Paris, France – L’intensification des chimiothérapies anticancéreuses, le développement de greffes de cellules souches hématopoïétiques, et l’augmentation des traitements antibactériens ont considérablement accru le risque fongique en hématologie.
En découle une utilisation à large échelle des antifongiques en prophylaxie et de façon empirique qui a impacté l’épidémiologie des infections fongiques invasives (IFI).

Dr Olivier Lortholary
Interrogé par Medscape France à la sortie d’une session du congrès de la Société Française d’Hématologie 2014 consacrée à ce thème, le Dr Olivier Lortholary (Centre d'infectiologie Necker-Pasteur, Paris) a fait le point sur les nouveaux enjeux associés à ces changements [1].
Medscape France : Vous nous dites que le paysage des infections fongiques invasives a changé au cours de ces dernières années. Qu’a-t-on observé ?
Dr O. Lortholary : ce que nous avons constaté, c’est que ce n’est plus seulement la pré-exposition aux azolés (fluconazole, itraconazole…) qui impacte l’épidémiologie des infections fongiques invasives en hématologie. L’exposition récente aux échinocandines (capsofungine, anidulafungine…) a fait ressortir plus de Candida parapsilosis lors d’événements invasifs ultérieurs. En outre, nous avons observé que des espèces normalement sensibles ont acquis des mutations de résistance aux échinocandines comme Candida Albicans, Candida glabrata et Candida krusei.
Quelles sont les conséquences de l’émergence de ces résistances ?
Dr O. L. : Sur la base de données prospectives de 2507 patients, en Ile de France, entre 2002 et 2010, nous avons constaté que l’émergence de C. krusei est associée à une mortalité plus importante que pour les autres espèces (43% de survie à 30 jours vs environ 60% de survie pour C albicans, C tropicalis, C glabrata, C kefyr) sans que l’on comprenne clairement le rationnel. En revanche, l’émergence de C. parapsilosis est associée à une virulence moindre qui se traduit par une mortalité plus faible (+ de 75% de survie à 30 jours) [2].
Comment peut-on limiter l’apparition de ces résistances ?
Dr O. L. : Il faut respecter le bon usage des antifongiques, optimiser les durées de traitement et savoir reconsidérer la prescription d’antifongiques après quelques jours d’utilisation si le patient n’a pas à l’évidence d’infection fongique documentée ou probable repérable par des signes cliniques, l’imagerie thoracique ou des sinus et les biomarqueurs (bêta-D- glucane, galactomannanes sérique).
Le message est le même que pour les antibactériens même si le risque d’apparition d’une mutation de résistance est moindre, les champignons n’échappent pas à la résistance acquise après exposition aux antifongiques. Moins nous utilisons les antifongiques, moins nous sommes exposés à la survenue d’événements liés à des isolats résistants. Tout ceci sous réserve qu’on ne fasse pas moins bien parce qu’on en utilise moins, bien sûr.
Session organisée avec le soutien institutionnel des laboratoires Gilead. |
Lortholary O, Pagano L, Agrawal S. Risque infectieux fongique en hématologie : Quels sont les nouveaux enjeux ? 31ème congrès annuel de la société française d'hématologie 2014.
Lortholary O. et coll. ECCMID 2014
Citer cet article: Risque fongique en hématologie : nouvelles problématiques - Medscape - 9 avr 2014.
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