Boston, Etats-Unis – Selon une étude pilote américaine, menée chez des volontaires, la manipulation durant 2 heures de tickets de caisse en papier thermique, se solde par une élévation des taux urinaires de bisphénol A dans les heures qui suivent [1].
Cette élévation reste certes inférieure à ce qui a été rapportés après la consommation de certaines soupes en boite. Mais nul n’a jamais consommé de la soupe en boite 8 heures/jour, 5 jours/semaine, durant 20 ans. La question soulevée par les résultats américains est bien entendu celle des professionnels, exposés au bisphénol A par voie cutanée. Au demeurant, l’expérience a été renouvelée en manipulant cette fois les tickets avec des gants. Et aucune élévation du taux urinaire n’a été constatée.
Faut-il en conclure que, pour certaines professions, le port de gants se justifierait ? C’est une question dont on s’est peu préoccupé, et surtout pas les employeurs.
Les auteurs de l’étude eux, concluent que « les conséquences cliniques de la concentration observée, et d’une exposition chronique, ne sont pas connues, mais qu’elles pourraient avoir une importance particulière dans les populations exposées professionnellement, comme les caissiers, qui manipulent des reçus 40 heures par semaines ou davantage [on est aux Etats-Unis] ».
La manipulation de tickets augmente le bisphénol urinaire
Les résultats publiés dans le Journal de l’American Medical Association, sous la forme d’une « lettre de recherche », a été menée chez 24 volontaires, recrutés parmi les étudiants en médecine et le personnel de l’Université de Harvard. L’âge moyen était de 35 ans ; l’effectif comportait 79% de femmes.
Ces sujets ont donc manipulé des tickets de caisse durant 2 heures.
Avant l’opération, un échantillon d’urine avait été prélevé, pour dosage des formes libres et conjuguées de bisphénol A. Le taux moyen était de 1,8 µg/L. On note au passage que ce chiffre est parfaitement conforme à la valeur moyenne signalée par le CDC dans la population américaine (1,83 µg/L). Même si l’effectif est limité, il semble donc représentatif.
On note également que l’un des sujets, qui présentait un taux initial de 49,3 µg/L, et qui a rapporté avoir consommé quatre cannettes de boisson auparavant, a été exclu.
Quatre heures après la période de manipulation de tickets, la mesure a été renouvelée, montrant cette fois un taux moyen de 5,8 µg/L (p=0,005).
Douze participants ont par ailleurs été suivis de manière plus étroite, avec les résultats montrant un pic de concentration une dizaine d’heures après l’exposition.
Evolution des concentrations urinaires de bisphénol A après exposition
Temps |
T0 |
4 heures |
8 heures |
12 heures |
24 heures |
[bisphénol A] urinaire |
2,1 µg/L |
6,0 µg/L |
11,1 µg/L |
10,5 µg/L |
4,7 µg/L |
P par rapport à T0 |
/ |
<0,001 |
<0,001 |
<0,001 |
0,04 |
Enfin, après une période de washout d’une semaine, l’expérience a été reconduite avec les 12 volontaires, ceux-ci portant cette fois des gants en caoutchouc nitrile. En ce cas, l’évolution des taux urinaires n’est pas significative.
Quelles sont les valeurs réelles en cas d’exposition professionnelle ?
A titre de référence, les auteurs mentionnent un chiffre, tiré d’une étude de 2011 : la consommation d’une soupe en boite fait grimper le taux de bisphénol A urinaire à 20,8 µg/L [2]. Ce chiffre, ainsi que les quelques 50 µg/L constatés après 4 cannettes de boisson chez le participant exclu, confirme que l’exposition alimentaire est la plus « efficace ».
Cela étant, le taux de 10 µg/L, observé 8 à 12 heures après les 2 heures de manipulation de tickets, reste de l’ordre de grandeur du taux associé à une exposition alimentaire. Et surtout, la vraie question est de savoir à quel taux est effectivement exposée une caissière de supermarché, après une journée de travail, et quelle est la cinétique de ce taux, qui n’a apparemment pas le temps de redescendre avant la réexposition du lendemain.
Alors que le papier thermique est une source d’exposition reconnue au bisphénol A, les données sur la question sont rares et fragiles. Une étude de 2010 suggère ainsi que la pénétration cutanée pourrait être augmentée d’un facteur 10 si la peau est mouillée ou très grasse [3].
« Une étude plus importante est nécessaire pour confirmer nos résultats et évaluer les implications cliniques », concluent les auteurs.
L’étude a été financée par une bourse de recherche de l’Université de Harvard. Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêt en rapport avec le sujet. |
Références :
Ehrlichn S, AntoniaM. Calafat AM, Humblet O et coll. Handling of Thermal Receipts as a Source of Exposure to Bisphenol A. JAMA 2014 ; 311(8) : 859-60.
Carwile JL, Ye X, Zhou X, et coll. Canned soup consumption and urinary bisphenol A: a randomized crossover trial. JAMA. 2011;306(20):2218-2220.
Biedermann S, Tschudin P, Grob K. Transfer of bisphenol A from thermal printer paper to the skin. Anal Bioanal Chem. 2010 Sep;398(1):571-6.
Citer cet article: Tickets thermiques au bisphénol A : des gants pour les caissières ? - Medscape - 12 mars 2014.
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