Paris, France — « On constate actuellement en Europe une véritable épidémie d’allergie de contact à la méthylisothiazolinone (MI), un allergène émergent présent dans les cosmétiques, les produits professionnels et ménagers », s’inquiète le Dr Françoise Giordano-Labadie (Toulouse) dans un communiqué de presse du Congrès Francophone d’Allergologie (CFA) [1].
Forte augmentation des eczémas de contact allergiques depuis 2010
En France, les résultats récents d’une étude du REVIDAL-GERDA (Réseau de Vigilance en Dermatologie Allergologie rattaché au Groupe d’Etude et de Recherche en Dermatologie Allergologie) a montré qu’entre 2010 et 2012 la proportion de tests positifs à la MI a plus que triplé. Cette augmentation résulte probablement du remplacement de certains produits conservateurs (parabens, formaldéhyde, méthyldibromoglutaronitrile) par ce produit [2].
Dans l’étude du REVIDAL-GERDA (n=7874), parmi les malades testés pour suspicion d’eczéma de contact allergique, il semble que 5,6% d’entre eux seraient actuellement sensibilisés à la MI, principalement des femmes. Or, des résultats similaires ont été observés en Allemagne et au Royaume-Uni où les taux de sensibilisation sont passés respectivement de 1,9% à 6% en 2012 et de 0,5% en 2010 à 5,7% en 2012.
A la suite des différentes publications européennes, la MI a été déclarée « allergène de l’année 2013 » aux Etats-Unis et va être testée en routine dans la batterie d’allergènes standard nord-américaine.
En Europe, le test à la méthylisothiazolinone a été inclus en novembre 2013 dans la Batterie standard européenne BSE et devient donc un test systématique à réaliser lorsqu’on effectue des patch-tests.
Où trouve-t-on la méthylisothiazolinone ? La MI est présente depuis les années 80 comme conservateur en association avec la méthylchloroisothiazolinone. Ce mélange (MCI/MI), connu sous le nom de Kathon CG®, a été très utilisé, et a donné lieu à une épidémie de dermatites de contact allergiques en Europe (prévalence de 3 à 8%). En 1989, la concentration maximale de MCI/MI autorisée dans les produits cosmétiques a donc été abaissée à 15 partie par million (ppm). Au début des années 2000, la MI « seule » ou associée à d’autres conservateurs que la MCI a été introduite comme conservateur dans les produits industriels (peintures aqueuses, encres, colles, laques, vernis, huiles de coupe, fluides de refroidissement, diverses émulsions aqueuses…). Et, en 2005, elle a été autorisée à la concentration maximale de 100 ppm dans les produits cosmétiques (lingettes, produits pour bébés, pour le bain, pour les ongles, filtres solaires, soins capillaires, produits de rasage, soins de la peau, produits d’hygiène intime, déodorants, maquillage…) et dans les produits ménagers (liquides vaisselle, lessives, assouplissants, nettoyants de surface (y compris étiquetés « bio »)… |
Vers une nouvelle législation plus contraignante dans les cosmétiques
Concernant la législation, une réévaluation par l’Europe de la sécurité d’emploi de la MI dans les cosmétiques est en cours.
En décembre 2013, le Scientific Committee on Consumer Safety (SCCS)de la Commission Européenne a publié un avis sur l’utilisation de la MI dans les cosmétiques. Il y figure qu’au vu des données de la littérature, la MI à la concentration de 100 ppm dans les cosmétiques non-rincés est associée à un risque accru d’induction d’un eczéma de contact allergique et qu’elle devrait être supprimée dans ce type de produits.
Concernant les produits cosmétiques rincés, une concentration maximale de 15 ppm de MI pourrait être considérée comme sûre du point de vue de l’induction de l’eczéma.
« La concentration maximale autorisée de MI dans les produits cosmétiques qui est actuellement de 100 ppm en Europe et aux Etats-Unis équivaut à environ 25 fois le niveau autorisé pour le mélange MCI/MI », précise l’allergologue.
Une nouvelle réglementation de la MI dans les cosmétiques au niveau européen est attendue pour les prochains mois. Mais, le problème de son utilisation dans les produits industriels et ménagers sans limites réglementaires de concentration reste entier. En outre, il faut souhaiter que les fabricants utilisant de la MI [hors-Europe] adoptent les mêmes mesures, conclut le Dr Giordano-Labadie.
Dr Giordano-Labadie. La Methylisothiazolinone. CFA 2014.
Hosteing S, Meyer N, Waton J. et coll. Outbreak of contact sensitization to methylisothiazolinone: an analysis of French data from the REVIDAL-GERDA network. Contact Dermatis. Vol 70. Issue 5. 19 mars 2014.
Citer cet article: Eczéma : la méthylisothiazolinone déclarée « allergène de l’année 2013 » - Medscape - 25 avr 2014.
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