain dans le traitement de l’alcoolo-dépendance : + 30% de nouveaux patients enregistrés en 5 semaines, un chiffre probablement très sous-estimé auquel il faut ajouter les patients des 2 essais cliniques en cours et tous ceux qui bénéficient du baclofène hors AMM.

Premier médicament à disposer d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), accordé en mars dernier, le baclofène fait l’objet d’un protocole de suivi, destiné à recueillir des données d’efficacité et de sécurité. Ces dernières sont collectées par les médecins qui prescrivent du baclofène sous RTU via un portail électronique (https://www.rtubaclofene.org).

Ainsi, selon les données de ce site, 1 362 patients bénéficiaient du baclofène sous RTU au 29 avril et 5 avaient dû arrêter le traitement pour cause d'intolérance. Le nombre de médecins rentrés dans le dispositif est de 590, dont 46% n'ont pas encore enregistré de patients. En moyenne, un médecin a enregistré un peu plus de 4 patients.

La progression du nombre de patients qui rentrent dans le dispositif est constante, note Dominique Maraninchi, directeur général de l'ANSM. Au 29 avril, l’ANSM comptabilisait 30% de nouveaux patients, le reste des patients étant déjà sous baclofène lors de l’octroi de la RTU.

Le site Internet de suivi, qui a fait l'objet d'une convention signée avec les firmes pharmaceutiques, se veut ergonomique : il ne faut pas plus de deux minutes à un médecin pour s'y enregistrer, et un peu moins d'une minute pour enregistrer un suivi mensuel de chaque patient.

Notons que si la RTU permet un suivi des patients sous baclofène, un grand nombre d'entre eux ne sont pas enregistrés.

Entre 50 000 et 100 000 patients sous baclofène, hors AMM

Une prescription hors Autorisation de mise sur le marché (AMM) reste légalement possible mais ne bénéficie pas, pour les médecins qui le prescrivent à des patients alcoolo-dépendants, de la sécurité juridique d'une RTU.

En 2012, a annoncé l'ANSM, il y aurait eu entre 50 000 et 100 000 patients alcoolo-dépendants sous baclofène hors AMM, selon une extrapolation de données de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Outre les patients sous baclofène en RTU, deux essais cliniques sur ce myorelaxant sont actuellement menés, dont les résultats intermédiaires devaient être connus cet été. Environ 600 patients seraient inclus dans ces deux essais.

L’ANSM a par ailleurs rappelé que les patients qui bénéficient du baclofène sont en échec de tous les autres traitements actuellement disponibles sur le marché.

Le baclofène en pratique

Le baclofène a deux indications : diminution de la consommation d’alcool et, après sevrage, maintien de l’abstinence. Il a un effet sédatif et sa posologie de départ est « assez faible », soit 15 mg/jour, avec augmentation progressive, jusqu’à 300 mg/jour.

La posologie quotidienne initiale doit être débutée à 15 mg par jour avant une augmentation très progressive (+5 mg par jour, puis +10 mg par jour) par paliers de 2-3 jours jusqu’à obtention d’une éventuelle réponse clinique.

A partir de la posologie de 120 mg/jour, un deuxième avis par un collègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance doit être sollicité [2].

Pour toute posologie supérieure à 180 mg/j, un avis collégial au sein d’un CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est requis [2].

En raison du risque de décompensation psychomaniaque, le baclofène n’est pas pour le moment prescrit aux patients schizophrènes. Mais un essai clinique avec ce type de patients débute actuellement aux Pays-Bas, a indiqué l’ANSM.

Le baclofène fait l’objet d’une surveillance, ses effets indésirables dans le traitement des addictions ont été mis en ligne par l’ANSM [3].

 

REFERENCES :

  1. ANSM. Conférence de presse du 29 avril 2014

  2. ANSM. Recommandation temporaire d'utilisation (RTU) du Baclofène dans l'alcoolo-dépendance - Protocole de suivi des patients. 14 mars 2014

  3. Effets indésirables du baclofène dans le traitement des addictions - Suivi national de Pharmacovigilance : année 2012 - Comité technique de Pharmacovigilance d’avril 2013. 9 mai 2014

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