Washington, E-U – C’était probablement les résultats les plus attendus du congrès de l’American College of Cardiologie 2014 : la présentation finale de l’essai randomisé SYMPLICITY HTN-3 dont l’annonce, par la société Medtronic il y a quelques mois de la négativité a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Il y a de quoi : après la publication d’une dizaine d’études non randomisées favorables à la dénervation rénale dans l’hypertension résistante, le seul et unique essai randomisé mené avec cette technique est lui… négatif.
Ces résultats ont été présentés par le Dr Deepak Bhatt (Brigham and Women's Hospital, Boston) et publiés simultanément avec un éditorial dans le New England Journal of Medicine [1,2].
Voici les chiffres : 6 mois après la procédure de dénervation ou de simulation (sham), tous les patients ont baissé significativement leur pression artérielle. Mais la baisse est quasiment identique entre le groupe dénervation et le groupe placebo : respectivement -14 mm Hg et -12 mm Hg pour des mesures faites au cabinet. Et en ambulatoire sur 24h, la baisse est de 7 mmHg versus 5 mmHg.
L’absence de différence en faveur de la dénervation est retrouvée dans tous les sous-groupes pré-spécifiés.
Le critère de sécurité est validé
La bonne nouvelle de l’essai SYMPLICITY HTN-3 est que si la technique ne fait pas mieux que le placebo, elle ne fait pas pire puisque le taux d’événements indésirables est comparable dans les deux groupes.
Le critère de sécurité comprenant les décès, insuffisances rénales terminales, événements emboliques liés à l’atteinte d’un organe, complications réno-vasculaires, crises hypertensives dans le mois suivant la procédure, sténoses rénales > 70% dans les 6 mois, ne montre pas de différence significative entre les deux groupes.
La sécurité du dispositif de chauffage de Medtronic semble donc validée.
Que faut-il en conclure ?
Que faut-il en conclure ? La question était posée au panel d’experts de l’American College of Cardiology à la tribune. Il en ressort deux grandes tendances.
La première est que la pression artérielle est une variable bien capricieuse et qu’outre la force de l’effet placebo dans le groupe sham, il est également possible que la participation à un essai clinique ait renforcé l’observance des patients hypertendus, d’où l’excellente performance du groupe contrôle.
Pour le Pr Valentin Fuster (Mont Sinaï hospital, New York), « la labilité de la pression artérielle fait que l’on ne peut pas affirmer que toutes les précédentes études étaient fausses et que celle-ci est juste. Le simple fait qu’on demandait aux patients de mesurer leur pression artérielle 2 fois par jour et de tenir un carnet d’observance avant l’inclusion et durant le suivi biaise les résultats. On n’est plus dans la vraie vie car généralement les patients hypertendus résistants ne sont pas observants. »
La deuxième grande tendance est une remise en question de l’efficacité de la technique elle-même.
« En l’absence de biomarqueurs d’efficacité de la technique de dénervation, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, il nous faut retourner à la paillasse et aux expérimentations animales » a conseillé le Dr Anthony DeMaria (University of California, San Diego).
Où chauffer, comment chauffer, avec quel type d’énergie… sont autant de questions auxquelles il faudra répondre.
La (mauvaise) sélection des candidats à la dénervation est aussi avancée pour expliquer l’échec.
Que vont faire les centres qui pratiquent la dénervation dans le monde?
« Que vont faire les centres qui pratiquent la dénervation ? Faut-il imposer un moratoire à la dénervation ? Quel serait votre recommandation ? » ont demandé au Dr Deepak Bhatt, experts et journalistes présents dans la salle.
Le Dr Bhatt a d’abord fait remarquer que ces questions ne concernent pas les Etats-Unis qui, à la différence de l’Europe et de nombreux autres pays, n’ont pas encore autorisé la dénervation rénale pour traiter l’hypertension résistante. « Je ne recommanderais pas cette technique pour l’instant mais cela ne veut pas dire qu’elle ne soit pas indiquée pour certains patients. Seuls les cliniciens qui pratiquent la dénervation sont à même de prendre une décision. »
On n’en saura pas plus. La balle est dans le camp des Européens.
Faut-il désormais imposer des essais contrôlés avec un groupe sham pour la dénervation rénale ?
Pas simple de répondre car le groupe sham subi une procédure invasive (artériographie rénale) qui pose à la fois un problème de coût et un problème éthique.
Mais « il sera désormais difficile de prendre au sérieux les résultats d’un essai de dénervation rénale sans groupe sham » a reconnu le Pr DeMaria.
Précisions sur la méthodologie de l’étude SYMPLICITY HTN-3
L’essai SYMPLICITY HTN-3 est un essai prospectif contrôlé en simple aveugle qui a randomisé 535 patients hypertendus résistants sur 1441 randomisés initialement. Un statut défini par des chiffres tensionnels >160 mmHg malgré au moins une trithérapie antihypertensive aux doses maximales tolérées et comprenant un diurétique.
L’essai a fait participer 88 centres aux Etats-Unis.
Ces patients ne devaient pas avoir plus de 80 ans, ne pas être insuffisants rénaux et ne pas avoir de sténose d’une artére rénale > 50%. Tous ont subi une angiographie rénale avant la randomisation.
Le critère primaire de jugement est la variation de la pression artérielle mesurée au cabinet à 6 mois et le critère secondaire est la variation de la pression ambulatoire à 6 mois.
L'essai SYMPLICITY HTN-3 a été sponsorisé par Medtronic. Pour les conflits d'intérêt de D Bhatt, se référer au NEJM. |
Références :
Bhatt DL, Kandzari DE, O'Neill WW, et al. A controlled trial of renal denervation for resistant hypertension. N Engl J Med 2014; 370:1393-1401. Available at: http://www.nejm.org
Messerli FH, Bangalore S. Renal denervation for resistant hypertension? N Engl J Med 2014: DOI:10.1056/NEJMe1402388. Available at: http://www.nejm.org
Citer cet article: Dénervation rénale : pas mieux que le placebo dans SYMPLICITY HTN-3 - Medscape - 31 mars 2014.
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