Toxicité des statines: une méta-analyse tente de démêler le vrai du faux

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

18 mars 2014

Paris, France – « Pour les praticiens, il est difficile de différencier les effets secondaires induits par les statines, des événements spontanés ou de ceux attribuables à l’effet nocebo », indiquent les auteurs d’une nouvelle méta-analyse parue dans l’European Journal of Preventive Cardiology [1].

Dans la pratique courante, lorsqu’un médecin observe un effet secondaire chez un patient sous statine, il l’attribue généralement à la statine. Mais l’est-il vraiment ? s’interrogent Judith Finegold et coll. (National Heart and Lung Institute, Londres, Royaume-Uni).

Pour tenter de répondre à cette question, l’équipe a mené une méta-analyse d’essais randomisés, contrôlés contre placebo rapportant les effets secondaires dans les deux bras.

Globalement, 14 essais de prévention primaire et 15 essais de prévention secondaire ont colligé les données de respectivement 46 262 et 37 618 patients.

Il en ressort que seule une petite partie des effets secondaires attribués aux statines semble vraiment être de leur fait.

« Presque tous surviendraient de toute façon avec le placebo », indiquent les auteurs. Parmi les différents effets secondaires étudiés, seul le diabète pour une petite part et l’élévation des transaminases hépatiques sont significativement associés à la prise de statines.

Diabète et élévation des transaminases hépatiques

Depuis quelques années, plusieurs études ont rapporté un risque accru de diabète associé aux statines. Finegold et coll. retrouvent ce sur-risque bien qu’il soit limité.

Dans la méta-analyse, sur la totalité des essais de prévention primaire et de prévention secondaire, 3% des patients qui recevaient une statine ont développé un diabète contre 2,4% de ceux qui recevaient un placebo. Sur les essais de prévention primaire uniquement, le risque absolu de diabète était accru de 0,5% et celui de décès diminué de 0,5%.

Cependant, les chercheurs ont calculé que sur l’ensemble des nouveaux diagnostics de diabète déclarés chez les patients sous statine, un sur cinq, seulement, était directement attribuable à la statine.

Les auteurs notent aussi, qu’en dépit de cette augmentation de cas de diabète, aucun des essais sur les statines, quelle qu’en soit la durée, n’a montré d’augmentation des événements cardiovasculaires.

D’après cette méta-analyse, le seul effet secondaire très clairement attribuable aux statines, dans les essais de prévention primaire et secondaire, est l’élévation des transaminases hépatiques. « Quant à savoir si cette élévation asymptomatique des enzymes hépatiques par les statines est toxique, ce n’est pas clair », commentent les auteurs.

Sur les symptômes musculaires

Dans cette méta-analyse, les taux de myopathie, de douleurs musculaires et de rhabdomyolyse sont similaires dans le bras statines et le bras placebo.

Cependant, dans la vraie vie, nombreux sont les patients qui rapportent des douleurs musculaires sous statines.

Pour expliquer pourquoi cet effet ne ressort pas dans la méta-analyse, les chercheurs avancent plusieurs hypothèses. Ils notent que les essais cliniques financés par l’industrie ne sont peut-être pas exhaustifs sur les effets secondaires. Ils indiquent, par exemple que sur les 24 essais inclus dans la méta-analyse, seuls trois ont rapporté les nouveaux cas de diabète. Ils ajoutent que la sélection des patients, généralement moins malades et plus motivés dans les essais que dans la vraie vie, peut aussi influencer les résultats.

Pour rappel, la FDA recommande de restreindre l’utilisation de la simvastatine 80 mg en raison d’un risque accru de rhabdomyolyse avec ce fort dosage.

Des différences entre les faibles doses et les fortes doses

Une sous-analyse des données de 5 essais comparant les fortes doses et les faibles doses de statines montre une élévation statistiquement significative des transaminases hépatiques, des douleurs musculaires et des symptômes d’atteintes musculaires avec une élévation de la créatinine kinase supérieure à 10 fois la limite supérieure normale.

Concernant l’élévation des enzymes hépatiques, les auteurs estiment que dans 71 % des cas l’augmentation est due au fait de recevoir une dose élevée et non une dose faible. Pour les douleurs musculaires, dans 84% des cas, elles ne seraient pas dues aux fortes doses de statines.

Ceci est à mettre en parallèle avec le fait que la méta-analyse de ces essais montre une baisse statistiquement significative des infarctus du myocarde et des accidents cérébrovasculaires.

« Le bénéfice obtenu grâce au traitement par une statine est aujourd’hui largement démontré et bien supérieur au risque de développer un problème musculaire, et en particulier une rhabdomyolyse, qui reste un événement exceptionnel », indique l’ANSM dans son rapport sur les effets musculaire des statines [2].

Références
  1. Finegold J et coll. European Journal of Preventive Cardiology

  2. ANSM. Traitement par statines et risque musculaire - ANSM. 4 juin 2002.

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