Greffe d’utérus : 7 suédoises en attente de transfert d’embryon

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

20 mars 2014

Göteborg, Suède – Sur les neuf femmes transplantées dans le cadre d’un essai clinique suédois mené pour évaluer la greffe d’utérus à partir de donneuses vivantes, sept présentent un organe viable et vont recevoir un embryon, selon un bilan à six mois publié dans Fertility and sterility. En France, le prélèvement sur donneuse décédée est privilégié, mais aucun essai n’est pour le moment en vue.

Une seule grossesse a été jusqu’à présent obtenue avec un utérus greffé. Une jeune femme turque a reçu en 2013 un embryon, deux ans après avoir bénéficié d’une greffe d’utérus à partir d’une donneuse décédée. La grossesse a dû être interrompue au bout de deux mois, l’embryon ne présentant pas de rythme cardiaque.

Un an et demi après leur première transplantation d’utérus, l’équipe du Pr Mats Brännström (hôpital de Göteborg, Suède), l’une des pionnières dans ce domaine, a pour sa part dressé un bilan positif. Les receveuses, tout comme les donneuses, sont en bonne santé et sept femmes ont pu conserver l’utérus greffé.

« D’un point de vue scientifique et médical, les transplantations sont un succès », a déclaré le Pr Brännström, dans un communiqué. « Aujourd’hui, toutes les patientes se portent bien et ont pu retourner au travail ».

Les femmes disposant d’un utérus viable ont eu leurs premières menstruations deux mois après la transplantation. Il est désormais envisagé de transférer un embryon à chacune d’entre elles.

Les embryons ont été conçus par fécondation in vitro et congelés avant que la patiente ne reçoive l’utérus. Le transfert sera effectué dans les 12 à 18 mois qui suivent la greffe.

« C’est une avancée majeure. On peut réellement espérer une grossesse ces prochains mois », a affirmé auprès de Medscape France, le Dr Tristan Gauthier, chirurgien gynécologue au CHU de Limoges, impliqué avec l’équipe du Dr Pascal Piver, dans des travaux sur la greffe d’utérus, mais à partir de donneuses décédées.

Cinq utérus proviennent de la mère

Parmi les patientes suédoises, huit sont atteintes du syndrome de Rokitanski et sont par conséquent nées sans utérus. La neuvième a subi une hystérectomie, en raison d’un cancer du col de l’utérus.

Pour cinq d’entre elles, l’utérus provient de leur mère. Les donneuses, avaient une moyenne d’âge de 52 ans lors du prélèvement et étaient en majorité en post-ménopause.

Selon le bilan, la chirurgie s’est avérée particulièrement lourde puisqu’il a fallu entre 10 et 13 heures pour prélever l’organe et 4 à 6 heures pour le greffer. Aucune complication chirurgicale n’a cependant été rapportée.

Dans le mois qui a suivi la transplantation, l’utérus a toutefois dû être retiré chez deux femmes, en raison d’une infection pour l’une et d’une thrombose pour l’autre.

Des épisodes asymptomatiques de rejet ont été détectés chez trois des sept femmes qui ont conservé leur utérus. Ils  ont été  traités avec des corticoïdes pendant une dizaine de jours. A six mois, l’immunosuppression suivait un protocole standard.

« Ces résultats montrent que la greffe d’utérus à partir de donneuses vivantes comporte peu de risques, malgré de longues interventions chirurgicales », ont conclu les chercheurs.

« Un risque non négligeable pour la donneuse »

Pour le Dr Gauthier, « la procédure reste compliquée », compte tenu du temps élevé de chirurgie. « Le prélèvement comporte un risque non négligeable de complications pour la donneuse, d’autant plus contestable que l’organe n’est pas vital ».

Même si l’essai suédois est prometteur, « il confirme que le prélèvement sur donneuse vivante n’est pas anodin et qu’il est difficilement reproductible. Sans compter que l’effectif des femmes incluses est trop faible pour conclure à une faisabilité ».

En France, le prélèvement sur donneuse décédée continue donc à être privilégié. L’équipe du Dr Piver a mené un premier essai, qui s’est achevé en 2013, pour évaluer la faisabilité d’un prélèvement d’utérus sur donneuse décédée. Sept utérus ont pu être prélevés.

« L’essai a montré l’intérêt de cette procédure. Elle nécessite une chirurgie plus simple de 20 à 30 minutes et, contrairement au prélèvement sur donneuse vivante, permet la sélection de l’ensemble de la vascularisation de l’utérus ».

Pas avant plusieurs années en France

Avant de lancer une étude clinique, l’équipe française attend le feu vert des commissions éthiques, notamment celles de l’agence de la biomédecine. « Le sujet divise, mais l’accueil est plutôt favorable », a souligné le Dr Gauthier, qui ne prévoit pas un essai avant plusieurs années.

La demande est pourtant réelle. « Depuis que nos travaux ont commencé à se faire connaitre, nous avons reçu une quarantaine de courriers de femmes privées d’utérus, qui voient à travers cette technique l’ultime recours pour avoir un enfant ».

Une pétition a même été lancée par une femme ayant subi une ablation de l’utérus pour demander l’autorisation de la greffe d’utérus en France. Adressée à l’Agence de biomédecine et le Conseil national d’éthique, elle a recueilli près de 1000 signatures.

« Pour le moment, nous ne pouvons qu’orienter ces femmes vers l’adoption.  Même si la greffe d’utérus représente un espoir de vivre une grossesse, cela reste encore dans le domaine du fantasme », a souligné le chirurgien.

En France, le syndrome de Rokitansky touche une fille sur 4 500. La pathologie se définit par une absence congénitale totale ou partielle de vagin et d’utérus, mais avec des trompes et des ovaires normaux.

Référence
  • Brannstrom M, Johannesson L, Dahm-Kahler P, The first clinical uterus transplantation trial: a six-month report, Fertility and Sterility, publication en ligne du 28 février 2014.

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