Détecter et quantifier l’ADN tumoral circulant par une simple prise de sang

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

11 avril 2014

Standford, Etats-Unis – Si la technique est confirmée, ce serait une avancée notable. Des chercheurs américains de l’Université de Standford ont, en effet, mis au point une tout nouvelle méthode de détection et de quantification de l’ADN tumoral circulant à partir d’un échantillon sanguin [1]. Mise au point dans le cancer du poumon, elle a permis d’identifier 50% des patients au stade I de la maladie et la totalité des stades évolués (II à IV). Elle serait aussi susceptible de « suivre » et d’évaluer avec une grande pertinence l’évolution tumorale après traitement. La technique est d’autant plus prometteuse qu’elle pourrait être utilisée pour d’autres types de tumeurs solides. Sensible et spécifique, cette méthode est, pour parfaire le tout, économique ! Les détails ont été publiés dans Nature Medicine [1].

Hautement sensible et spécifique

Dr Maximilian Diehn

Dépister le cancer grâce à une prise de sang, l’idée n’est pas nouvelle, mais jusqu’à présent les techniques disponibles (utilisant principalement la PCR) étaient fastidieuses, longues, nécessitaient une personnalisation à chaque patient ou bien ne montraient pas une sensibilité suffisante. Ce qui fait tout l’intérêt de la technique développée ici, c’est qu’elle est, bien sûr, non invasive, mais surtout hautement sensible et spécifique et pourrait, en prime, être largement étendue à de nombreux types de cancers.

« Nous avons développé une méthode qui  contourne deux obstacles majeurs dans le domaine de l’ADN circulant, explique le Dr Maximilian Diehn (médecin et chercheur dans le service de radiothérapie de l’Université de Standford). D’abord, il fallait que la technique soit très sensible pour détecter de petites quantités d’ADN tumoral sanguin. Deuxièmement, pour être utile en clinique, il fallait un test « standard » pouvant correspondre à une majorité de patients avec un cancer donné [2]. »

De quoi s’agit-il ?

La technique repose sur un test d’hybridation ciblée (targeted hybrid capture) suivi du criblage à haut débit de l’ADN plasmatique. Au départ, le groupe de chercheurs a fait appel à une approche bio-informatique en s’appuyant sur un pool de 407 patients atteints de de cancer pulmonaire non à petites cellules (CPNPC) à la recherche des régions du génome riches en mutations impliquées dans la progression tumorale. Dans un second temps, les chercheurs sont allés « à la pêche » aux mutations en utilisant un « filtre » comprenant une série de sondes correspondant aux zones d’ADN muté retrouvées les plus fréquemment chez ces patients. Au final, ce filtre a été conçu pour cibler 521 exons et 13 introns dans 139 gènes mutés (soit l’équivalent de 0,004% du génome humain) et validé sur une cohorte de 183 patients atteints de cancer du poumon.

Les chercheurs ont ensuite procédé à un séquençage répétitif (près de 10 000 fois) pour s’assurer de détecter toutes les mutations présentes. La méthode appelée CAPP-Seq a été testée sur des échantillons sanguins de 5 personnes saines et 13 patients atteints de CPNPC.

Prédire le risque de récidive

Au total, la technique a permis de diagnostiquer 50% des patients à un stade I de leur cancer et tous les patients présentant des stades plus avancés (II à IV). De façon très intéressante, elle semble permettre de corréler le potentiel tumoral à la quantité d’ADN tumoral (ADNt) circulant retrouvée et donc de prédire le risque de récidive, bien mieux que ne le font actuellement les techniques d’imagerie (Scan, PET-Scan).

Les auteurs citent l’exemple d’un patient stade IIB traité par radiothérapie chez lequel l’imagerie laissait apparaitre une masse d’envergure pouvant faire penser à une tumeur résiduelle. Néanmoins chez ce patient, l’ADNt circulant est resté indétectable, et dans les faits, 22 mois après, le patient n’avait pas connu de récidive. A l’inverse, un autre patient stade IIIB, chez lequel la surveillance par imagerie laissait entrevoir un pronostic positif, a vu son taux d’ADNt remonter légèrement après traitement anticancéreux, suggérant une progression tumorale microscopique. De fait, celle-ci est devenue cliniquement visible au bout de 7 mois et le patient a succombé à son cancer. Des observations du même type ont, par ailleurs, été réalisées chez des patients à un stade précoce (stade I) traités par chirurgie et radiothérapie, montrant « l’intérêt potentiel de la méthode CAPP-Seq pour évaluer le stade tumoral à des stades précoces et avancés du CPNPC et le suivi de l’ADNt après différents types de traitement » écrivent les auteurs.

La technique a même permis d’identifier un patient présentant une petite population de cellules tumorales portant un gène de résistance à la chimiothérapie utilisée habituellement pour ce type de cancer.

« Si nous pouvons suivre l’évolution de la tumeur et voir apparaitre des sous-clones de cellules résistantes au traitement, alors il devient possible d’ajuster la thérapie (ajouter ou switcher) en fonction, analyse le Dr Diehn. De la même façon qu’il devient possible d’identifier des sous-groupes de patients qui, à un stade précoce, pourrait bénéficier d’un traitement supplémentaire de type chimiothérapie ou immunothérapie après chirurgie ou radiothérapie [1]. »

Pour les chercheurs, la prochaine étape va consister à mettre au point un protocole d’essais cliniques démontrant le bénéfice coût/efficacité de cette technique, qui pourrait, en théorie, s’appliquer à d’autres types de cancer (sein, prostate, côlon…). A suivre donc.

Le programme de recherche a reçu des soutiens financiers d’institutions publiques et les chercheurs n’ont pas déclaré de liens d’intérêt. Crédit photo : Norbert von der Groeben, Standford School of Medicine.

 

Références
  • Blood test could provide rapid, accurate method of detecting solid cancers, study finds. Communiqué de presse de l’Université de Standford, 6 avril 2014.

  • Newman AM, et al. An ultrasensitive method for quantitating circulating tumor DNA with broad patient coverage. Nature Medicine. Published online April 6 2014.

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