Paris, France – L’intérêt de l’électrocardiogramme (ECG) dans le cadre de la visite de non-contre-indication à la pratique d’un sport, est une question qui n’est toujours pas tranchée. Si l’Italie a rendu obligatoire l’ECG de repos et d’effort dans les sports de compétition, les Etats-Unis eux, n’en réalisent que très rarement (la visite est réalisée par des chiropracteurs ou des infirmiers dans la moitié des cas).
La France s’est davantage alignée sur la position italienne mais de manière plus récente et en se limitant à l’ECG de repos. Les Prs François Carré et Philippe Mabo (CHU de Rennes) ont argumenté le pour et le contre lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC) [1].
Pour : « sans ECG, la visite médicale n’a pas d’intérêt » Pr F Carré
Le sport est une activité bonne pour la santé mais qui peut être associée à un risque de mort subite. « Un jeune âgé de 12 à 35 ans meurt chaque jour en faisant du sport » a rappelé le Pr Carré pour marquer son public, utilisant les données françaises de mort subite liées à une pratique sportive (plus de 1000 par an au total et environ 300 chez les 12-35 ans).
« Le risque de mort subite est multiplié par 4 ou 5 en cas de cardiopathie. Or ce n’est pas le sport qui créé la cardiopathie et le risque de mort subite mais bien la cardiopathie non détectée », a-t-il insisté.

Pr François Carré
Parmi les causes de mort subite chez les moins de 35 ans, se trouvent la cardiomyopathie hypertrophique, la cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène, des anomalies des artères coronaires, une maladie coronaire avec athérosclérose, des canalopathies, des myocardites…
Or, « chez un sujet asymptomatique, l’examen physique est peu parlant ». En dehors de la maladie de Marfan, des maladies valvulaires, des anomalies coronaires, de l’athérosclérose,… la plupart des cardiopathies (cardiomyopathie hypertrophique, dysplasie arythmogène du ventricule droit, myocardite, syndromes du QT court ou long, de Wolff-Parkinson-White ou de Brugada...) ne peuvent être détectées en l’absence d’ECG » a souligné le Pr Carré.
Au demeurant, aucune étude ne démontre l’efficacité de l’examen physique et de l’interrogatoire seuls sur le risque de mort subite. Au contraire, une étude [2] conclut à l’inefficacité presque totale de l’examen médical sans ECG pour dépister des maladies arythmogènes non connues.
L’efficacité de l’ECG, elle, est documentée. Le Pr Carré a présenté deux données :
• une baisse du risque de mort subite de 3,6/100.000 dans les années 80 à 0,4/100.000 au début des années 2000 après introduction de l’ECG systématique (de repos et à l’effort) chez les sportifs de compétition en Italie (*).
• une fréquence de cardiomyopathie hypertrophique à l’origine des morts subites chez les jeunes athlètes en Italie de moins de 5%, contre 25% aux Etats-Unis où l’ECG n’est pas effectué.
Limiter l’ECG aux sportifs de compétition
Outre l’ECG de repos et d’effort chez les sportifs de compétition, l’Italie a brièvement étendu cet été l’ECG de repos à la visite médicale de non contre-indication de tous les sportifs – enfants et adolescents pratiquant un sport en compétition ou non. En fait, cette mesure a été très rapidement retirée, après avoir fait l’objet de critiques, relayées par la presse transalpine.
Si Pr Carré défend l’intérêt de l’ECG, pas question pour lui non plus de l’appliquer à tous les sportifs puisque, d’après deux études [3,4], les cas de décès d’origine cardiaque se rencontrent essentiellement chez des athlètes de compétition. « Il faut cibler les pratiques sportives intenses », insiste-t-il.
De fait, la Société Française de Cardiologie (SFC) ne recommande un ECG 12 dérivations au repos, depuis 2009, qu’aux athlètes de compétition âgés de 12 à 35 ans, en complément de l’examen physique et de l’interrogatoire personnel et familial, tous les trois ans jusqu’à l’âge de 20 ans puis tous les cinq ans de 20 à 35 ans (car après 20 ans l’expression phénotypique évolue moins).
En outre, depuis 2004, le ministère de la Jeunesse et des Sports établit chaque année une liste de sportifs de haut niveau pour lesquels un bilan cardiologique est obligatoire.
Le Pr Carré admet cependant que le fait de rendre obligatoire un ECG systématique pour les certificats de non contre-indication de tous les sportifs de compétition (5 millions de licenciés en France) pourrait poser certains problèmes.
D’abord parce que les cardiologues seraient vite débordés et qu’il faudrait donc former des généralistes à l’interprétation des ECG.
Ensuite parce que le corps médical risque d’être confronté
Citer cet article: Sport de compétition : pour ou contre l’ECG systématique de dépistage ? - Medscape - 24 avr 2014.
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