Hémopathies malignes : tour d’horizon des avancées avec le Pr Thieblemont

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

9 mai 2014

Paris, France — Le traitement des hémopathies malignes a considérablement évolué au cours des dernières années.

Pr Catherine Thieblemont

«Il y a eu l’ère de la chimiothérapie dans les années 1970, l’apparition des anticorps monoclonaux à la fin des années 1990, nous vivons maintenant une nouvelle ère de thérapies ciblées. Il s’agit d’une vraie révolution », explique le Pr Catherine Thieblemont (Chef du service d'Hématologie-Oncologie de l'hôpital Saint-Louis, Paris) à Medscape France à l’occasion du congrès de la Société Française d’Hématologie 2014 .

Dans le champ des thérapies ciblées, tout a commencé dans les années 1998-2000 par la leucémie myéloïde chronique (LMC), première maladie hématologique ayant bénéficié d’une thérapie ciblée impactant de façon majeure l’évolution naturelle de la maladie grâce à l'imatinib (Glivec®, Novartis), inhibiteur de la tyrosine-kinase activée en conséquence de la mutation responsable de la maladie. La LMC, jusque-là constamment mortelle en l'absence d'allogreffe, est devenue une maladie chronique avec des taux de survie de plus de 90% sous Glivec®.

Fin des années 90, l’anticorps chimérique anti-CD20, rituximab (Mabthéra™ ou Rituxan™, Roche) a, lui aussi, permis de réaliser de grandes avancées dans les lymphomes de type B et dans la leucémie lymphoïde chronique, avec une augmentation significative des taux de réponse, en particulier de réponse complète, et de la survie globale des patients.

Mais depuis 2 ou 3 ans, les avancées scientifiques avec l’apparition de nouvelles cibles thérapeutiques s’est encore accélérée ouvrant de nouvelles perspectives de meilleure efficacité thérapeutique.

Les inhibiteurs d’IBTK : de nouveaux agents oraux prometteurs

Les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (IBTK), dont l’ibrutinib (Imbruvica™, Janssen-Cilag), sont de nouveaux agents très prometteurs. Ils interviennent sur la voie de signalisation du récepteur des cellules B (RCB). Ces petites molécules administrées par voie orale sont efficaces dans le traitement du lymphome à grandes cellules B diffuses (LGCBD) le plus difficile à traiter : le LGCBD de cellules B activées (ABC)* [1]. Les IBTK donnent également de bons résultats dans les lymphomes à cellule du manteau** [2] et dans la leucémie lymphoïde chronique*** [3] avec des réponses durables. D’autres essais sont en cours pour d’autres types de lymphomes, notamment le lymphome folliculaire et lymphome de la zone marginale.

La première étude sur les IBTK, a été présentée en décembre 2012 au congrès de l’American Society of Hematology (ASH) par le Dr Wyndham Wilson (MCI) dans les lymphomes des différentes cellules B réfractaires de type A,B,C [1]. « Cette étude de phase 2 a montré que, dans ces lymphomes, qui sont plus réfractaires à la chimiothérapie que les LGCBD de sous-type GC, le taux de réponse est 40% avec l’IBTK en monothérapie. Ce qui n’a jamais été vu avec d’autres molécules », commente le Pr Thieblemont.

Depuis, des essais de phase 1b [4] et 2 ont cherché à évaluer l’intérêt de l’ibrutinib en première ligne de traitement en association avec l’immuno-chimiothérapie. En février de cette année, un essai de phase 3 a même débuté comparant la chimiothérapie + rituximab (R-CHOP) à la chimiothérapie R-CHOP + IBTK en première ligne de traitement dans les lymphomes de type non-GC basé sur la classification immuno-phénotypique.

Face à ces excellents résultats, l’ibrutinib 140 mg gélulea reçu une AMM européenne à l’issue d’une procédure accélérée. Il est indiqué dans la leucémie lymphoïde chronique et les lymphomes à cellules du manteau en rechute. En France, ces molécules sont, pour l’instant disponibles en ATU.

Concernant les effets secondaires, hormis des toxicités hématologiques, en particulier des thrombopénies possibles, « des diarrhées peuvent être observées, mais nécessitant une prise en charge spécifique dans 5% des cas », indique la responsable du service d’onco-hématologie de l’hôpital Saint-Louis.

Inhibiteurs des PI3K : très bons résultats dans les lymphomes réfractaires à la chimiothérapie

Autres agents très séduisants : les inhibiteurs de la phosphatidylinositol-kinase de type 3 (PIK3 kinase).

« Ils donnent des résultats extrêmement intéressants. Nous allons peut-être arriver un jour à trouver des solutions pour des lymphomes qui sont extrêmement réfractaires et résistants à la chimiothérapie classique », commente Catherine Thieblemont.

En décembre dernier, lors du congrès annuel de l’ASH , un essai de phase 2 sur 120 patients présenté par le Dr Gilles Salles (Hospices Civils de Lyon) a montré que l’inhibiteur de la PI3K, idelalisib (Gilead Sciences), induisait un taux de réponse de l’ordre de 50% dans les lymphomes B réfractaires à la chimiothérapie et au rituximab [5]. En outre, la réponse se maintenait de façon prolongée, sur 12 mois.

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