La moitié des diabétiques ont une parondotopathie

Dr Isabelle Catala

Auteurs et déclarations

24 mars 2014

Paris-France -- « Ouvrez la bouche de vos patients diabétiques, vous y trouverez dans un cas sur deux une parodontopathie – de la gingivite à la parodontite agressive -  pouvant conduire à une perte d’attache. Pour 17,3 % des diabétiques (contre 9% de la population) le risque de perte de dents par alvéolyse est sévère.
Il est lié à l’existence des poches parodontales correspondant à un espace qui se crée entre la dent et la gencive et qui se remplit de bactéries anaérobies. Ces pathogènes induisent une inflammation locale et un risque de translocation bactérienne existe.
Pour traiter ces poches, le recours à la chirurgie est souvent nécessaire. Une bonne hygiène bucco-dentaire ainsi qu’un examen annuel des dents et des gencives associés à un détartrage voire un surfaçage radiculaire (élimination du cément dentaire altéré) doivent faire partie intégrante de la surveillance du diabétique. Or ce n’est encore le cas que de 40 % des diabétiques », explique le Pr Pierre Gourdy (Toulouse) à l’occasion du congrès de la Société Francophone de Diabète.

Pas d’impact de l’hyperglycémie sur les carries, mais risque de parodonties

La bouche est un milieu idéal de prolifération bactérienne : on y trouve plus de 700 espèces qui se multiplient facilement dans ce milieu humide à température et pH idéal.
Et contrairement à une idée reçue, chez les diabétiques, l’hyperglycémie ne majore pas le risque de carries mais seulement d’atteinte des gencives par le biais des maladies parodontales.

 
Ouvrez la bouche de vos patients diabétiques, vous y trouverez dans un cas sur deux une parodontopathie Pr Pierre Gourdy (Toulouse)
 

Ces affections des gencives surviennent à l’occasion de la prolifération dans l’espace des poches parodontales de certaines bactéries de la plaque buccale.
La plaque bactérienne est un biofilm : c’est une communauté microbienne (microbiote) qui vit dans son environnement (microbiome). Lorsque les soins bucco-dentaires effectués quotidiennement sont de qualité et en l’absence de facteurs de risque tels que le tabagisme, les bactéries de la plaque sont majoritairement gram positif (S oralis, S gordinonii, C gingivalis…). Leur capacité d’adhérence à l’émail est très élevée.
Il existe un risque de parodonties lorsque des complexes microbiens incluant d’autres bactéries se forment : propionobactéries, corynébactéries…
Enfin, dans les plaques parodontales se développent des actinomycètes, des cocci (S gordonii, S mitis..) et des anaérobies gram négatif (F nucleatum, P gingivalis, C rectus, H aphrophilus…). La prolifération d’une association bactérienne de T denticola, P gingivalis et T forsynthesis induit des lésions de la muqueuse gingivale et de l’os alvéolaire sous-jacent spontanément irréversibles.

Un cercle vicieux chez le diabétique

L’hyperglycémie du diabète agit sur l’axe RANK/OPG et AGE/RAGE et majore le stress oxydatif. L’ensemble de ces cofacteurs induit une dysfonction immunitaire humorale et cellulaire. Il s’y associe une augmentation de la production des cytokines IL-8, IL-6 et TNF alpha.
Chez le diabétique, ce sont ces modifications qui entrainent une destruction tissulaire au contact du biofilm de la plaque dentaire. Comme il coexiste une altération de la réparation cellulaire (liée à une dysfonction de l’axe AGE/RAGE), la parodontie s’installe.
Or, en cas de parodontopathie – et en particulier lorsqu’il existe une dysfonction immunitaire et de l’apoptose comme chez le diabétique – le risque de translocation bactérienne et d’inflammation systémique est majoré.
Il est donc possible que l’existence d’une parodontopathie influe de façon négative sur l’équilibre glycémique.
Enfin, des bactéries de la flore buccale semblent impliquées dans la physiopathologie de certaines affections systémiques et à la présence d’une inflammation de bas grade : athérosclérose, maladies cardio-vasculaires, polyarthrite rhumatoïde, maladies rénales voire cancer…

Détartrer, surfacer, opérer

Traiter chirurgicalement la maladie parodontale chez les diabétiques permet d’abaisser le taux d’HbA1c de 0,40 % en moyenne en trois mois (contre 0,66 % pour l’activité physique et 0,50 % pour la plupart des antidiabétiques oraux). Le simple traitement dentaire médical (détartrage, surfaçage et antibiotiques) de cette affection dentaire ne permet pas d’obtenir des chiffres aussi significatifs.
La perte dentaire chez le diabétique doit être soignée et les dents remplacées sous peine d’induire des troubles de la mastication qui favorisent le recours à un régime mal équilibré (majoration des graisses au détriment des fibres), facteur de risque d’obésité. Or, le surpoids majore la production de cytokines, induit un état inflammatoire latent et augmente la résistance à l’insuline.
« Pourtant, encore aujourd’hui, les prothèses dentaires et les implants sont très mal remboursés, y compris chez les diabétiques et ce défaut de prise en charge incite très souvent à différer le traitement qui est indispensable à une alimentation équilibrée et la restauration de chiffres glycémiques satisfaisants », déplore le Pr Gourdy.

Référence :

Gourdy P. Parondotopathies-diabète : les interactions. SFD 2014. Mercredi 12 mars 2014.

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